Le réseau de Pierre-Frédéric Nyst, président de l’UCM

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Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Il a débarqué quasiment de nulle part pour devenir le président de l’UCM (Union des classes moyennes) et s’affirmer comme une figure incontournable du paysage socioéconomique belge. Un étonnant parcours qui doit beaucoup à un examen raté en première session et à un contrôle fiscal…

“Mes grandes décisions professionnelles, je ne les ai jamais réfléchies. J’ai peut-être provoqué certaines situations mais inconsciemment, sans suivre un plan de carrière. J’ai toujours agi à l’instinct.” Pierre-Frédéric Nyst s’était lancé dans des études de droit (UNamur) “pour défendre la veuve et l’orphelin”. Un échec allait orienter sa carrière. Etudiant plutôt “studieux mais ouvert à la guindaille”, il réussissait ses examens sans encombre, jusqu’au jour où il est tombé sur un cours de droit fiscal. Pour la première fois, il se retrouve en seconde session. “Je n’y comprenais rien, alors je m’y suis replongé dès le 1er juillet, raconte-t-il. Plus je plongeais dans mon syllabus, plus ça me passionnait. Après cela, j’ai choisi tous les cours à option en fiscalité. Je voulais défendre la veuve, je l’ai défendue, mais en matière d’héritage.” De ces années universitaires, Pierre-Frédéric Nyst continue à voir régulièrement Philippe Morandini, aujourd’hui premier président de la cour d’appel de Mons et avec qui il a passé de longues heures à préparer les revues étudiantes de la faculté de droit…

Pierre-Frédéric Nyst se laisse donc guider par sa nouvelle passion. Il se spécialise à l’Ecole supérieure des sciences fiscales et réussit le concours d’entrée en SPF Finances (1991). Le voilà donc contrôleur à l’impôt des sociétés. Et c’est un contrôle fiscal qui va réorienter sa carrière. Ministres et représentants syndicaux peuvent en témoigner, quand Pierre-Frédéric Nyst pense avoir raison, il faut se lever tôt pour le faire changer d’avis. En l’occurrence, le jeune contrôleur avait décelé une erreur dans la comptabilité d’un réviseur réputé de la place de Namur, qui ne répondait pas exactement à une toute nouvelle réglementation de l’Isoc. Ses supérieurs l’invitent alors poliment à mettre le redressement entre parenthèses. Peine perdue, le jeune contrôleur maintient sa décision et le réviseur, Léon Lafontaine, le rappelle. “Vous avez raison, me dit-il d’emblée, se souvient Pierre-Frédéric Nyst. Il me félicite pour mon expertise et m’invite à déjeuner.” A l’issue de celui-ci, le jeune contrôleur quitte l’administration pour s’associer avec Léon Lafontaine au sein du cabinet de conseil fiscal Socofinam. “C’est un homme qui m’a profondément marqué, il m’a ouvert au monde des PME, à l’approche client”, confie-t-il.

La grande aventure de l’indépendant

L’ouverture d’une chambre fiscale au tribunal de première instance de Namur poussera Pierre-Frédéric Nyst à se lancer dans “la grande aventure” en créant son propre cabinet d’avocats en 1999. “J’ai retrouvé comme clients des gens que j’avais taxés à l’époque comme contrôleur”, sourit-il. Parallèlement, il se lance aussi dans l’enseignement avec des cours de fiscalité à l’Ecole supérieur des affaires (Namur), à l’Ifapme et à la Fucam (Mons). “J’ai adoré cela, dit-il. Les matières fiscales changent deux ou trois fois par an ; les enseigner, c’est la meilleure manière de se mettre constamment à jour.” Il donnera notamment cours à un certain Pierre-Yves Dermagne, brillant étudiant devenu vice-Premier ministre et avec lequel il ne compte plus les échanges informels. “On s’envoie des messages de temps en temps, on essaie de dépatouiller certaines réunions du Groupe des 10 ( lespartenaires sociaux, Ndlr)“, confie le patron de l’UCM. Il est par ailleurs resté en contact avec Simon Bullman, formateur à l’Ifapme et devenu depuis président de Sambrinvest.

