La sécheresse de l’ouest des États-Unis ne touche pas que les cultures d’avocats

Un champ d'amandiers morts jouxte des plants encore en bonne santé. Ces cultures en Californie monopoliseraient 10% des réserves d'eau de l'Etat. © reuters

Dans l’ouest des États-Unis, la sécheresse draine peu à peu l’eau des rivières et des fleuves. Mais pas que. Elle absorberait aussi les richesses de la région…

Le Colorado River, fleuve long de 2 330 kilomètres, s’étend à travers le Mexique et sept États du pays de l’Oncle Sam. Cela fait six millions d’années qu’il coule entre les étendues désertiques et les canyons. Aujourd’hui, il risquerait de s’assécher.

Et si le fleuve disparaissait ?

Déjà en octobre 2010, l’institution de recherche scientifique américaine Smith Sonian avait mis en garde contre cette possibilité. Sur son site, elle écrivait que le fleuve servait à trente millions de personnes, et permettait d’irriguer 1,4 million d’hectares de terres cultivées. Mais déjà, il montrait ses premiers signes de faiblesse : le niveau du fleuve aurait été “particulièrement bas depuis une décennie“. Le géoscientifique Brad Udall, estimait qu’il baisserait de 5 à 20% dans les quarante prochaines années.

Cinq ans plus tard, il semblerait que ces prédictions aient sous-évalué le danger. Il serait aujourd’hui 45% au deçà de sa capacité.

Le Washington Post s’interroge sur les conséquences économiques, de la disparition éventuelle du Colorado River. Une manière, selon le journal, de “considérer les effets du changement climatique et de la sécheresse sur la région“. Les résultats eux, ne sont pas vraiment encourageants. En tout, ce sont seize millions d’emplois qui dépendraient du fleuve. L’état le plus touché serait la Californie et ses sept et quelques millions, suivi par le Colorado, puis le Nevada.

Des amendes à 10 000$ pour sauver l’agriculture

En Californie, on s’inquiète d’ailleurs déjà des effets de la sécheresse sur les récoltes, qui pourraient être dramatiques. La région, qui connaît depuis quatre ans de fortes pénuries d’eau, possède l’une des agricultures les plus productives du pays. C’est là-bas que l’on récolte par exemple 84% des pêches, 94% des prunes, et 90% des avocats du pays. Ces derniers demandent malheureusement une impressionnante quantité d’eau : pour produire environ 500 grammes du fruit, il faudrait 280,5 litres. C’est environ huit fois plus que pour faire sortir de terre la même quantité de fraises. Les restrictions en eau menacent ainsi ce type de cultures. Résultat, en Californie, on comptait en décembre dernier déjà 500 000 hectares de terres agricoles en friche. Cela représenterait d’après Slate1,5 milliard de dollars de pertes pour l’industrie (…) et 17 000 emplois saisonniers en moins“. Le magazine estimait alors que la superficie des terres concernées devrait doubler en 2015. Dans un pays où les monocultures sont reines, la sécheresse se pose en réel défi pour la sécurité alimentaire nationale.

Des mesures radicales ont été prises pour éviter ce fléau. La ville de Beverly Hills, par exemple, prévoit de réduire sa facture de consommation en eau de l’ordre de 36%. Pour cela, elle compte sur un système de sanctions, avec des amendes qui pourraient atteindre 10 000 dollars.

Le secteur de la santé, première victime collatérale de la sécheresse

Ces décisions sont d’autant plus importantes que, comme le rappelle le Washington Post, “la sécheresse ne soulève pas seulement des questions sur la manière dont l’Amérique peut garder des sols fertiles et de la nourriture en abondance“. En effet, contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’agriculture serait l’un des secteurs, qui devrait le moins ressentir les effets du manque d’eau au niveau des emplois. Dans l’Etat d’Arizona, par exemple, une étude révèle qu’en un an, 10 937 emplois du secteur pourraient disparaître si la Colorado River venait à s’assécher. Un chiffre bien maigre en comparaison des 299 115 emplois menacés dans la santé. Les autres secteurs largement touchés seraient les hautes-technologies, mais aussi la finance, ou encore la vente au détail.

Interrogé par le Washington Post, Ben Alexander, directeur associé de l’entreprise de conseil Headwaters Economics, explique ces chiffres : “les villes américaines, en particulier dans l’ouest, génèrent plus de 97%” de l’activité économique de la région. “Et elles ne peuvent pas avoir l’eau dont elles ont besoin pour grandir et s’étendre“. Les firmes spécialisées dans les télécommunications, par exemple, se servent d’eau pour refroidir leurs centres de réseau de New Mexico. Facebook et Google, pour leurs centres de données. Le tourisme, les parcs d’attractions, consomment aussi beaucoup de cette ressource. Sans eau, c’est donc toute une région qui risque la banqueroute.

Perrine Signoret

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