Mariya Gabriel

Les femmes, moteurs de l’Europe numérique

Mariya Gabriel Commissaire européenne (économie et société numériques)

Les femmes ont un rôle-clé à jouer dans le secteur numérique en Europe. Pas seulement dans une Europe soucieuse de se construire et de se moderniser, mais aussi dans une Europe protectrice de ses valeurs fondamentales.

Afin de réaliser ce double objectif, nous nous devons d’avoir toutes les cartes en mains.

Or, le secteur numérique européen se développe sans suffisamment jouer sa carte féminine. Seulement 17% des 8 millions de personnes qui travaillent dans les technologies de la communication et de l’information (TIC) sont des femmes.

Il s’agit là d’une situation sociale anachronique. Le numérique étant, par nature, un secteur d’avenir, il est paradoxal que son développement s’inscrive dans un cadre social et culturel obsolète. Au contraire, à l’ère numérique, c’est la diversité qui doit prévaloir dans nos entreprises et nos services publics.

L’absence des femmes dans le numérique engendre également un réel manque d’opportunités. Alors que la demande en compétences numériques sur le marché du travail augmente drastiquement, l’implication des femmes – qui représentent près de la moitié de la population en Europe – y est plus que jamais requise.

Trois piliers

C’est pour cela que la Commission européenne a lancé une stratégie sur les femmes dans le numérique. Celle-ci repose sur trois piliers :

Premier pilier : la transformation numérique des stéréotypes féminins. La filière numérique est trop souvent perçue comme étant réservée aux seuls hommes. Les médias ont un rôle fondamental à jouer pour changer ces clichés.

J’ai donc invité les régulateurs audiovisuels nationaux à préparer un rapport des législations et bonnes pratiques existantes au niveau national permettant d’améliorer la représentativité des femmes dans les médias – à l’écran et derrière l’écran. Ce rapport sera discuté le 19 juin à Bruxelles, lors de l’événement “Digital4Her”. Je partagerai ce rapport avec les ministres de la culture.

Je voudrais également rendre les programmes de l’UE plus transparents. Nous allons désormais mesurer la participation des femmes au sein du programme MEDIA de soutien au cinéma européen et au secteur audiovisuel. Ces statistiques apparaîtront dans le rapport annuel de 2019 de l’Agence exécutive Education Audiovisuel et Culture.

Deuxième pilier : l’encouragement des jeunes femmes à poursuivre des études numériques, en particulier dans les filières scientifiques, technologiques, d’ingénierie et mathématiques.

En Europe, il y a quatre fois plus d’hommes que de femmes dans les filières liées aux TIC. Pourtant, des études montrent que, dans l’enseignement, 90% des filles s’intéressent aux nouvelles technologies. Le problème est qu’elles ne franchissent pas le cap des études universitaires.

Pour 1000 femmes diplômées de l’enseignement supérieur dans l’Union européenne, seulement 24 ressortent avec un diplôme lié aux TIC. De ces 24 diplômées, seulement 6 occupent des emplois numériques. Dans le cas des hommes, les chiffres sont très différents: sur 1000 diplômés, 92 le sont dans les domaines liés aux TIC, et 49 obtiennent des emplois numériques.

D’autres barrières

Autre barrière, les jeunes femmes s’imposent leurs propres limites. Souvent, elles n’entament pas de telles études par manque de modèles ou d’inspiration à l’école et, ce faisant, se ferment la porte des emplois numériques.

C’est la raison pour laquelle je souhaite encourager les Etats membres à adopter ou à maintenir des plans d’action et des bonnes pratiques qui ont fait leurs preuves et, au-delà, à définir leurs propres objectifs nationaux sur la participation des jeunes femmes dans ces filières d’études prometteuses. En pratique, un tableau de bord annuel européen sera publié dans le cadre de l’indice de l’économie numérique et de la société (DESI). Les évolutions des États membres seront répertoriées dans les rapports nationaux à compter de l’année 2019.

La question des indicateurs communs sera plus amplement discutée lors de l’Assemblée numérique organisée par la Commission européenne le 26 juin à Sofia, puis avec les ministres de l’UE en charge de la Compétitivité, en marge d’une réunion du Conseil de novembre prochain et avec le soutien de la présidence autrichienne du Conseil.

Enfin, troisième pilier: l’innovation technologique menée par les femmes au sein des grandes entreprises et des start-ups.

Seulement 19% des entrepreneurs dans les technologies de l’information et de la communication sont des femmes en Europe. En outre, la plupart de ces entrepreneures rencontrent des difficultés pour obtenir des financements pour développer leurs activités.

Le secteur numérique européen se développe sans suffisamment jouer sa carte féminine

Il faut donc faciliter l’accès des femmes entrepreneures aux compétences, aux capitaux, aux investisseurs et au mentorat. Des politiques volontaristes sont nécessaires dans les entreprises. C’est pour cela que j’ai invité les représentants des secteurs technologiques, de l’audiovisuel, des médias et des télécommunications, à signer une déclaration d’engagement pour favoriser la diversité, la participation et la représentation des femmes en leur sein.

Promouvoir la visibilité des femmes dans le secteur numérique

En parallèle, il convient de promouvoir la visibilité de femmes devenues des modèles dans le secteur numérique. A cet égard, j’ai lancé la campagne européenne #NoWomenNoPanel, et je me suis personnellement engagée à ne pas participer à des conférences ou à des événements publics où je serais la seule femme à prendre la parole et où les femmes ne seraient pas suffisamment représentées.

J’ai également demandé à mes services d’identifier des femmes excellant dans l’innovation dans le cadre des projets de recherche que nous finançons.

On l’aura compris, le défi est grand et multidimensionnel. Il passe forcément par l’engagement et l’action de tous les acteurs concernés: les décideurs politiques, les entreprises, les éducateurs et les médias.

Agir pour que plus de femmes accèdent au secteur numérique et à ses opportunités est bien plus qu’un enjeu économique. C’est aussi une question d’équité et d’égalité des chances. Construire un avenir numérique fondé sur nos valeurs européennes pour chacun de nos citoyens – hommes et femmes -, doit pleinement faire partie de nos efforts pour dynamiser la croissance et la création d’emplois de qualité en Europe.

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