S’exprimer devant les étudiants l’a aussi aidé à parfaire son art oratoire et ses compétences en communication. “Cela me sert énormément maintenant à l’UCM, affirme-t-il. Je n’étais vraiment pas un orateur au départ. Quand j’étais étudiant et que je prenais la parole dans un auditoire, c’était la catastrophe.” Cela a bien changé depuis. Mais comment le jeune avocat fiscaliste s’est-il donc retrouvé à l’Union des classes moyennes? Grâce à son jeune âge justement. “Un copain m’a invité à rejoindre l’UCM-Namur pour rajeunir les cadres, raconte Pierre-Frédéric Nyst. J’ai accepté par bienveillance, sans trop savoir ce qu’on faisait dans cet organisme.” Mais comme il trouve “passionnantes” les discussions sur la vie des PME, notre homme s’implique et devient administrateur à 38 ans (“j’étais toujours le plus jeune”, sourit-il) avant de devenir président de l’UCM-Namur en 2015. “Je fais les choses à fond, je rencontre plein de gens dans les sphères politiques et économiques”, reprend-il. C’est à cette époque qu’il tisse des liens étroits avec Maxime Prévot, bourgmestre de Namur et président du cdH.

Le patron de l'UCM est un grand amateur de tennis. Il fut longtemps considéré comme
Le patron de l’UCM est un grand amateur de tennis. Il fut longtemps considéré comme “le supporter n°1” de l’équipe belge de Coupe Davis et n’hésitait pas à taper sur son tambour pendant les rencontres pour faire monter l’ambiance.© ALEXIS HAULOT

Son dynamisme impressionne et, quand la présidence nationale sera vacante en 2017, tous les yeux se tourneront vers lui. “Après un coup de fil à mon épouse, j’ai accepté le poste”, dit Pierre-Frédéric Nyst. Il découvre un nouveau monde politico-médiatique et y prend très vite sa place. “Tu sembles vraiment y être comme un poisson dans l’eau, m’a glissé mon ami Laurent Tainmont ( avocat qu’il a côtoyé au sein de la cellule de lutte contre le blanchiment, Ndlr), concède-t-il. Je me suis pris au jeu mais c’est vraiment chronophage.” Il a donc réduit les activités de son cabinet d’avocat fiscaliste et essaie de conserver coûte que coûte une centaine de dossiers pour rester en contact avec le terrain et continuer à “plaider la bonne foi du pauvre petit contribuable”.

Les “amis” du Groupe des 10

Au fil des réunions du Groupe des 10, Pierre-Frédéric Nyst a noué une belle relation avec Dany Van Assche, son alter ego de l’Unizo, et l’ancien président de la FEB Bernard Gilliot. “Nous échangeons beaucoup plus depuis qu’il n’est plus président, confie le patron de l’UCM. On s’informe, on discute, il me conseille ceci ou cela. Vraiment, c’est devenu un très bon soutien.” Avec le monde politique, c’est parfois un peu plus compliqué. Les recours contre la réforme de l’Isoc, lors de la précédente législature, sont restés en travers de nombreux mandataires de la majorité de l’époque. “On nous a même qualifiés d’Union des Classes Communistes”, rigole Pierre-Frédéric Nyst. Aujourd’hui, les relations sont apaisées, en particulier avec David Clarinval, le ministre des Classes moyennes. “Je peux avoir des déceptions à l’égard de la politique mais j’ai un grand respect pour les individus qui en ont fait leur métier, dit-il. Je vois les difficultés dans lesquelles ils doivent prendre des décisions.”

