Salaires: ni le PTB ni Charles Michel n’ont tout à fait raison

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Le PTB a récemment publié une étude intitulée “Un transfert de près de 9 milliards des poches des salariés vers les profits des entreprises”. Une étude qui frise la mauvaise foi, dit l’économiste Philippe Defeyt.

Le PTB affirme qu’entre 2014 et 2017, la part des salaires dans le revenu national brut a reculé de 2 %. A l’inverse, la part des profits des entreprises a augmenté de 2,7 %. “Cela veut dire que les entreprises ont engrangé annuellement 12 milliards d’euros de profit supplémentaire”, conclut le PTB. Vous n’êtes pas d’accord.

Le PTB a commis plusieurs erreurs méthodologiques. Il prend en compte le revenu national brut, alors que tous les économistes, de droite ou de gauche, considèrent le produit intérieur brut et la valeur ajoutée. Mais si l’on prend le revenu national brut, il faut tenir compte non pas des salaires générés sur le territoire belge, mais de la masse salariale nationale, c’est-à-dire les salaires générés en Belgique, moins ceux versés à l’étranger, plus ceux reçus de l’étranger. Et le solde est positif en raison du nombre important de travailleurs frontaliers chez nous. L’étude du PTB ne tient pas compte non plus du travail des indépendants. Or, dans les revenus des indépendants, il y a une part de travail et une part de capital. C’est une tromperie absolue de dire que si la part des salaires dans le revenu national brut est de 50 %, 50 % va dans la poche des actionnaires.

Comment faut-il raisonner alors ?

La valeur ajoutée se compose de deux grands éléments : le travail (les salaires représentent depuis des années un peu moins de 70% de la valeur ajoutée) et l’excédent brut d’exploitation. Ce terme indique donc qu’il ne s’agit pas de revenu net. Lorsqu’une entreprise emprunte, les intérêts qu’elle paie se retrouvent dans l’excédent brut d’exploitation. Il faut aussi tenir compte de l’amortissement du capital, du vieillissement des machines. Et puis effectivement, il y a une part distribuée aux actionnaires. Mais arrêtons de penser que les dividendes arrivent nécessairement dans la poche des grands actionnaires. Ils arrivent aussi dans les fonds de pension qui les distribuent à des anciens salariés ou à des anciens indépendants.

Vous critiquez aussi la réponse du gouvernement qui brandit les bienfaits du “tax shift”.

On ne peut nier le fait que les petits salaires ont vu leur pouvoir d’achat augmenter. Un travailleur à temps plein payé au salaire minimum garanti a vu son salaire net augmenter de 6 % environ entre le début 2015 et la fin 2018. Ce n’est pas rien. En revanche les petits salaires à temps partiel n’ont pas vu leur position bouger, voire ont baissé en termes réels. Et cela pour une raison assez simple : ces gens, avant même le tax shift, ne payaient déjà pratiquement pas d’impôts. La réforme fiscale n’a donc pas eu beaucoup d’incidence. Pour la masse des personnes qui travaillent à temps partiel dans des secteurs mal payés, comme par exemple les titres services, la question du piège à l’emploi reste d’actualité. Il n’est pas normal que quelqu’un qui va travailler ne voie pas son niveau de vie s’améliorer. Pour moi, la seule manière de résoudre cette question est d’instaurer un revenu de base.

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