“Pourquoi il faut augmenter la TVA”

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Charles Michel a beau exclure toute augmentation de la TVA, nombre de spécialistes plaident pour cette décision afin de régler, peu ou prou, les problèmes budgétaires du pays. Pour l’Itinera Institute, c’est clair : il faut relever le taux normal de TVA. Mais pas seulement. Explication.

Interrogé sur l’idée d’augmenter la TVA pour dégager des moyens supplémentaires, Charles Michel, président du MR, estime, dans une interview à La Libre Belgique, que ce serait un non-sens économique : “Pas touche à la TVA ! Nous n’allons pas amputer le pouvoir d’achat des gens de 1,3 milliard d’euros. D’autant que cela aurait des conséquences sur la compétitivité des entreprises belges. Une hausse de la TVA se répercute forcément sur les salaires via l’indexation automatique.”

Tout aussi “contre”, la fédération du commerce belge Comeos et la Confédération Construction estiment, pour la première, que “la mesure coûtera finalement plus à notre société qu’elle ne lui rapportera”, et pour la seconde, que “l’augmentation de la TVA entraînerait une recrudescence du travail au noir”.

Certains spécialistes voient pourtant, dans la TVA, rien de moins que “l’impôt du futur”, apte, selon eux, à sauver le budget fédéral. Une réforme en profondeur de notre système TVA ferait, selon eux, disparaître le déficit budgétaire d’un claquement de doigts. Car les exemptions et autres exonérations font “perdre” 20,46 milliards d’euros au Trésor. Plus que suffisant pour combler notre déficit de 14 milliards d’euros !

TVA : les 9 commandements d’Itinera à Di Rupo Ier

L’Itinera Institute, dans une note datée d’octobre dernier, plaidait déjà pour une augmentation du taux normal de la TVA. Le think tank plaidait pour une réforme du système fiscal par laquelle les possibilités de déduction seraient réduites et regroupées dans un seul paquet avec un montant maximal déductible.

“Le contribuable choisit par lui-même à quoi il consacre la déduction”, écrivait alors Itinera, qui appelait “également le législateur à introduire des règles budgétaires dans la Constitution”. Le groupe de réflexion énumérait ensuite les 9 dimensions de son projet en matière de TVA, comme autant de “commandements fiscaux” adressés au gouvernement Di Rupo.

1. Relever le taux normal de TVA (actuellement de 21 %)

“Le relèvement de la TVA, qui s’inscrit dans un contexte international (hausse avant la crise en Allemagne et avec la crise dans de nombreux pays, de la Grande-Bretagne à la Grèce) génère des recettes qui peuvent réduire le déficit et compenser un allégement des cotisations sociales. Ce second objectif n’est pas protectionniste mais au contraire vise à rétablir un level playing field entre production locale finançant la solidarité et production importée ne finançant pas la solidarité.”

2. Réduire le champ des taux de TVA réduits (actuellement 6 % et 12 %)

“Les taux réduits sont source de perte de recettes pour l’Etat, de distorsion dans l’allocation des ressources par les agents économiques et de gonflement de marges bénéficiaires. Leur justification économique, environnementale ou sociale souffre de nombreux contre-arguments. Ainsi, le bilan de la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration, en France puis en Belgique, est peu favorable. La promotion de l’emploi par une TVA réduite dans des secteurs à haute intensité de main-d’oeuvre gagne à se faire de manière directe, en abaissant le coût du travail.”

Le ciblage social d’une TVA réduite est, selon Itinera, “beaucoup trop grossier” : “Certes, la part de l’alimentation dans le budget d’un ménage est inversement proportionnelle aux revenus de ce mé­nage, mais ne taxer qu’à 6 % l’épicerie fine et à 21 % les habits bas de gamme laisse penser qu’il y a moyen d’être socialement plus efficace sans être stigmatisant. Un cas précis ne vaut pas une explication générale mais comment peut-on justifier de taxer les quads à un taux de 6 % ?”

3. Elargir le champ de ce qui est soumis à TVA

“Pour générer des recettes, réduire les distorsions, faciliter le contrôle et parce que la logique de la TVA est de permettre l’imputation de la TVA payée en amont, il conviendrait d’assujettir à la TVA normale le plus possible d’activités, de la location de bureaux aux honoraires de professions libérales en passant par l’achat de billets d’avions.”

