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Quand comprendront-ils?

La logique de la relance n’est pas celle des distributions de portefeuilles ministériels. Quand donc le comprendra-t-on?

On a envie de crier, de taper dans les murs. Puis de se dire que finalement, comme dans les tragédies antiques, la Wallonie est maudite. La raison de ce coup de déprime? Au détour d’un article de L’Echo sur les négociations au sein du gouvernement wallon qui ont finalement accouché d’un plan de relance de 7,6 milliards (on devrait être même proche des 10 milliards avec la possibilité d’ajouter 2 milliards en provenance des fonds européens), nous lisons que l’on a évoqué la nécessité de répartir l’enveloppe de la relance entre familles politiques. “Elio Di Rupo a proposé de répartir le budget en trois enveloppes entre PS, MR et Ecolo suivant la clé D’Hondt”, écrit le quotidien. On se frotte les yeux, on téléphone: oui, diverses sources nous confirment la chose et certaines rappellent d’ailleurs que dans la plupart des négociations budgétaires, une telle répartition est monnaie courante.

La logique de la relance n’est pas celle des distributions de portefeuilles ministériels. Quand donc le comprendra-t-on?

Aussi, lors de la conférence de presse du gouvernement wallon qui présente ce plan, mettons-nous les pieds dans le plat: “Est-ce vrai, cette répartition?” “Où allez-vous chercher tout cela?”, nous répond-on, en ajoutant: “Regardez, la plupart des projets que nous présentons sont transversaux”. Traduction: concernent plusieurs ministres de couleurs politiques différentes.

Pourtant, à la lecture du plan de relance, on ne peut s’empêcher de constater qu’il y a bien un équilibre politique. Aucune compétence n’est oubliée, de la biodiversité au cyclisme en passant par la digitalisation de l’administration wallonne (tiens, il a donc fallu le covid pour penser à ces thématiques? ). Eh oui, il y a une répartition qui visiblement reflète l’importance des forces au sein de l’exécutif: si le développement économique récolte 1,26 milliard, “assurer la soutenabilité environnementale” en a 2,67 et “soutenir le bien-être, la solidarité et l’inclusion sociale” 2,12. Ajoutons “miser sur la jeunesse et les talents en Wallonie” (1,4 milliard) et “garantir une gouvernance innovante et participative” (149 millions) et vous avez les cinq grands axes du plan wallon.

Il serait idiot de le critiquer en bloc : l’idée d’améliorer les très faibles compétences des Wallons, et notamment leurs compétences linguistiques, est très bonne (encore que l’on peut se demander si l’enseignement des langues est une compétence régionale). Rationaliser les processus d’aides aux entreprises aussi. Mais cette manière de procéder qui place les équilibres politiques au-dessus de l’efficacité économique est doublement dommageable.

Politiquement d’abord, parce qu’après tout, en répartissant l’argent en fonction de l’importance des partis au pouvoir, on bafoue l’intérêt commun. Ceux qui paient l’impôt ne sont pas seulement rouges, bleus ou verts. Un homme politique a le devoir de gérer les deniers publics au mieux de l’intérêt général, et non en tenant compte de l’intérêt partisan.

Mais il y a aussi le volet économique. Cette crise a montré la fragilité de notre modèle économique et sociétal s’il ne parvient pas à générer suffisamment de croissance “durable”. Sans croissance, pas de financement de soins de santé, pas d’enseignement de qualité, pas de retraite, pas d’emploi, pas de moyen pour décarboner l’économie et relever l’enjeu climatique qui se dresse à nos portes. Pour une région comme la Wallonie, déjà en retard par rapport à la moyenne européenne, soutenir son économie, mettre le paquet sur les secteurs à forte croissance et sur la formation est donc primordial. Aucun euro ne devrait être affecté à des thématiques secondaires. La logique de la relance n’est pas celle des distributions de portefeuilles ministériels. Quand donc le comprendra-t-on?

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