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‘Pourquoi l’allocation universelle est un mirage’

L’idée de l’allocation universelle, proposée initialement par le philosophe belge Philippe Van Parijs, fait son chemin en Europe. Revendiquée d’abord par les partis d’extrême gauche, comme Podemos en Espagne, elle trouve actuellement des adeptes au sein même du MR belge.

L’idée de l’allocation universelle, parfois également dénommée “rente de base” est que les pouvoirs publics devraient attribuer, de manière périodique, un montant fixe de revenus à chacun, sans aucune distinction et sans condition.

Cette rente serait attribuée aux riches comme aux pauvres, à ceux qui travaillent et à ceux qui ne travaillent pas, y compris à ceux qui ne travaillent volontairement pas, et sans distinction suivant leur situation familiale et leur origine.

Les défenseurs de l’idée font valoir que le système pourrait remplacer de nombreuses allocations de sécurité sociale, supprimerait nombre de législations et d’administrations, qui n’ont actuellement comme seul objet que de vérifier les conditions de respect des conditions d’attribution des revenus. Enfin et surtout, l’allocation rendrait à chacun une “vraie liberté” d’organiser sa vie comme il veut, y compris en ne faisant rien.

Toutefois, concrètement, cette rente, que certains veulent fixer à 25 % du PIB par habitant — soit en Belgique environ 1.000 euros par mois — deviendrait sans doute pour une très longue période transitoire un complément aux systèmes existants, parce que tous ceux qui reçoivent actuellement des pouvoirs publics des allocations supérieures à ce montant ne se contenteront jamais de celui-ci. Il en serait a fortiori ainsi si le montant de la rente est plus raisonnable encore. Le gain réel au niveau des coûts d’administration serait par conséquent dérisoire par rapport au colossal montant du budget que représenterait le système, que l’on pourrait évaluer en Belgique à au moins 75 milliards d’euros.

On peut aussi s’interroger sur la légitimité d’un système qui a pour fondement d’attribuer un revenu même à ceux qui ne produisent rien, tout en ayant la capacité de le faire. On donne de manière classique l’exemple du surfeur, qui, ayant librement choisi de passer son temps à faire du surf, aurait néanmoins droit à son allocation universelle. Le choix de consacrer sa vie à une telle activité récréative est parfaitement légitime, mais il est douteux qu’il doive être financé par le travail de ceux qui produisent des richesses. A contrario, l’allocation de chômage est fondée sur un système d’assurance qui implique des cotisations passées et/ou futures de celui qui en bénéficie, et est assorti de conditions telles que la recherche active d’un emploi.

Le juste slogan “à travail égal, salaire égal” a comme corollaire tout aussi juste “à travail différent, salaire différent”

C’est sans doute là que, sur le plan des principes, le système de l’allocation universelle trouve sa principale faiblesse. Le capitalisme, avec ses qualités et ses défauts, a comme caractéristique essentielle que le revenu de chacun est la contrepartie de son travail, fixée en fonction de l’utilité que les autres y trouvent ou croient y trouver.

L’octroi d’une allocation universelle casserait le lien nécessaire qui existe actuellement entre le revenu perçu et les richesses créées. Pour une part substantielle, le revenu de tout le monde, et non seulement de ceux qui ont le cas échéant des besoins réels à satisfaire, serait fonction de décisions politiques, dont celle de fixer le montant de la rente, et plus du fait de créer des richesses dont profitent les autres. Ce serait le triomphe des “moyens politiques” sur les “moyens économiques” de bénéficier de revenus.

Rapidement, les gouvernants comprendraient qu’ils ont toutes les chances d’augmenter leur force électorale en proposant des augmentations de la rente, censées profiter à tout le monde, au détriment de ceux qui travaillent ou qui investissent.

Déjà, dans notre système de “solidarité contrainte”, il est aisé, pour des gouvernants avec un peu de démagogie, d’acheter des voix en proposant des allocations, des subsides ou tout autre type de dépenses, qui satisfont certaines catégories. Qu’en serait-il s’il suffisait d’augmenter une allocation universelle pour contenter prétendument tout le monde ?

Poussée à l’extrême, la méthode aboutirait à un égalitarisme de plus en plus forcené. Or, il est bon de rappeler que le juste slogan “à travail égal, salaire égal” a comme corollaire tout aussi juste “à travail différent, salaire différent”.

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