Le “plan B” explosif de Varoufakis

Yanis Varoufakis © Reuters

En début d’année, l’ex-ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, a étudié un “plan B”, avec l’assentiment d’Alexis Tsipras, qui prévoyait de pirater la plate-forme de l’administration fiscale grecque afin de créer un système bancaire parallèle en cas de faillite des banques, un véritable polar.

Les partis politiques grecs s’inquiètent ce lundi des projets gardés secret de l’ancien ministre des Finances Yanis Varoufakis pour établir un système bancaire parallèle en Grèce en cas de “Grexit”. Révélée dimanche par le quotidien grec Kathimerini sur base de la retranscription d’une conférence téléphonique de M. Varoufakis, sa stratégie prévoyait notamment de pirater la plate-forme de l’administration fiscale grecque.

Un vrai polar

Du piratage de données, un petit groupe d’initiés, une opération surprise: le plan d’introduction d’une monnaie parallèle en Grèce, qui a fait spéculer les analystes durant des semaines, fut bien au coeur des préparatifs de l’ex-ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, selon un scénario digne d’un polar.

Chez cet économiste iconoclaste, ministre du gouvernement de gauche radicale d’Alexis Tsipras durant cinq mois, la candeur du propos est souvent inversement proportionnelle à la dynamite qu’il recèle.

Avec le plus grand naturel, Yanis Varoufakis a ainsi dévoilé le 16 juillet, six jours après sa démission, lors d’une téléconférence avec des fonds spéculatifs, qu’il a travaillé durant des semaines, dans le plus grand secret mais avec le feu vert du Premier ministre, à la mise en place d'”un système bancaire parallèle” impliquant… un piratage du logiciel de l’administration fiscale grecque.

La discussion, dont des extraits avaient été publiés par le quotidien Kathimerini dimanche, a été mise en ligne lundi par le Forum officiel des institutions financières et monétaires (OMFIF), qui organisait la conférence.

M. Varoufakis explique que, face à l’issue incertaine des discussions avec les créanciers sur le renflouement du pays étranglé financièrement, il avait travaillé avec une “petite équipe”, sur un “Plan B” si le pays venait à se retrouver en manque dramatique de liquidités.

Comment ? En “créant clandestinement un compte parallèle relié au numéro fiscal de chaque contribuable”, pour que, le moment venu, ceux-ci puissent utiliser “cette espèce de mécanisme parallèle de paiement vis-à-vis de leurs débiteurs ou pour payer leurs impôts à l’Etat”.

En résumé: une monnaie parallèle à l’euro au sujet de laquelle les analystes ont spéculé pendant des mois en se demandant si la Grèce en arriverait à cette extrémité et comment elle procèderait.

Le Secrétariat général aux recettes publiques, qui a la main sur les numéros fiscaux des contribuables, a annoncé lundi soir une enquête interne et une vérification des systèmes informatiques pour détecter d’éventuelles opérations suspectes.

“Prêts”

L’électron libre Varoufakis ne semble pas peu fier de sa trouvaille, contant même l’ingéniosité déployée. Et il affirme que ce Secrétariat général est sous contrôle de “Bruxelles”, l’empêchant d’intervenir sans être démasqué.

Mais un de ses “amis d’enfance”, professeur d’informatique aux Etats-Unis, spécialement embauché, a pu faire une copie du logiciel national pour travailler en toute discrétion.

“Quand les banques ont fermé (le 29 juin, en raison d’un début de panique bancaire ndlr), nous étions prêts à recevoir le feu vert du Premier ministre (…) pour connecter l’ordinateur portable”, équipé du nouveau programme, au système du Secrétariat général, affirme M. Varoufakis.

“On veut me présenter comme un ministre des Finances nuisible”

M. Varoufakis a admis dans la presse que l’information du quotidien Kathimerini était exacte, mais précisé qu’il n’avait pas eu l’intention de mener la Grèce hors de la zone euro. “Le contexte est tel qu’on veut me présenter comme un ministre des Finances nuisible et me voir inculpé pour trahison”, a-t-il affirmé au quotidien britannique Daily Telegraph.

Dans cette interview, l’ex-ministre paraît regretter de n’avoir pu mener à son terme une expérimentation “bien conçue” pour laquelle il imaginait même “des applis sur smartphone”.

Mais c’est la ligne dure que prônait Varoufakis vis-à-vis des créanciers UE et FMI qui a finalement été rejetée par Alexis Tsipras lorsqu’il a choisi de dire oui à un accord avec les Européens le 13 juillet.

L’ex-ministre des Finances avait déjà confié après sa démission avoir plaidé pour des actions “agressives” vis-à-vis des créanciers mais sans atteindre “le point de non-retour”, la sortie de l’euro.

“Un problème majeur d’ordre politique, économique et moral”

Dans un communiqué sur son site internet il a tenté d’éteindre l’incendie allumée par ses confidences, notamment dans l’opposition qui réclame une enquête judiciaire. L’équipe secrète élaborant un scénario de polar est présentée comme un “groupe de travail doté d’un mandat, ayant préparé un plan de contingentement contre les efforts des créanciers en vue d’affaiblir le gouvernement grec” et coordonné par l’économiste américain James Galbraith, un de ses proches qui appuie ses propos.

Ces révélations agitent cependant la classe politique grecque à Athènes, où se tennaient des réunions extraordinaires à ce sujet lundi. Les conservateurs de Nouvelle Démocratie chapeautent la demande de l’opposition pour obtenir plus d’informations au sujet des propos de M. Varoufakis. “Ces révélations soulèvent un problème majeur d’ordre politique, économique et moral pour le gouvernement qui nécessite une enquête approfondie”, indique une déclaration des conservateurs.

Tsipras impassible

Alors qu’il entame un nouveau cycle de discussions avec les représentants des créanciers à Athènes, Alexis Tsipras se serait sans doute passé du nouvel éclat de son ex-ministre, toujours député influent, qui a voté contre l’un des deux plans de rigueur présenté au Parlement grec.

Le Premier ministre est pour l’instant resté aussi impassible que lors des révélations par la presse, invérifiables, des projets de raids sur l’imprimerie des euros à Athènes qu’aurait ourdis son ancien ministre du redressement productif, Panagiotis Lafazanis, chef de file des dissidents Syriza, en vue d’un retour à la drachme.

Avec l’AFP

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