Le mandat à l’UCM est chronophage, disait Pierre-Frédéric Nyst. Il faut croire que le temps de notre homme est extensible puisqu’il s’investit aussi au CA de Namur Invest, où il a retrouvé Pierre Crevits, qu’il a connu en secondaire au collège d’Erpent (en même temps que notamment les journalistes Christophe et Frédéric Deborsu). “Notre rôle en tant qu’ invest public est de prendre des risques, d’aller là où les banques ne vont pas ou très peu, dit-il. Je laisse les chiffres aux spécialistes: moi, dans un dossier, je regarde surtout l’opportunité pour la région et la cohérence avec la politique économique globale. Je me suis par exemple opposé au financement d’une chaîne de fast-food car nous défendons le circuit court, les restaurateurs indépendants, etc. C’est à cela que doit être utilisé l’argent public.”

Dans les restos namurois

Pierre-Frédéric Nyst est un grand adepte de La plage d’Amée en bord de Meuse à Namur. Il y apprécie la cuisine et le cadre, bien sûr, mais aussi la personnalité du chef Benoît Gersdorff. “C’est un entrepreneur qui a lancé aussi le Nest (hôtel et spa) à Namur et dont la famille gère aussi des établissements en France”, explique le patron de l’UCM.

Il concède par ailleurs un “petit coup de coeur” pour le restaurant Epices & Nous, situé tout près des locaux namurois de l’organisation de défense des classes moyennes. “C’est une petite entreprise familiale, ils travaillent très simplement mais proposent des plats qui ont vraiment du goût. C’est un plaisir de manger là”, dit-il.

Blindé pour les réseaux sociaux

“J’ai le contact facile, je suis même sans doute un peu trop bavard.” Pierre-Frédéric Nyst n’est pas un homme de confinement, il s’épanouit nettement plus dans le présentiel que dans les échanges virtuels. L’homme qui incite indépendants et PME à développer leur business aussi sur la toile ne peut évidemment pas négliger les réseaux sociaux. Il alimente les comptes Twitter et Facebook de l’UCM avec ses équipes mais est surtout connu pour être un adepte de WhatsApp. “Je n’alimente plus ma page Facebook personnelle depuis que je suis à l’UCM, dit-il. Mais elle reste utile pour garder le lien avec les vieux copains d’unif. Du point de vue professionnel, j’essaie de répondre à toutes les questions et les remarques, sauf quand le ton devient injurieux. Mon blindage est heureusement suffisant pour passer au-dessus de certains propos.”

Caroline Cleppert – Directrice des études de l’UCM

Le réseau de Pierre-Frédéric Nyst, président de l'UCM

“Mon bureau est à côté de celui de Pierre- Frédéric. Je découvre une autre facette de sa personnalité. C’est quelqu’un de très humain, qui fait confiance à ses équipes et qui adore être challengé positivement. Il a l’image d’une personne très affirmée, qui n’a pas peur de monter au créneau pour défendre des positions fortes. Mais en interne, il est très ouvert. Aucun sujet et aucune approche ne sont tabous pour construire les positionnements de l’UCM. Il va débattre, discuter. Mais si vous avancez de bons arguments, il peut changer d’avis. Pierre-Frédéric manie volontiers une pointe d’humour dans nos discussions mais jamais il ne tournera une de vos propositions en ridicule, il invite vraiment à participer. Il partage énormément avec ses équipes et son réseau, il est tout le temps sur WhatsApp avec quelqu’un! Mais ne croyez pas qu’il improvise: il suit une vision très stratégique et ça aussi je le découvre au fil des semaines.”

Jean-Pierre Di Bartolomeo – Président du comité de direction de la Sowalfin

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“Nous avons appris à nous connaître au CA de l’UCM, où je représente la Sowalfin. C’est quelqu’un qui consulte beaucoup avant des réunions importantes mais aussi, et c’est plus rare, qui débriefe après, qui explique le pourquoi et le comment. Il a une approche plutôt bienveillante des dossiers, il cherche des solutions et non l’affrontement. Je ne l’ai jamais entendu attaquer gratuitement une contrepartie. Cela dit, il ne faut pas l’embêter non plus: quand on vient sur son terrain, quand les intérêts de ses membres sont en jeu, c’est un rouleau compresseur. Quand il doit défendre ‘ses’ indépendants et ‘ses’ PME, rien ne peut l’arrêter. On a pu le constater lors de la dernière réforme de l’impôt des sociétés… Sur le plan personnel, Pierre-Frédéric est d’une compagnie très agréable, avec beaucoup d’humour, y compris envers lui-même. Et puis, c’est lui qui m’a appris que boire un Orval en début de repas, ça ouvre l’appétit. Et ça marche!”

