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‘Les ministres savent-ils encore ce qu’ils décident ?’

Les conclaves budgétaires nous abreuvent de chiffres, de trajectoires, de réformes. Mais trop souvent, on en ressort avec l’impression que les ministres ne savent pas vraiment ce qu’ils viennent de décider.

A partir du moment où ils ont mis un chiffre sur une taxe pour les comptes-titres ou sur les économies à réaliser dans le fonctionnement des services publics, la praticabilité et les impacts concrets de ces décisions deviennent les cadets de leurs soucis. C’est le royaume de la grosse louche.

Le nouveau gouvernement wallon ne faillit pas à la règle, lui qui doit financer rapido une réforme fiscale – l’équipe de Willy Borsus a moins de deux ans pour montrer sa différence – en plus de la poursuite de l’assainissement des finances publiques. Alors, on rabote les dotations et on comprime les frais de fonctionnement. Pour les détails, repassez plus tard ! Quand on se souvient qu’en juillet dernier, le cdH refusait la suppression de la télé-redevance justement parce qu’il trouvait les compensations budgétaires du socialiste Christophe Lacroix bien trop floues, il y a de quoi sourire…

Modérer les dépenses publiques, c’est salutaire. Mais il serait judicieux de bien en définir les règles et les impacts avant d’en dépenser les bénéfices…

Cela dit, Jean-Luc Crucke, désormais ministre wallon du Budget, a raison de miser sur un tour de vis dans les dépenses publiques. Il y aurait jusqu’à un milliard d’économies à y puiser, a confié l’économiste Jean Hindriks à nos collègues de L’Echo. Si vous avez quelques heures à perdre, parcourez les documents budgétaires wallons. Vous y découvrirez une myriade de subsides pour des missions ou des organismes dont, bien souvent, vous ignoriez l’existence même (on ne citera pas d’exemples pour ne pas pointer les uns plutôt que d’autres). Un peu de modération dans les dépenses serait donc a priori salutaire. Mais il serait judicieux de bien en définir les règles et les impacts avant d’en dépenser les bénéfices. Rappelons par ailleurs que le gouvernement Magnette avait déjà raboté de 5 % les moyens des UAP (unités d’administration publique) pour un rendement estimé alors à 60 millions d’euros.

La rationalisation des structures, autre leitmotiv du MR depuis des années, avance ses premiers pions. Tant mieux. La Wallonie fusionnera donc ses TEC et rapprochera la Spaque (spécialiste de l’assainissement des sites industriels) de la Sogepa (qui finance les reconversions industrielles). D’autres fusions ou synergies dans les outils économiques wallons devraient être annoncées dans les prochains mois. Au passage, on soulignera que l’intégration de la Spaque dans les outils économiques avait été suggérée dans nos colonnes par le patron de… la FGTB wallonne, Thierry Bodson. Une manière, disait-il, de mieux préparer les entreprises régionales aux grands marchés d’assainissement et de dragage lancés par la Spaque.

De son côté, la SRIW (Société regionale d’investissement de Wallonie) devrait contribuer à l’effort budgétaire général en dégageant 30 millions d’euros supplémentaires de dividendes. Etonnant car, depuis qu’elle entre dans le périmètre de consolidation de la Wallonie, la SRIW ne verse plus de dividendes. Son résultat embellit de facto celui de la Région. Mais son résultat pourrait s’améliorer – et améliorer ainsi le budget wallon – si l’organisme se montrait un peu plus gourmand auprès des entreprises participées. Et là, la FN, qui verse annuellement une dizaine de millions d’euros à son actionnaire unique, se retrouve inévitablement dans le viseur. Plus largement, cette injonction faite à la SRIW (et sans doute aussi aux invests) pose la question du rôle de l’investisseur public : s’il doit se focaliser sur la hauteur des dividendes à court terme, quelle est encore sa plus-value par rapport au privé ? La spécificité de ces outils publics est de veiller au moins autant à la constitution d’un tissu économique cohérent à long terme qu’à des retours sur investissements immédiats. Il ne faudrait pas l’oublier au détour d’un conclave budgétaire.

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