Nucléaire : la Belgique allume un “mini-réacteur”

Alors qu’il tourne le dos à l’énergie nucléaire, notre pays investit dans la recherche. Et s’offre au passage une première mondiale, à Mol.

Le champagne a beau avoir été sablé lors de l’inauguration en mars 2010, c’est hier que “Guinevere” a vécu ses premiers moments historiques. “Une primeur mondiale !”, insiste le professeur Hamid Aït Abderrahim, directeur adjoint du Centre d’étude de l’énergie nucléaire (CEN). Disposer des différentes composantes de ce réacteur n’était pas tout, encore fallait-il les assembler, mener des batteries de tests et décrocher le feu vert de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN). C’est chose faite : Guinevere a pu entrer en service.

Basé à Mol, le CEN dispose depuis 1961 d’un réacteur de recherche. Belgian Reactor 2 (BR2 de son petit nom) a permis à la Belgique de se placer parmi les leaders de la production de radio-isotopes nécessaires à la médecine nucléaire et à l’industrie. Même constat pour le silicium dopé, intervenant notamment dans les éoliennes, les moteurs hybrides ou la technologie photovoltaïque.

Dès 1998, la Belgique et ses partenaires français et européens envisagent le successeur de BR2 : ce sera Myrrha. Un projet de plus de 900 millions d’euros, porté à 40 % par le pays hôte, qui devrait débuter son activité en 2023. “Le refroidissement de ce réacteur de quatrième génération sera assuré par du métal liquide, un mélange de plomb et de bismuth”, explique Hamid Aït Abderrahim. L’un des atouts de cette génération repose sur le processus de transmutation. Pour faire bref : le volume de déchets est diminué d’un facteur variant entre 50 et 100, tandis que la durée de la radiotoxicité des éléments les plus problématiques (actinides mineurs) se voit amputée d’un facteur 1.000, passant de centaines de milliers d’années à moins d’un millénaire.

Un “paradoxe nucléaire” ?

Et Guinevere là-dedans ? C’est en quelque sorte un modèle réduit de Myrrha, qui servira à l’analyse et à la démonstration de la transmutation. Une exclusivité mondiale à la clef : ce “mini-réacteur” est couplé à un accélérateur de particules qui le rend “sous-critique”. Ne disposant pas d’assez de matière fissile pour entretenir la réaction en chaîne, il doit être en permanence alimenté par l’accélérateur et peut donc être arrêté en une fraction de seconde.

Ce projet devrait créer quelque 2.000 emplois, directs et indirects, et générer un va-et-vient international de chercheurs. Reste cet apparent paradoxe : que fait Myrrha sur le sol d’un pays qui a décidé de tourner le dos à l’énergie nucléaire ? “La Norvège, qui n’a jamais produit d’électricité nucléaire, est dotée d’un réacteur de recherche, sourit Hamid Aït Abderrahim. La Belgique a accumulé une énorme expertise. Ce n’est pas parce que l’on arrête une application du nucléaire que l’on stoppe toutes les autres. Par ailleurs, le démantèlement des centrales nécessite une expertise maison.”

Benoît Mathieu

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content