Léon Lafontaine– Réviseur d’entreprise honoraire

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“Comme lui, je suis passé par l’administration fiscale. Quand j’ai eu besoin d’un fiscaliste pour mon bureau de révisorat, je suis allé pêcher dans le vivier. De là sont nées notre collaboration et notre amitié. La notion de service aux entreprises est forte chez lui, il adore défendre les entrepreneurs et les indépendants face aux lourdeurs du système. Et dans ces cas-là, il peut se montrer très combatif.

La vie est toutefois plus large que la fiscalité et j’ai toujours senti qu’il aurait envie de faire autre chose. Quand il est arrivé dans le Groupe des 10, il n’a sans doute pas été tout de suite perçu comme quelqu’un qui allait marquer son territoire. Là, maintenant, je crois que tout le monde a compris! Pierre-Frédéric a pris une dimension supplémentaire et, effectivement, il n’a peur de rien. Mais sur le fond, il n’a pas changé. Il conserve un caractère ouvert sur les autres, avec une vision très large de la société. C’est pour moi un humaniste.

Il ne faudrait pas oublier que Pierre-Frédéric, c’est aussi un homme avec une grande culture générale, il lit énormément (avec un penchant pour Marguerite Yourcenar, Ndlr) et développe des compétences dans les arts.”

David Clarinval – Ministre des Classes moyennes

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“Nous nous étions croisés quelques fois mais c’est depuis que je suis ministre des Classes moyennes que nos contacts sont devenus plus réguliers et plus personnels. Avec Pierre- Frédéric et Danny Van Assche (Unizo), nous faisons le point une fois par mois pour essayer d’anticiper ensemble les difficultés de l’agenda politique. C’est à la fois très agréable et très professionnel de travailler avec lui. Et entre-temps, nous nous appelons souvent. Ce fut évidemment encore le cas lors de la préparation du récent accord sur le marché du travail.

Quand il n’est pas d’accord avec une mesure ou un projet, Pierre-Frédéric le dit franchement. J’apprécie cette franchise, cela permet de faire avancer les choses, de discuter pour faire évoluer les points de vue. C’est un excellent juriste, précis et pointu. Il peut soulever des objections pertinentes. Mais c’est aussi un pragmatique qui sait très bien que dans une négociation, on ne peut jamais gagner à 100%.”

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Pierre Crevits– Président du comité de direction de Dexia et de Namur Invest

“Nous nous connaissons depuis nos études secondaires au collège d’Erpent. Nos chemins se sont recroisés via le tennis – il est un supporter acharné de notre équipe de Coupe Davis, je suis actif à la fédération (Pierre Crevits préside l’Association francophone de tennis depuis l’an dernier, Ndlr) – et bien sûr via Namur Invest, dont il est un des administrateurs. Je dois dire que malgré son emploi du temps très chargé, il prend ce rôle très à coeur et lit bien les dossiers.

On le voit dans ses interventions publi-ques: la défense des indépendants, il l’a vraiment dans le ventre. Il ose dire les choses, sans trop s’embarrasser du politiquement correct. Avec lui, l’UCM est bien présente sur tous les sujets socioéconomiques. Pierre-Frédéric connaît ses dossiers et discute très sérieusement, mais il adore aussi rigoler et placer ses traits d’humour. C’est quelqu’un d’extrêmement convivial et sa notoriété de ces dernières années ne l’a vraiment pas changé. Il conserve les mêmes relations faciles avec les gens.”

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