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‘La taxe sur les plus-values manque sa cible et envoie un très mauvais signal’

Le gouvernement Michel a donc décidé de taxer les plus-values réalisées par des particuliers qui revendraient des actions cotées en Bourse moins de six mois après les avoir achetées. La décision a suscité une avalanche de critiques : les bons pères de famille seraient pressurés, l’épargne des particuliers serait détournée de la Bourse, et la vraie spéculation s’en sortirait indemne.

Il faut bien le reconnaître : beaucoup de ces critiques sont justifiées. Certes, la mesure touche peu de monde. Son rendement officiel estimé se monte à une trentaine de millions d’euros, quasiment rien. En outre, la taxe n’est pas dramatique en soi : si un bon père de famille estime qu’il doit vendre une action acquise voici moins de six mois, c’est qu’il a des besoins imprévus, ou qu’il estime que l’action a tellement monté qu’elle ne peut plus que redescendre. Quel que soit le cas, s’il vend et réalise un gain rapide, il n’est pas inhumain de payer une taxe de 33 % sur celui-ci.

L’impact psychologique de la mesure est en revanche beaucoup plus néfaste. La taxe ne touche en effet que les actions (et les produits dérivés sur actions) et ignore les obligations. De deux choses l’une : soit la spéculation est mauvaise, et alors on ne voit pas pourquoi il ne faudrait pas corriger aussi le marché obligataire. Soit la spéculation permet aux émetteurs de se financer à moindre coût, et on ne voit alors pas pourquoi favoriser uniquement ceux (surtout l’Etat) qui se financent avec de la dette. Depuis la seconde moitié des années 1990, le particulier se sent de plus en plus exclu de la Bourse. On n’a par exemple jamais cherché à résoudre le problème du double précompte payé par les actionnaires de sociétés belges absorbées par l’étranger comme Petrofina ou Tractebel. On a superbement ignoré la nécessité de conserver à Bruxelles un certain nombre de petites sociétés de Bourse actives, essentielles pour animer le marché des sociétés de taille moyenne.

Aujourd’hui, plus de 90 % du volume des transactions sur les sociétés belges concernent les seules big caps du BEL 20.

En outre, la vraie spéculation n’est pas le fait de belgian dentists. Elle est ailleurs, chez ces professionnels sophistiqués, acteurs d’un système bancaire de l’ombre basé à Londres ou aux îles Cayman, qui injectent une dose d’instabilité dangereuse dans le système. Jetez un oeil sur les statistiques de ce que Warren Buffett appelle les “armes de destruction massive” que sont les produits dérivés. Vous serez effaré : ces contrats sur actions, matières premières et surtout sur obligations d’Etat portent sur un montant sous-jacent de 640.000 milliards de dollars. La valeur même de ces dérivés avoisine 21.000 milliards de dollars (c’est la somme qu’il faudrait débourser si l’on dénouait tous ces contrats d’un coup). Ce risque systémique inquiète tous les régulateurs. C’est lui qu’il faut éradiquer.

Ce n’est pas en stigmatisant le petit investisseur que l’on résoudra nos problèmes budgétaires

La nouvelle taxe manque donc sa cible et donne la fâcheuse impression qu’une fois encore, faute de pouvoir toucher les grands acteurs très mobiles, on se retourne sur le petit épargnant captif, prisonnier de sa résidence fiscale.

Taxer les plus-values, augmenter les droits d’enregistrement sur l’achat d’un troisième bien immobilier comme la Wallonie l’a décidé, relever le précompte à 27 %, ou, dans un passé pas si lointain, taxer les plus-values sur les sicav obligataires, … Toutes ces mesures visent en effet la même cible.

Devant le parlement, le Premier ministre Charles Michel avait rétorqué que taxer les plus-values était davantage un symbole qu’une mesure effective. Justement. Le symbole n’est pas le bon. Ce n’est pas en stigmatisant le petit investisseur, qui a le sentiment d’être le cochon payeur de la crise, que l’on résoudra nos problèmes budgétaires. C’est en focalisant les efforts pour stabiliser vraiment les marchés financiers et pousser les entreprises à investir et à créer de l’emploi.

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