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“Le Brexit, c’est une partie de cricket !”

C’est en ces termes que Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, a décrit le processus de divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, car l’affrontement entre deux équipes de cricket peut s’étendre sur cinq matchs et donc durer cinq jours, soulignant ainsi le caractère lent et long du processus qui doit conduire à la séparation.

Pour la petite histoire, il n’a pas voulu utiliser une métaphore plus classique, du style ” c’est un marathon, et non un sprint “, car de son propre aveu, ” on est en fait plus exténué après un marathon qu’après un sprint, donc ce serait une mauvaise métaphore “.

Où en est-on vraiment ?

Le processus de divorce sera long, c’est une certitude. Selon les dernières nouvelles, le Royaume-Uni devrait invoquer l’article 50 du Traité de Lisbonne au début de l’année 2017, ce qui lancerait effectivement les négociations de sortie. Mais est-ce vraiment important ? Malgré le choc des premiers jours suivant le référendum, l’économie britannique n’a pas plongé en récession. Au contraire, l’activité semble résister mieux que prévu, alors que la dépréciation de la monnaie britannique fournit un gain inespéré de compétitivité aux entreprises locales. Cela semble suffire à certains pour en conclure que, finalement, le Brexit est un non-événement et qu’au-delà des remous politiques, le choc économique n’aura finalement pas lieu.

Le mirage norvégien… ou suisse

Le processus du Brexit est une partie de cricket : ce sera long, souvent très flou, incertain et finalement, en dehors du Royaume-Uni, on ne s’y intéresse pas assez faute d’en comprendre les règles.

Certes, le fait que la situation politique se soit rapidement stabilisée au Royaume-Uni et que la politique monétaire ait été rapidement assouplie ont joué un rôle apaisant. Pour le reste, il est normal que les effets soient limités à ce stade, puisque rien ne change aussi longtemps que le divorce n’est pas prononcé. Mais surtout, le fait que les négociations n’aient pas encore été lancées donne l’illusion que rien ne va changer. Rappelons néanmoins que redéfinir les liens entre un pays et l’UE aura des conséquences pour un grand nombre d’entreprises. Le commerce entre l’Union et le Royaume-Uni sera soumis à des droits de douane : à titre d’exemple, si les droits de douane ” standards ” de l’OMC devaient être appliqués aux exportations belges vers le Royaume-Uni, celles-ci verraient leur prix augmenter de l’ordre de 5 % en moyenne. N’est-ce pas là une fameuse perte de compétitivité, sans compter les dépenses liées aux lourdeurs administratives ? Quelle réaction auront les entreprises lorsque, un par un, les problèmes de droits de douanes et d’accès aux différents marchés se poseront ?

Beaucoup semblent par ailleurs rassurés par la perspective de négociations courtes, fondées sur l’accord entre la Norvège et l’Union ou entre la Suisse et l’Union. Mais peut-on raisonnablement être aussi optimiste ? Si sortir de l’Union devait se résumer à adapter à la carte des accords existants, cela donnerait inévitablement des idées à d’autres pays, pressés par des tentations protectionnistes et plus profondément par un repli sur soi. Les autorités européennes le savent très bien, c’est pourquoi on peut s’attendre à des discussions plutôt longues. Pour compliquer encore la donne, le calendrier électoral sera bien chargé en 2017 : une élection présidentielle difficile se profile en France en avril et des élections générales auront lieu en Allemagne plus tard dans l’année.

En conclusion, le propos n’est certainement pas de dire que le Brexit se passera forcément mal, mais plutôt de mettre en garde contre un excès d’optimisme consistant à penser que le Brexit était un no-event. Il demeure beaucoup d’incertitudes sur les conséquences de cette décision, ce qui pèsera tôt ou tard sur la croissance. Mark Carney a donc raison. Le processus du Brexit est une partie de cricket : ce sera long, souvent très flou, incertain et finalement, en dehors du Royaume-Uni, on ne s’y intéresse pas assez faute d’en comprendre les règles.

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