Rente nucléaire : les 3 erreurs commises par la BNB

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Le dossier de la “rente nucléaire” échauffe plus que jamais les esprits, ceux des parlementaires, d’Electrabel, de Febeliec, de BASF… La Creg a trouvé au moins trois “erreurs” manifestes dans le rapport de la BNB sur le sujet. Et réaffirme que son calcul est le bon.

Rente nucléaire : BASF se distancie des chiffres de Febeliec… qui lui répond

Electrabel a démenti formellement les chiffres de Febeliec : “Ces déclarations sont tout simplement contraires à la réalité. Le prix réellement payé par les membres de Febeliec clients d’Electrabel en 2007 s’est en réalité établi à 42,49 euros/mégawatt en moyenne pour la partie énergie. Au surplus, la Creg et la BNB disposent de l’ensemble des données contractuelles pour confirmer ces prix de vente.”

BASF, de son côté, a pris ses distances mercredi des chiffres avancés par Febeliec, la fédération des consommateurs industriels d’énergie (dont l’entreprise chimique est membre), dans le débat sur la rente nucléaire. Febeliec a estimé celle-ci à 1,8 milliard d’euros. BASF conteste cependant avoir communiqué à la fédération les chiffres de sa consommation, qui seraient pourtant nécessaires au calcul de la rente.

Febeliec a aussitôt répondu que, dans son communiqué du 3 mai, les valeurs économiques citées pour le calcul de la rente nucléaire “ont seulement un caractère indicatif et que d’autres instances sont mieux placées pour se prononcer à ce sujet”. La fédération des consommateurs industriels d’énergie n’a pas connaissance des prix réels qui découlent de négociations commerciales entre parties.

Febeliec confirme toutefois son plaidoyer pour l’affectation prioritaire de la rente nucléaire au financement des surcoûts sur l’électricité inhérents à la production d’énergie verte, et plus particulièrement l’offshore.

Le débat sur la rente nucléaire se poursuit entre-temps à la Chambre (lire ci-après). La commission compétente doit entendre aujourd’hui (mercredi) les représentants de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz, l’autorité fédérale de régulation de l’énergie.

Creg : les 3 erreurs de l’étude de la BNB sur la rente nucléaire

Parallèlement au (bref) communiqué de Febeliec, la Creg elle-même a publié un document listant plusieurs “erreurs” observées par elle dans le rapport de la BNB. Le régulateur constate tout d’abord “que la plupart des hypothèses retenues dans ce rapport conduisent à fixer la rente à un niveau particulièrement bas, principalement en diminuant artificiellement ce prix de vente.”

Quant aux “erreurs d’appréciation manifestes” de la BNB, “qui témoignent d’une connaissance partielle du marché belge de l’électricité”, elles sont au nombre de trois :

1. Qui consomme ? Le rapport de la BNB “considère notamment que la production d’électricité d’origine nucléaire, dont le profil de production est quasiment constant, est vendue exclusivement aux grands clients industriels à un prix particulièrement bas, en raison de leur profil de consommation, soi-disant stable. Ce raisonnement théorique n’est pas correct”, entre autres parce que “ce groupe de grands clients industriels ne peut absorber à lui seul l’ensemble de la production nucléaire car sa consommation est inférieure à celle-ci”.

Bref, “il convient dès lors de considérer que l’électricité d’origine nucléaire est consommée par tous les clients belges, que ceux-ci soient grands ou petits, ce qui en fait augmenter le prix de vente de manière importante et, partant, la rente nucléaire”.

2. A quel prix ? Ce rapport “considère que le prix de vente de l’électricité aux clients ne peut être déterminé à partir de son prix sur la bourse Endex. Or, c’est ignorer qu’Electrabel fait lui-même partie du pricing panel qui fixe ce prix de marché, et que c’est précisément sur ce dernier que l’entreprise se base pour fixer le prix de l’électricité vendue à la majorité de ses grands clients, à d’autres fournisseurs d’électricité et aux gestionnaires de réseaux pour compenser les pertes d’électricité de leur réseau. Le prix de marché constitue, de plus en plus, une référence incontournable pour le marché de l’électricité et donc, pour la Creg.”

