Les dix travaux de Di Rupo: la fiscalité (4/10)

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En matière de fiscalité, le gouvernement Di Rupo peut s’attendre à une tâche difficile, car il n’est plus possible de déplacer les impôts entre le travail, le capital et la consommation puisque ces trois domaines sont déjà fort imposés.

Aucun mot n’inspire autant l’aversion que les impôts. Qui ne rêve jamais de ne payer aucun impôt ? Pourtant, les impôts sont inévitables dans une société moderne. L’état est le plus apte à exécuter certaines tâches telles que la justice, la police, la défense, ainsi que l’accès à un enseignement de qualité et aux soins de santé. Ces tâches sont financées par les impôts.

En Belgique, ces impôts exercent une pression particulièrement lourde. Notre pays applique la pression fiscale la plus élevée des 17 pays de la zone euro. Selon la Commission européenne, en 2011, pas moins de 46,4% du produit intérieur brut belge (PIB – tout ce que les Belges gagnent en un an) revient d’une façon à l’autre à l’état. Notre pays est suivi par la France (45,7%) et l’Autriche (43,5%). La pression fiscale moyenne de la zone euro s’élève à 40,7% du PIB, un chiffre sensiblement plus élevé qu’aux États-Unis (25,2%) et au Japon (28,7%).

Si les impôts financent certaines tâches essentielles de l’état, ils peuvent également se révéler perturbants surtout si cet état s’approprie de plus en plus de tâches et impose un régime fiscal de plus en plus lourd. Les conséquences d’une pression fiscale élevée se sentent partout, mais en fin de compte, ce sont surtout les plus faibles de la société qui en pâtissent.

Les charges élevées sur le travail

La Belgique possède le taux d’imposition sur le travail le plus élevé de la zone euro: 42,5% par rapport à la moyenne de la zone euro de 38,1%. Selon l’OCDE, le coin fiscal belge sur le travail – la différence entre le coût salarial pour l’employeur et le salaire net de l’employé – est le plus élevé d’Europe. Le coin fiscal belge atteint les 55,5% pour une personne seule sans enfants avec un salaire moyen. En France, celui-ci s’élève à 49,4%, en Allemagne à 49,8% et aux Pays-Bas à 37,8%. Le fossé se creuse avec nos pays voisins à mesure que le salaire augmente.

Les charges élevées sur le travail rendent les employés belges onéreux par rapport aux pays voisins (voir aussi le travail 2), ce qui coûte cher à l’emploi. Plus les employés sont chers, plus les entreprises ressentent le besoin de délocaliser des jobs ou d’automatiser davantage. Les personnes les moins qualifiées sont souvent les plus touchées.

Plusieurs politiques de différents partis ont suggéré de déplacer les charges sur le travail vers le capital ou la consommation. Cependant, le capital et la consommation sont déjà très fort imposés en Belgique.
Les charges les plus élevées sur le capital après la France

Selon le dernier rapport fiscal de la Commission européenne, la Belgique impose bien la fortune, et pas qu’un peu. Les recettes fiscales issues du capital (la fortune) s’élèvent à 9,2% du PIB. C’est le niveau le plus haut d’Europe après la France (10,2%). Les Pays-Bas (5,4%) et l’Allemagne (5,9%) se situent loin en dessous du niveau belge. Les pays scandinaves, traditionnellement associés aux impôts élevés, n’atteignent pas le niveau de notre pays. (le Danemark 8,5%, la Suède 5,9%, la Finlande 6,7%).

Si la Belgique ne possède pas d’impôt sur la fortune à proprement parler, le précompte mobilier sur les intérêts et les dividendes, le précompte immobilier, les droits de donation, d’héritage et d’enregistrement taxent autant les revenus générés par la fortune que la fortune elle-même. L’impôt sur les sociétés est inclus dans cette analyse, car il s’agit en fait d’un acompte sur l’impôt sur la fortune.

Certains plaident en faveur d’impôts plus élevés pour les grandes multinationales. Cependant, cette mesure aurait un coût. En effet, selon une étude des professeurs Jozef Konings en Hylke Vandenbussche, il existe un lien clairement négatif entre l’impôt sur les sociétés d’une part et la création de jobs et la croissance économique d’autre part. Dans une petite économie ouverte comme la Belgique, où l’emploi direct et indirect dépend fort d’entreprises multinationales, la compétitivité joue un rôle capital puisque les investissements en filiales étrangères sont motivés par les différences de coûts salariaux et la hauteur de l’impôt sur les sociétés dans les pays concernés. Les chiffres d’Eurostat révèlent d’ailleurs que la Belgique tire plus de recettes de l’impôt sur la société que les pays voisins.

En outre, notre tarif de base de l’impôt sur les sociétés (33,99%) est également plus élevé qu’en France (33,33%), en Allemagne (29,55%), aux Pays-Bas (25%) et au Royaume-Uni (23%). Cette association préjudiciable nous coûte de nombreux investissements et par conséquent des jobs. L’image d’investissement de la Belgique pourrait être améliorée davantage en diminuant le taux d’imposition nominal plutôt que de déduire (en modification constante) les intérêts notionnels.

Selon Konings et Vandenbussche, un impôt sur les sociétés élevé entraîne d’autres conséquences négatives telles qu’un affaiblissement des stimulants financiers pour les entrepreneurs (avec moins de nouveaux entrepreneurs et donc moins de création de jobs), une diminution de la rentabilité de nouveaux projets d’investissement ainsi qu’une diminution du potentiel d’investissement des entreprises.

La consommation déjà lourdement taxée

Le tarif belge de TVA de 21% dépasse la moyenne européenne de 20,1%. La Belgique tire des recettes fiscales annuelles de 7% du PIB de la TVA, ce qui correspond à la moyenne européenne. En outre, une augmentation de la TVA sans compensation sur les charges de travail exerce un effet contre-productif puisque l’augmentation de la TVA filtre vers les coûts salariaux par le biais de l’indexation et porte préjudice à l’emploi. La Banque Nationale de Belgique a calculé qu’une augmentation de la TVA de 0,5% du PIB coûterait plus de 33.000 emplois sur une période de 7 ans.

En matière d’écotaxes, la Belgique se situe juste en dessous de la moyenne de la zone euro. Les recettes fiscales s’élèvent chaque année à 2,1% du PIB, contre la moyenne de la zone euro de 2,3%.
Par conséquent, les impôts élevés sur le travail, le capital et la consommation hypothèquent lourdement notre avenir socio-économique.

Selon nous, il faut diminuer les charges sur le travail et du taux d’imposition de base sur les sociétés en finançant ces mesures à l’aide d’économies et de suppression des nombreux postes exceptionnels en matière de TVA et des postes de déduction dans l’impôt sur les sociétés. Il faut donc que l’état fasse son examen de conscience et se demande quelles sont ses tâches de base et de quelle façon il peut améliorer l’efficacité de leur exécution.

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