Pourquoi l’Europe n’a pas dégainé en premier dans le scandale FIFA

Le siège de la FIFA à Zurich. © REUTERS/Arnd Wiegmann

Les arrestations effectuées avec fracas dans les hautes sphères de la FIFA (Fédération internationale de football association) à Zurich le 27 mai dernier montrent une fois de plus que la justice américaine est celle qui a le bras le plus long.

Après les multiples amendes infligées ces cinq dernières années au secteur bancaire — amendes qui ont ramené plus de 100 milliards de dollars dans les caisses de l’Etat américain — c’est au tour de la plus puissante fédération sportive au monde d’être rappelée à l’ordre, plusieurs de ses principaux dirigeants étant accusés de corruption. Les Etats-Unis seraient-ils le seul arbitre de l’histoire ? C’est sans aucun doute la nation qui montre le plus de détermination et de vigueur dans la poursuite de la criminalité internationale, fraude comprise. En particulier, le Foreign Corrupt Practices Act de 1977 rend punissable le versement de pots-de-vin par toute entreprise américaine ou ayant des activités sur le sol américain : c’est cette loi qui a mené aux arrestations de Zurich, certaines transactions frauduleuses dont sont suspectées la FIFA ayant vraisemblablement été effectuées par l’entremise de banques américaines.

Pourquoi l’Europe, nettement plus proche de Zurich que Washington, n’a-t-elle pas dégainé en premier dans cette affaire ? Tout simplement parce qu’elle n’en a pas les pouvoirs, son champ de compétences couvrant entre autres le commerce et la concurrence, mais pas la fraude ni la corruption. En outre, l’Europe n’est pas membre de la FIFA et il n’y a pas d’argent européen en cause dans ce scandale, les Etats membres campant jalousement sur leurs compétences nationales en matière de sports. Pour autant, l’Europe pourrait exercer une influence plus forte sur ce secteur et sur le foot en particulier, devenu le sport global par excellence, celui qui génère le plus de profits et qui excite le plus de fans à travers le monde. Pourquoi se tient-elle par exemple en retrait dans l’allocation des droits de retransmission télévisés des championnats européens, qui perturbent pourtant la concurrence dans les médias ? N’oublions pas que c’est la Cour de justice européenne qui, en 1995, a prononcé le fameux “arrêt Bosman” — du nom d’un joueur du FC de Liège — qui a fait du football le business qu’il est aujourd’hui : la libre circulation des joueurs reconnue à ce moment-là a donné lieu à un “marché des transferts” où les prix dépassent désormais l’entendement. Plutôt que de se retrouver elle-même totalement dépassée, l’Europe tient cette fois-ci l’occasion de devenir une autorité dans le monde du sport, en en devenant aussi la gardienne morale. D’aucuns rêvent même d’un boycott par les pays européens de la Coupe du Monde 2018 qui doit se jouer en Russie, ce qui serait un coup extrêmement dur pour Poutine (soutien indéfectible de la FIFA puisque Gazprom en est l’un des sponsors officiels). Mais tant la Commission que Michel Platini, le président de l’UEFA (l’Union européenne des associations de football) ont écarté cette possibilité. Par manque de courage ?

Lutte contre la fraude: Que l’Europe apprenne à siffler plus fort. Elle a tout à y gagner

En tout état de cause, si la domination économique mondiale des Etats-Unis est souvent et largement critiquée, certainement depuis leur remarquable percée dans le numérique et l’avènement de sociétés comme Apple, Google, Amazon et Facebook qui aspirent les données informatiques du monde entier, leur domination en matière de lutte contre la fraude force le respect. Et force le reste du monde à une certaine, voire nécessaire, discipline. La toute-puissance relève donc aussi d’une forme d’intransigeance ; sur le terrain d’ailleurs, n’est-ce pas l’arbitre qui règne en maître ? Que l’Europe apprenne donc à siffler plus fort. Elle a tout à y gagner.

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