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“Le dimanche doit-il rester différent?”

Chacun a l’habitude de ce jour de la semaine différent des autres, le dimanche. Depuis des siècles, c’est le jour de congé attitré, et souvent obligatoire pour la plupart des gens, salariés et même indépendants.

Certes, au fil des années, la liberté de travailler, même ce jour-là, fait quelques progrès, et des exceptions sont instaurées et étendues, toutefois très lentement en raison de l’opposition vivement exprimée des syndicats et de celle, plus discrète mais loin d’être inefficace, des églises chrétiennes. Il est évidemment normal que tous ceux qui le souhaitent prennent au moins un jour de congé par semaine, et choisissent éventuellement le dimanche pour le faire. Il est beaucoup moins acceptable que l’on continue, aujourd’hui, à rendre ce jour-là obligatoirement chômé sauf dans les cas exceptionnels où le Pouvoir veut bien y déroger. Rien ne devrait empêcher chaque personne de faire son choix de son jour de repos, voire d’y renoncer certaines semaines.

Le choix de ce jour de repos légal date du 3 juillet de l’An 321, quand l’empereur romain Constantin Ier décréta que le dimanche serait un jour chômé dans l’Empire, afin de permettre aux chrétiens de célébrer l’eucharistie. Le dimanche fut maintenu comme jour férié légal, voire obligatoire, dans les Etats chrétiens, dans le même objectif. Dans un Etat laïque, ce motif d’ordre religieux est évidemment dépourvu de sens. Il doit, certes, toujours être possible aux fidèles pratiquants de se rendre à la messe dominicale mais cela ne justifie pas que tout le monde soit contraint de chômer ce jour-là. Ces pratiquants sont d’ailleurs devenus une minorité très réduite, que rien ne permet de distinguer des pratiquants d’autres religions, dont les offices ont lieu un autre jour. En l’absence de motif religieux, le repos dominical trouve, certes, encore des défenseurs parmi certains nostalgiques qui veulent à tout prix qu’une journée par semaine continue à être clairement différente des autres. Lorsque les lois anglaises relatives au repos du dimanche ont été assouplies, une association d’opposants avait été constituée, sous le nom, évocateur, de Keep sunday different. On veut bien comprendre que certains tiennent particulièrement à cette journée, mais il n’y a rien qui les empêche, s’ils le souhaitent, de prendre congé ce jour-là. Le problème, c’est que pour garder ” leur ” journée différente des autres, ces personnes veulent imposer ce choix à tout le monde, y compris à ceux qui feraient le choix d’un autre jour ou qui, tout simplement, ne voient pas de raison pour qu’il existe un jour aussi clairement différencié des autres.

C’est le même raisonnement qu’on a remarqué en Belgique il y a quelques années lorsque, timidement, quelques élus libéraux flamands ont envisagé d’étendre les exceptions au repos dominical. Ils se sont très vite heurtés à une opposition des syndicats (mais non de l’ensemble des travailleurs), des associations de commerçants (mais non de l’ensemble des commerçants) et même de certains organismes, fort peu représentatifs par ailleurs, des consommateurs. Comme c’est souvent le cas en Belgique, on assimile le point de vue de ces corps intermédiaires qui, tous, ne représentent que quelques minorités agissantes, à l’opinion de la catégorie qu’ils prétendent représenter. Et même si les syndicats étaient représentatifs des travailleurs, et certaines associations, des consommateurs, cela ne justifierait pas que ces prétendues majorités imposent leur loi à tous ceux qui voudraient seulement profiter de la liberté du travail ou qui, travaillant beaucoup en semaine, aimeraient pouvoir faire leurs courses tranquillement le dimanche.

Ce qui n’est pas acceptable, c’est que l’interdiction, qui continue à être la règle, le soit non seulement pour les employés, y compris pour ceux qui, volontaires, voudraient travailler ce jour-là, mais aussi pour les commerçants et artisans, hormis les quelques exceptions légales pour qui ce choix devrait être entièrement libre. C’est une manière de plus de sanctionner les plus courageux, ceux qui travaillent le plus, même lorsque les autres ne le font pas. En outre, il faut se rendre compte que le maintien de cette journée ” différente ” a un coût considérable. Actuellement, le trafic urbain est concentré sur cinq jours de la semaine avec, comme conséquence, des embouteillages de plus en plus inextricables, encore aggravés par les politiques anti-automobiles de certains gouvernements régionaux. Si le même trafic était réparti sur sept jours, simplement parce que chacun aurait le choix de son jour de repos, il est clair que la plus grande partie des embouteillages aurait disparu, sans que les infrastructures, à présent presque dépourvues d’utilité le week-end, doivent être adaptées. Si les arguments fondés sur les libertés individuelles n’émeuvent pas nos politiques, peut on espérer que ceux fondés sur l’usage rationnel des routes aient davantage de succès ? On peut certainement en douter, mais ce n’est pas une raison pour s’abstenir de poser la question.

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