4. Relever les accises existantes

“Aujourd’hui, les droits d’accise portent principalement sur les carburants, les boissons alcoolisées et les produits de tabac. Même si les achats effectués par les camionneurs britanniques génèrent des ressources pour le Trésor belge et occasionnent des dépenses publiques au Royaume-Uni, il faut relever les accises existantes et supprimer l’avantage appelé diesel professionnel (à l’heure actuelle, 60 euros par 1.000 litres).”

5. Elargir le champ des produits soumis à accises

“La Belgique est un pays où les combustibles fossiles de chauffage sont particulièrement peu taxés. Cette exception, qui contribue à expliquer la faible performance énergétique moyenne du logement en Belgique, ne peut même pas être justifiée par un argument de risque de possible détournement de trafic. En fait, s’agissant de détournement, c’est plutôt l’usage de mazout de chauffage comme carburant automobile que le différentiel de taxation stimule, même si la pratique est interdite.”

Autre extension du champ d’application des droits d’accise : la fat tax, “c’est-à-dire une taxe additionnelle sur l’achat de biens potentiellement nuisibles pour la santé. Le code belge traite aujourd’hui du café et des limonades mais les taux les pourraient être relevés et le champ élargi, par exemple aux chips et aux sucreries. L’obésité est à la fois un coût et une menace qui justifient cette mesure, même si elle pénalise des consommations raisonnables, laisse de côté d’autres consommations tout aussi nuisibles et frappe proportionnellement davantage les ménages à bas revenus.”

6. Privilégier les accises ad valorem

Les droits d’accise sont “spécifiques, c’est-à-dire indépendants de la valeur de marché des biens auxquels ils s’appliquent, à l’exception du tabac où existe également un droit ad valorem. L’harmonisation européenne de la TVA a supprimé la surtaxation des produits de luxe, par exemple sur les bateaux de plaisance, dans une logique de simplification et peut-être aussi par suite des interrogations des économistes sur qui supportait le poids effectif de cette surtaxation (l’actionnaire et le travailleur spécialisé du chantier naval davantage que le candidat acquéreur d’un yacht ?).”

Privilégier des accises ad valorem permettrait, selon le think tank, de générer un surcroît de recettes, de corriger le caractère régressif des accises actuelles et d’harmoniser le traitement entre tabac et autres produits soumis à accises. Il est difficile de comprendre pourquoi les cigarettes de luxe sont davantage taxées que les cigarettes bon marché mais que les vins fins sont taxés comme le vin ordinaire.”

7. Au besoin, taxer les externalités autrement que par les accises

“La simplicité demande de ne pas multiplier à l’envi les modalités d’imposition mais si les droits d’accise ne parviennent pas à correctement taxer les externalités négatives, il faut envisager des impôts indirects ad hoc. C’est le cas en matière automobile où les accises sont liées à la quantité consommée mais où les émissions polluantes, l’encombrement des routes et l’usure des infrastructures routières méritent une mesure plus fine pour pouvoir taxer plus lourdement certains comportements sans appliquer des tarifs déraisonnables aux automobilistes à consommation identique mais dont le comportement est moins dommageable.”

8. Neutraliser la hausse de la fiscalité indirecte dans l’indexation

“Afin d’éviter une hausse des coûts du travail, il convient d’empêcher que la hausse des recettes de TVA et d’autres impôts indirects se répercute dans le salaire brut. Une telle neutralisation a déjà eu lieu en 1993 avec l’adoption de l’indice-santé mais elle devrait être généralisée, sous peine de miner l’emploi en Belgique.”

9. Protéger les bas revenus contre la hausse de la fiscalité indirecte

“Il faudrait apprendre à parler de TVA sociale comme on parle de cotisations sociales, c’est-à-dire que la fiscalité indirecte doit financer une plus grande part de la protection sociale. Toutefois, une hausse de la TVA frappe plus directement les bas revenus, dont la propension à consommer est plus grande, et plus encore si l’effet de l’alourdissement de la fiscalité indirecte sur l’indice des prix est neutralisé dans l’indexation des salaires. Il faut donc que les bas revenus soient immunisés contre une déperdition de pouvoir d’achat au travers d’un relèvement des allocations sociales de base et des salaires minima.”

V.D.

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