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“Pour une région comme pour un pays, l’exit n’est pas la solution”

On a parfois comparé les stratégies du gouvernement Rajoy et du gouvernement catalan à deux trains fous roulant à pleine vitesse l’un vers l’autre. La collision frontale était inéluctable. Le parlement catalan a voté la semaine dernière une déclaration d’indépendance, et deux heures plus tard, Madrid mettait la Catalogne sous tutelle.

Cette “cata catalane”, comme aurait dit Boby Lapointe, a des explications multiples, ancrées dans l’histoire et dans le fait que le système européen donne aux petites entités (régions, et surtout Etats) un poids qu’elles n’auraient jamais imaginé avoir seules. Et cela peut monter à la tête. N’est-ce pas, Monsieur Francken ?

L’événement a donc des explications. Mais il est bien difficile de lui trouver une justification. Le gouvernement indépendantiste catalan s’est souvent référé à l’exemple slovène pour montrer un exemple d’exit réussi en Europe. Mais la Yougoslavie d’alors était dominée par un régime serbe autocrate. L’Espagne, malgré les erreurs de Mariano Rajoy, est un régime démocratique. Mais oui, Monsieur Francken !

Et justement, sur le plan démocratique, les résultats du référendum qui a mis le feu aux poudres sont plus que douteux. Le scrutin n’a rassemblé que 1,8 million d’électeurs (qui ont dit si à 90%), sur un total de 5,3 millions de votants potentiels. Si autant de Catalans ont préféré aller à la pêche ce jour-là, c’est que les anti-indépendantistes avaient boycotté les urnes. L’indépendance a donc été déclarée avec le soutien de seulement 30 % des votants potentiels !

Les indépendantistes brandissent alors l’argument massue du droit des peuples à l’autodétermination. Le concept fort a eu son heure de gloire lors de la décolonisation, voici 60 ans. Mais les Catalans peuvent-ils se prévaloir d’une situation identique à celle de l’Algérie ou du Congo ? A supposer qu’ils forment un peuple (ce qui est loin d’être évident : 46 % des habitants de la région parlent d’abord espagnol et sont donc attachés au pouvoir de Madrid, et 36 % seulement utilisent le catalan comme première langue, le solde étant bilingue), cela ne leur donne pas nécessairement le droit de créer un nouvel Etat.

L’autodétermination est le droit des peuples à choisir la forme de leur gouvernement, pas à faire sécession.

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Des juristes ont en effet rappelé que l’autodétermination est le droit des peuples à choisir la forme de leur gouvernement, pas à faire sécession. Ainsi, lorsque les Nations unies ont voté voici 10 ans une résolution confirmant le droit des peuples autochtones à s’autodéterminer, elles ne voulaient pas signifier que, d’un coup, les 7.000 peuples parlant des langues différentes qui existent dans le monde créent chacun une nation.

En outre, un Etat n’est viable que s’il est reconnu par ses pairs. Et si l’existence de la Slovénie en 1991 a été assez immédiatement reconnue par les grands pays, on voit qu’il en est tout autrement pour la Catalogne. Les réactions ont été quasiment unanimes : de Washington à Berlin, on a immédiatement déclaré que l’on ne continuait à reconnaître que le seul Etat espagnol. Seuls deux gouvernements ont émis un silence gêné : le suédois et le belge, tous les deux étant le fruit d’une coalition difficile contrôlée par des nationalistes sourcilleux. N’est-ce pas, Monsieur Francken ?

Ni historique, ni politique, la justification n’est pas économique non plus. A supposer (ce qui n’arrivera pas puisqu’il faut l’accord de Madrid) que la Catalogne indépendante intègre l’Union européenne, elle devra affronter dans sa nouvelle vie la gestion d’une dette très importante et une longue période d’examen avant d’intégrer le marché unique et la zone euro. Entre-temps, elle sera entourée de barrières douanières et réglementaires. Ce que les entreprises catalanes ont bien compris. Au dernier décompte, 1.500 sièges sociaux avaient déjà abandonné la région….

Pour une région comme pour un pays, l’exit n’est donc pas la solution. N’est-ce pas, Madame May ?

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