3. Où part la rente ? Ensuite, “ce rapport ne tient pas compte du fait qu’une partie de la rente peut être transférée vers des sociétés du groupe GDF Suez autres qu’Electrabel, dont notamment sa filiale Electrabel Customer Solutions (ECS), qui vend de l’électricité aux clients domestiques, PME et à certains grands clients en Belgique. On pourrait ainsi assister, dans le scénario où Electrabel vendrait de l’électricité d’origine nucléaire à ECS à concurrence de son coût de production, au transfert de la totalité de la rente vers ECS et ainsi constater une rente égale à zéro pour Electrabel, ce qui est absurde. Le partage de l’activité de vente d’électricité entre Electrabel et ECS est une particularité propre au groupe GDF Suez. Or, il importe de prendre en compte le prix de l’électricité baseload qui est appliqué à tous les clients belges, qu’ils soient grands ou petits.”

La Banque nationale défend son rapport sur la rente nucléaire devant la Chambre

Luc Dufresne, de la Banque nationale de Belgique, a été entendu mardi par la commission de l’Economie de la Chambre pour présenter l’étude de la BNB sur la rente nucléaire. Celle-ci a été estimée à plus de 2 milliards par la Creg, alors qu’Electrabel parle de 742 millions d’euros. Pour faire la clarté, le gouvernement a demandé à la Banque nationale de se pencher sur la question. Elle a chiffré la rente entre 809 millions et 951 millions d’euros.

Les parlementaires ont surtout voulu voir clair dans la méthode utilisée par la BNB pour arriver à ce résultat, et notamment sur le montant du MW/h dont elle a tenu compte pour faire son estimation, à savoir entre 40 et 42 euros. Ce montant a été contesté, mardi en début d’après-midi, par Febeliec, dont Luc Dufresne a contesté le chiffre de 60 euros : “Pour 2008, c’est possible. Mais pas pour 2007.”

Dans son intervention, il a souligné que les montants retenus par la BNB ont été calculés sur la base des données validées par la Creg et par Electrabel. Luc Dufrasne a également insisté sur le fait que toute l’étude portait sur les montants et les capacités de 2007. Or, dit-il, “2007, c’est 2007 et 2008 est significativement différent”. Il a notamment estimé qu’un euro de différence représentait 45 millions de différence sur le total.

Le représentant de la BNB s’est aussi défendu d’une des critiques faites à l’étude de la Banque nationale, qui ne tiendrait compte que des gros consommateurs. En fait, a-t-il dit, l’étude est basée sur les montants facturés aux entreprises qui consomment plus de 10 gigawatt/heure par an.

Parmi les parlementaires, Bruno Tobback (SP.a) fut parmi les plus critiques. Pour lui, l’étude de la BNB ne sert à rien. Elle se base sur les chiffres de la Creg qu’elle a interprétés différemment. Olivier Deleuze (Ecolo) s’est, comme plusieurs autres parlementaires, interrogé sur le fait qu’on se soit concentré sur les chiffres de 2007 alors qu’il s’agit de calculer la rente actuelle. Selon lui, le prix actuel est de 10 à 15 euros supérieur à celui retenu dans l’étude et donc la rente est beaucoup plus élevée que le montant avancé par la BNB.

Plusieurs parlementaires, parmi lesquels Karine Lalieux (PS) et Willem-Frederik Schiltz (Open VLD), se sont demandé si Electrabel ne favorisait pas sa filiale ECS en lui vendant l’électricité moins chère qu’aux autres fournisseurs. Luc Dufrasne leur a répondu qu’il n’avait aucune indication allant dans ce sens.

Trends.be, avec Belga

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