Voitures de société : “Le marché est à l’arrêt !”

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Le gouvernement a bien du mal à mettre au point le nouveau calcul de l’avantage en nature, imaginé dans la hâte. Même après avoir été revu, le mécanisme bute encore sur la question du prix catalogue. En attendant, le marché automobile est perturbé.

La confusion règne toujours au sujet de la nouvelle formule de taxation des voitures de société. Le mécanisme, qui tient désormais compte du prix catalogue des véhicules, peine à se mettre en place. “Résultat, le marché est à l’arrêt”, déplore Wim Rommel, responsable fleet & corporate chez Mercedes-Benz Belgique. “Les clients sont encore réticents, car nous ne parvenons pas à disposer d’une base de calcul claire. C’est dommage car l’impact n’est pas aussi grave qu’on ne le pense pour le plus grand nombre des utilisateurs.”

“Le marché est en pleine hésitation”, confirme Michel Van den Broeck, managing director de LeasePlan Belgium, un des plus grands loueurs du marché, avec un parc de 50.000 véhicules. “Nous avons eu peu de demandes d’offres en janvier, car les clients attendent d’avoir toutes les précisions sur le traitement fiscal.”

L’imbroglio du prix catalogue

La pierre d’achoppement est l’établissement du prix servant de base au calcul de l’avantage en nature. La disposition légale prise le 28 décembre dernier parle d’un prix catalogue, soit “la valeur facturée, options et TVA comprises, sans tenir compte des réductions, diminutions, rabais ou ristournes” (cf. les documents du SPF Finances).

Toutefois, retrouver le prix catalogue d’un véhicule n’est pas chose aisée car il n’existe pas de base de données centrale de ces prix, qui pourrait servir de base incontestable. Certaines entreprises de leasing ont l’habitude d’enregistrer le prix d’achat de leurs véhicules dans leurs bases de données. “Mais ce n’est pas le cas de tous les acteurs du secteur”, remarque Stéphane Verwilghen, président de Renta, la fédération belge des loueurs de véhicules, et patron d’Arval, la division leasing de BNP Paribas. La confusion est encore plus grande pour les entreprises qui achètent directement leurs véhicules et qui ne sont pas forcément organisées comme un loueur de voitures. Cette problématique pourrait être résolue dans le futur, en créant un dispositif comme il en existe aux Pays-Bas. Mais quid de la flotte actuelle, qui compte tout de même 525.000 véhicules, dont 350.000 utilisés par des salariés ?

Ce calcul du prix catalogue est encore plus compliqué à cause de la problématique des options. En effet, le marché belge est spécialiste des offres en package, qui sont par nature des options à prix réduit. Le fisc entend comptabiliser les montants hors remise, mais “il n’est pas certain que tous ces tarifs d’options séparées existent”, constate Wim Rommel (Mercedes-Benz Belgique).

Le calcul prévu actuellement pourrait créer une insécurité fiscale pendant un certain temps. “Ne faudrait-il pas des mesures transitoires pour disposer d’un mécanisme vivable ?” avance Stéphane Verwilghen, président de Renta. “Dans le futur, le secteur et le fisc pourraient convenir d’une base de données de référence des prix. Quant aux véhicules existants, on pourrait soit prolonger le mécanisme antérieur, en modifiant les paramètres pour arriver au rendement souhaité, soit convenir d’un forfait d’options en pourcentage de la valeur du véhicule.” Dans les deux cas, le calcul pourrait se faire sans mettre en péril le montant de recette escompté par le fisc (200 millions d’euros).

En six mois, trois systèmes différents !

Cependant, de nouveaux changements ne sont pas exclus : le gouvernement a d’ailleurs revu sa copie récemment. Une nouvelle disposition a été introduite dans une loi-programme fourre-tout approuvée le 20 janvier par le gouvernement, qui introduit un mécanisme dégressif dans le calcul de l’avantage en nature. Le montant diminuera donc avec l’âge du véhicule, avec une baisse de 6 % par an, et un minimum de 70 % du montant catalogue neuf, options comprises.

