Les britanniques appelés à désigner celui qui doit les sortir de la crise

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Le premier ministre travailliste, Gordon Brown, a convoqué des élections législatives pour le 6 mai. Le scrutin s’annonce très serré même si les conservateurs de David Cameron mènent dans les sondages. Les clés d’une élection placée sous le signe de l’austérité.

C’est une campagne électorale pas comme les autres qui démarre aujourd’hui au Royaume-Uni. En annonçant, mardi 6 avril, la convocation des législatives pour le jeudi 6 mai, le premier ministre, Gordon Brown, a donné le coup d’envoi d’une bataille qui s’annonce extrêmement rude. Cette élection se déroule en effet dans un contexte très particulier. C’est la première fois que les électeurs se rendent aux urnes pour un scrutin national depuis le début de la crise financière dont l’économie britannique a particulièrement souffert. C’est également la première occasion pour les habitants du royaume de prononcer un verdict sur leur classe politique, particulièrement éprouvée par le vaste scandale des notes de frais des députés qui a éclaté en 2009.

L’autre originalité de ce scrutin tient au fait que l’issue est très incertaine. Les précédentes élections (2005, 2001 et 1997) ont été remportées haut la main par les travaillistes, alors menés par Tony Blair. Aujourd’hui, même si les conservateurs sont légèrement en tête, leur avance n’est pas suffisante pour leur assurer une victoire confortable. D’après un sondage, publié mardi 6 avril dans le quotidien The Guardian, les tories recueillent 37% des intentions de vote, contre 33% pour les travaillistes et 21% pour les libéraux-démocrates. Les spéculations vont donc bon train, outre-Manche, sur la perspective d’un ” hung parliament ” (littéralement un parlement pendu), dans lequel aucun parti n’aurait de majorité. Dans ce cas-là, les Libéraux-Démocrates, qui ont récemment participé à des coalitions avec les travaillistes dans les gouvernements régionaux, en Ecosse et au pays de Galles, pourraient jouer un rôle clé d’arbitre.

Autant dire que les deux principaux partis, les travaillistes, au pouvoir depuis 1997 et dirigés par l’écossais Gordon Brown (59 ans), et les conservateurs, avec à leur tête l’anglais David Cameron (43 ans), abordent cette bataille sur la défensive. L’incertitude entourant le scrutin du 6 mai est révélatrice de l’inquiétude des électeurs au moment où le pays traverse sa pire tempête économique depuis soixante ans.

Bilan économique négatif

Les travaillistes se présentent devant le pays avec un bilan peu flatteur. Le déficit budgétaire (11,8% prévu en 2010) est équivalent à celui de la Grèce, la progression de la dette publique (75% du PIB en 2015 contre 54% en 2010) fait trembler les marchés, après une forte récession (-5% en 2009), la reprise s’annonce fragile, et la livre sterling ne cesse de perdre du terrain face à l’euro (-25% depuis deux ans).

Paradoxalement, cette situation pourrait profiter au gouvernement de Gordon Brown, ministre des finances pendant dix ans (1997-2007), avant de succéder à Tony Blair au 10 Downing Street. ” Si les électeurs redoutent le risque, ils pourraient alors préférer la sécurité au changement “, observe Matthew Taylor, directeur de la Royal Society of Arts et ancien conseiller de Tony Blair. C’est ce qui s’est passé en 1992, lorsque le dernier premier ministre conservateur, John Major, avait, malgré la récession, réussi à battre le Parti travailliste rénové, dirigé par Neil Kinnock, pourtant donné vainqueur par tous les sondages.

Le parti qui l’emportera sera celui qui réussira à convaincre les Britanniques qu’il est le plus à même de sortir le pays de la crise. A priori, cette situation devrait profiter aux conservateurs. Ils ont, avec David Cameron, un jeune dirigeant populaire et ils se battent contre un gouvernement très impopulaire qui affiche un bilan économique désastreux. Pourtant, ils ont du mal à creuser l’écart. ” Le message des tories manque de clarté et sème le trouble parmi les électeurs , constate Ian Taylor, député conservateur depuis treize ans. Il est difficile de dire que nous allons réduire plus rapidement les déficits que nos adversaires, et en même temps affirmer que nous allons défendre les services publics “.

Depuis l’automne dernier, le Parti conservateur a tenté de se positionner en se présentant comme le parti de l’austérité, le seul qui ose dire aux Britanniques la vérité sur les choix difficiles à venir. Mais cette stratégie peine à convaincre, remarque le politologue Tim Bale, qui vient de publier un livre remarqué sur les Tories (The Conservative Party, from Thatcher to Cameron). ” Il y a un gros décalage entre la rhétorique de l’austérité des conservateurs, dit-il, et leur réticence à identifier les coupes budgétaires à effectuer “.

Pourtant, à y regarder de plus près, les divergences sont moins grandes qu’elles n’en ont l’air. Les scénarios évoqués par les travaillistes et les conservateurs aboutissent à la même conclusion : la potion sera amère. Pour le gouvernement, la priorité demeure le soutien de l’activité pour éviter de retomber dans la récession, au risque d’aggraver les comptes publics. Pour les conservateurs, l’accent est plutôt mis sur la lutte contre les déficits pour éviter une attaque spéculative contre la livre sterling, au risque de saper la reprise. David Curry, député conservateur du Yorkshire et ancien membre du gouvernement de John Major, n’hésite pas à filer la métaphore médicale pour comparer l’approche des deux formations. ” Le débat économique ne porte pas tant sur le constat, juge-t-il. Les divergences concernent essentiellement le dosage et le rythme du traitement à appliquer pour guérir le malade “.

Quel que soit le vainqueur du scrutin 6 mai, une seule chose est désormais prévisible : le gouvernement sera obligé de se serrer la ceinture pour redresser les finances du pays. Et les Britanniques doivent s’attendre à une baisse des dépenses publiques et à une hausse des impôts. Le prochain locataire du 10 Downing Street risque de devenir très impopulaire, très vite.

Yves-Michel Riols
Trends.be, L’Expansion.com

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