Macron et Merkel en vedette à Davos

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L’un vante le libre-échange, l’autre pourfend le harcèlement sexuel, autant de thèmes consensuels chers à l’élite mondiale de Davos, qui a serré les rangs autour de Narendra Modi et de Justin Trudeau en attendant Angela Merkel et Emmanuel Macron.

Alors que tout Davos s’attend à ce que Donald Trump vienne pourfendre vendredi le libre-échange, le Premier ministre indien a déploré que “les forces du protectionnisme relèvent la tête face à la mondialisation”.

Narendra Modi a estimé que “l’isolationnisme n’était pas une solution à cette situation préoccupante” à l’ouverture du Forum économique mondial, qui va réunir jusqu’à vendredi quelque 3.000 participants triés sur le volet dans la très chic station de ski suisse.

Comme pour confirmer ses craintes, les Etats-Unis ont annoncé lundi l’imposition de nouvelles taxes en particulier sur des panneaux solaires importés de Chine.

Le Premier ministre indien a lui promis de “dérouler le tapis rouge” aux investissements étrangers en Inde.

Berlines et hélicoptères

Dans l’après-midi, son homologue canadien Justin Trudeau s’est également appliqué à séduire l’assemblée de grands patrons et autres “leaders” qui arrivent les uns après les autres dans la ville enneigée, qui en grosse berline noire, qui en hélicoptère.

Alors que le Canada vient de se joindre à un vaste accord commercial transpacifique avec dix autres pays – mais dont les Etats-Unis se sont retirés – Justin Trudeau a évoqué sans le nommer le président américain, en déplorant “beaucoup de scepticisme sur le commerce dans le monde à l’heure actuelle”.

Les Etats-Unis menacent d’ailleurs de quitter l’accord commercial les liant au Canada et au Mexique.

“Nous pouvons faire tellement mieux”, a aussi dit Justin Trudeau aux participants du Forum, en référence aux inégalités tenaces: selon l’ONG Oxfam, le fameux “1% le plus riche” du monde, bien représenté à Davos, a capté l’an dernier 82% de la richesse produite sur la planète.

Et le Premier ministre canadien, dont le pays préside cette année le G7, a vanté l’accent mis à Davos sur l’égalité salariale et les droits des femmes.

S’exprimant tour à tour en français et en anglais, souvent applaudi, il a par exemple estimé que le harcèlement sexuel était “inacceptable”, sur fond de déferlante #metoo.

Donald Trump, lui, a été accusé par plusieurs femmes de comportements sexuels déplacés, et été abondamment critiqué pour des propos sexistes.

Plus d’un millier de personnes ont manifesté mardi soir à Zurich contre sa venue, scandant “Trump not welcome” (“Trump n’est pas le bienvenu”), et arborant des banderoles et pancartes sur lesquelles on pouvait lire: “Dump the Trump (“Jetez le Trump”), ou “Smash WEF” (“Détruisez le Forum économique mondial”).

Mais si le président américain est attendu en Suisse avec un rien de défiance, force est de constater que les turbulences économiques redoutées lors de son élection ne se sont pas matérialisées, au contraire.

Conjoncture au beau fixe

Le Fonds monétaire international vient par exemple de relever ses prévisions de croissance pour 2018 et 2019.

Et s’il est de bon ton à Davos, entre une table ronde sur les réfugiés et une dégustation de grands vins, de s’inquiéter des accents populistes du président américain, sa récente réforme fiscale, baissant de 35% à 21% le taux d’imposition des entreprises, lui vaut aussi beaucoup d’amis.

“Désormais des entreprises du monde entier se disent que c’est aux Etats-Unis qu’il faut être”, s’est réjoui à Davos le milliardaire Stephen Schwarzman, patron du très puissant fonds d’investissement Blackstone.

“L’expérience m’a appris à ne jamais parier contre les Etats-Unis. Ce n’est pas une stratégie gagnante”, a assuré pour sa part Tidjane Thiam, patron de Credit Suisse.

Mercredi, la journée sera placée sous le signe de l’Europe. La chancelière Angela Merkel fera son grand retour sur la scène internationale, suivie du président français Emmanuel Macron, lequel a déjà reçu lundi à Versailles une bonne partie du gratin de l’économie mondiale.

Macron et Merkel en vedette à Davos

Angela Merkel, considérée par certains comme affaiblie, et Emmanuel Macron, qui a au contraire déjà conquis une partie des participants, sont mercredi en vedette du Forum économique mondial de Davos.

Qui donc fera le meilleur contre-poids au président américain, attendu jeudi, avec tout son état-major, dans la très chic station de ski suisse, où il vantera certainement dans son discours de vendredi “L’Amérique d’abord”?

Beaucoup parient à Davos sur le président français, qui a reçu lundi en grande pompe à Versailles nombre de grands patrons en route pour Davos, pour les convaincre de “choisir la France”.

La chancelière allemande, occupée à constituer laborieusement un gouvernement de coalition, s’était faite plus discrète sur la scène internationale depuis les élections de septembre en Allemagne.

Le quotidien économique Handelsblatt estime même dans un éditorial que c’est une chancelière “entravée” qui vient à Davos, condamnée à rester “dans l’ombre” d’Emmanuel Macron comme de Donald Trump.

Elle n’a d’ailleurs confirmé que tardivement sa venue parmi les quelque 3.000 participants à quatre jours de débats et de rendez-vous d’affaires dans les Alpes suisses enneigées.

“Merkel n’a toujours pas de gouvernement. Macron est l’histoire du moment”, a déclaré à l’AFP Richard Edelman, patron d’une influente société de relations publiques.

Les puissants de ce monde voient aussi d’un bon oeil les réformes de la fiscalité et du marché du travail menées au pas de charge en France.

“L’espoir” Macron

“Il est loin le temps où Merkel pouvait considérer que l’Europe s’en sortirait sous sa seule direction, avec une France très faible”, écrit Judy Dempsey, dans une note pour l’institut de réflexion Carnegie Europe.

Et d’ajouter: “Emmanuel Macron a radicalement modifié le mouvement, le rythme et l’ambition de l’Union européenne.”

“Il est l’espoir. Il est ce type qui a fondé son propre parti… Il a un programme de réformes ambitieux”, détaille Richard Edelman, plus lyrique.

Au-delà de la France et de l’Allemagne, d’autres responsables européens tâcheront de gagner les faveurs de Davos mercredi.

Le Premier ministre italien Paolo Gentiloni, par exemple, qui vient faire un discours moins de deux mois avant les élections dans son pays.

Ou encore le chef du gouvernement grec Alexis Tsipras, à quelques mois de la fin du programme de soutien dont bénéficie Athènes depuis 2015.

Le roi d’Espagne Felipe VI s’adressera également au ghota de l’économie mondiale, une intervention qui promet d’être très suivie pour cause de crise politique en Catalogne.

Mais Davos devra patienter jusqu’à jeudi pour entendre la Première ministre britannique Theresa May, et espérer en savoir plus sur les négociations entre Londres et l’Union européenne autour du “Brexit”.

Du côté des pays émergents, le plus en vue mercredi sera le président brésilien Michel Temer, qui intervient à Davos à un moment tout à fait particulier pour son pays.

Une cour d’appel brésilienne doit en effet se prononcer mercredi sur le sort judiciaire, et donc sur l’avenir politique, de l’ex-président Lula, condamné à neuf ans et demi de prison pour corruption.

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