La mesure vise à entériner la tentation de contourner la fiscalité en utilisant des voitures d’occasion. Pour ces dernières, le montant pris en compte pour le calcul de l’avantage en nature était, à l’origine, le prix stipulé sur la facture d’achat. “Nous aurions pu avoir des situations injustes, avec deux voitures identiques de trois ans, une reçue neuve, l’autre acquise d’occasion. La première aurait représenté un avantage en nature nettement supérieur à la seconde”, explique Michel Van den Broeck (LeasePlan). Cela ne plaisait pas aux entreprises de leasing, et encore moins au fisc, qui s’est rendu compte qu’il y avait là une porte pour contourner la nouvelle fiscalité.

Si la loi-programme est votée, le changement n’entrera en vigueur que le 1er mai prochain. En attendant, c’est le mécanisme fixé le 28 décembre qui entrera en vigueur. Cela signifie qu’en l’espace de six mois, les utilisateurs passeront à travers trois régimes différents…

“J’ai entendu que, dans le doute, les entreprises adoptaient des politiques différentes”, analyse Joost Kaesemans, porte-parole de la Febiac, la fédération de l’industrie automobile. Certaines appliquent la nouvelle formule, annoncée en décembre, sur les feuilles de paie, d’autres gardent l’ancienne et attendent la mise en oeuvre du dispositif définitif en mai prochain pour procéder à une rectification. Pour moi ça a déjà changé, je paie plus.”

Les constructeurs adapteront leur offre

En ce qui concerne l’avenir du marché du neuf, il faut s’attendre à ce que les importateurs adaptent leurs tarifs et leurs offres commerciales pour mieux coller à la nouvelle fiscalité. Ce fut déjà le cas lorsque l’avantage en nature et la déduction fiscales sont passés à des critères d’émission. Il faut s’attendre à ce que les prix catalogue et l’équipement soient ajustés. Ce ne sera pas inutile : le marché belge est connu pour sa tradition des remises. “Personne ne paie le prix catalogue”, confirme Christophe Weerts, porte-parole de BMW Belgique et Luxembourg. Cela signifie qu’il peut y avoir parfois un grand écart entre le tarif catalogue et le prix réellement payé, ce qui est encore une complication ajoutée au calcul de l’avantage en nature.

On pourrait même voir arriver des modèles spécifiques, adaptés à la fiscalité belge : BMW planche sur une Série 5 particulière. Toutefois, aucun acteur du marché n’anticipe un fort recul des ventes. “Il y aura un glissement dans les catégories ou les équipements, mais je ne pense pas qu’il y aura moins de véhicules d’entreprises”, prédit Michel Van den Broeck (LeasePlan). Chez BMW, on nuance. Le constructeur “premium”, très présent dans les entreprises, anticipe un recul en volume de 7 à 8 %, et 30 % en valeur. Le prix moyen de 35.000 euros pourrait passer à 28.000 euros.

Mercedes fait partie des marques dont les utilisateurs seront potentiellement touchés par des hausses de l’avantage en nature. “Pour une Classe C, qui est la plus populaire dans les voitures de société pour notre marque, cela représente une hausse de l’avantage de 70 à 80 euros par mois, soit environ 35 euros de taxe en plus”, explique Wim Rommel. Pour une Classe E, la hausse fiscale se situe à 50 euros par mois. Ce qui reste encore modéré. L’impact est surtout marqué pour le tout haut de gamme, la voiture du CEO, comme une Mercedes Classe S, qui peut représenter 1.000 euros d’avantage en nature mensuel.

Porsche semble pour sa part moins sensible aux changements fiscaux et clôture un excellent Salon de l’Auto, où une centaine de voitures ont été vendues, comme au Salon de 2010. Dans ce marché de niche, les amateurs sont en effet suffisamment passionnés pour se soumettre sans sourciller au supplément fiscal.

Robert van Apeldoorn

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