MR-FDF : le coût du divorce

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Le financement public du FDF d’Olivier Maingain est loin d’être assuré. Son sort dépend du bon vouloir de son ex-partenaire de fédération…

Olivier Maingain a-t-il bien fait ses comptes à l’heure de lâcher le Mouvement Réformateur ? En faisant le grand saut, le président du FDF prend des risques. Le financement public du parti amarante bute en effet sur quelques obstacles de taille. Pour prétendre à une dotation publique, il s’agit tout d’abord d’avoir… des élus. Dans l’état actuel des différentes assemblées du pays, le FDF n’est pas ce que l’on peut appeler une formation dominante. Trois élus à la Chambre, 11 élus au Parlement bruxellois et un élu au Parlement flamand. Pas de chance pour le FDF, la dotation publique aux partis politiques n’est octroyée qu’au niveau fédéral, au niveau wallon et au niveau flamand.

Au Parlement wallon, le FDF n’existe pas. Chou blanc aussi du côté flamand : un seul député, c’est trop court pour obtenir une dotation. Reste le Parlement fédéral. Chaque parti représenté à la Chambre ou au Sénat par un parlementaire (au moins) a droit à une dotation. Celle-ci correspond à une somme forfaitaire de 125.000 euros, augmentée d’un montant supplémentaire de 1,25 euro par vote (le tout indexé). C’est justement sur ce mode de calcul que butera le FDF. Vu l’importance du vote en case de tête, impossible de savoir combien de suffrages se sont portés sur les candidats FDF lors des dernières élections fédérales en 2010. “Le FDF ne pourra pas prétendre à une dotation fédérale, observe Jean Faniel, politologue au Crisp (Centre de recherche et d’information socio-politiques). La seule solution pour le FDF est de parvenir à un accord avec le MR sur un transfert d’une partie de la dotation. C’est ce qu’avaient fait le CD&V et la N-VA lorsque le cartel s’était séparé.”

280.000 euros de “transferts” MR-FDF ?

S’ils s’entendent (ce qui est loin d’être acquis), les deux ex-partenaires francophones pourraient décider de répartir les fonds suivant une clé de répartition basée sur le nombre d’élus. Le FDF toucherait dans cette hypothèse un chèque annuel de 228.000 euros (voir tableau). Mais ce versement dépend du bon vouloir du MR, qui tient les cordons de la bourse. L’asbl GAL (Gestion et action libérale), cornaquée exclusivement par des responsables MR (tendance PRL), est la seule institution habilitée à recevoir les dotations publiques au nom de la fédération. Jusqu’à présent, le parti de Charles Michel reversait une obole au FDF selon une clé de répartition gardée secrète. Du côté du MR, on évoque un montant annuel proche de 280.000 euros. “Ils exagèrent, ils versaient moins que cela”, réagit Didier Gosuin, chef de file FDF au parlement bruxellois. Quoi qu’il en soit, l’accord est aujourd’hui en péril. “Si le FDF confirme son intention de se retirer des différents groupes MR, cette rétribution n’a plus lieu d’être”, avance Frédéric Cauderlier, porte-parole du Mouvement Réformateur. La dotation publique fédérale restera donc intégralement versée au MR, sur la base des derniers scores électoraux, à charge pour le parti de décider (ou non) d’en reverser une partie au FDF.

Heureusement pour le FDF, les dotations aux partis politiques ne sont pas les seules sources de financement public. Le parti d’Olivier Maingain, qui a fait de la défense des francophones son cheval de bataille, pourrait aussi prétendre à des subsides dans les différentes assemblées du pays… pour autant qu’il parvienne à y constituer des groupes politiques. Deuxième os pour le parti amarante. A nouveau, au Parlement flamand, le parlementaire élu est trop seul pour former un groupe. Les trois membres du Parlement de la Communauté française sont aussi en nombre insuffisant. Au fédéral, le FDF rentrera également bredouille : pour former un groupe politique à la Chambre (le FDF n’a aucun élu au Sénat), il faut cinq parlementaires minimum. Deux têtes trop court. Le FDF ne recevra donc rien. Il perdra même les collaborateurs attachés à ses élus (un universitaire par parlementaire). “Ils devront d’abord prester leur préavis, tempère Didier Gosuin. Certains sont en fonction depuis longtemps, et pourraient rester deux ans.” Quant aux places en commission, elles devront faire l’objet d’un nouvel accord politique. Et les postes attachés aux élus FDF (O. Maingain est questeur à la Chambre) seront remis en question. A noter : le MR perdra aussi des plumes dans l’affaire, puisque son groupe politique se réduira de trois unités (voir tableau).

Seule planche de salut pour le FDF : le Parlement bruxellois, où le parti est historiquement fort. Avec ses 11 élus, il pourra sans problème revendiquer sa reconnaissance en tant que groupe politique. Mais il faudra convaincre le bureau élargi du Parlement bruxellois, qui regroupe l’ensemble des formations politiques démocratiques de l’assemblée (flamands inclus). Bon prince, le chef de groupe MR Vincent De Wolf a annoncé qu’il soutiendrait la démarche de son ex-partenaire. Le FDF pourrait ainsi récupérer quelque 209.000 euros. Au final, le MR, qui est actuellement financé par des fonds publics à hauteur de 6,4 millions d’euros, ne devrait donc perdre que les 209.000 euros en question, auxquels s’ajoutent 158.000 euros pour la perte de trois parlementaires fédéraux et 38.000 euros pour la réduction d’effectif à la Communauté française. Soit un montant total de 405.000 euros auquel pourraient s’ajouter 228.000 euros si le parti consent à reverser une partie de sa dotation au FDF.

Un parti “économe et spartiate”

Pour espérer grappiller des fonds, reste donc pour le FDF à actionner les leviers “privés”. Comme le font la plupart des partis, le FDF demande à ses mandataires (parlementaires, ministres, bourgmestres, échevins) de reverser une partie de leur rémunération au parti. “Je reverse environ 1.000 euros par mois”, atteste le bourgmestre d’Auderghem Didier Gosuin. Outre les dons ponctuels des sympathisants, le parti peut également compter sur les cotisations de ses 7.000 membres (15 euros), soit un total de 105.000 euros. Les adhésions iraient d’ailleurs bon train : depuis 15 jours, le parti gagne 50 à 60 membres par jour, nous indique le porte-parole du FDF. D’après le dernier rapport de la Chambre relatif au financement des partis politiques, le FDF dispose aussi de fonds propres, à hauteur de 484.000 euros (chiffres arrêtés au 31 décembre 2009), via une association de fait dont les administrateurs sont tous FDF, et dont les comptes rentraient jusqu’à présent dans les comptes consolidés du MR.

La formation politique devra néanmoins se serrer la ceinture jusqu’aux prochaines élections (communales en 2012, régionales et fédérales en 2014). “La vie est toujours plus belle quand on est riche, philosophe Didier Gosuin. Mais ne vous en faites pas pour le FDF. Nous sommes économes. Nous ne sommes pas endettés. Nous sommes propriétaires de notre immeuble. Et nous sommes habitués à vivre de manière spartiate. Quand on se réunit, c’est avec un sandwich jambon-fromage, pas avec des gâteaux de chez Wittamer.”

Gilles Quoistiaux, Trends-tendances

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