La “mesure du bonheur”, une discipline à la mode en temps de crise

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La décennie de crise économique que le monde vient de traverser aura permis l’émergence d’une discipline nouvelle : la mesure du bonheur. Adieu l’économie, bonjour l'”happynomie”.

Déplorer la décennie de croissance perdue serait le moyen le plus évident de souligner le 10e anniversaire de la crise financière. Mais il est beaucoup plus réjouissant de noter que les 10 dernières années ont aussi contribué à faire de la mesure du bonheur une discipline à la mode.

Les gouvernements britannique et français tentent aujourd’hui de trouver des moyens de mesurer le bonheur. Les Nations unies ont par ailleurs publié leur premier ” rapport mondial sur le bonheur ” en 2012. Le niveau de bien-être est ainsi devenu l’indicateur le plus tendance du moment ! Après tout, c’est quand l’argent vient à manquer qu’on découvre qu’il n’y a pas que cela dans la vie.

Malheureusement, ceux qui aimeraient qu’on leur présente un bilan plus positif des 10 dernières années seront déçus. D’après l’indice des émotions négatives (colère, tristesse, douleur, etc.) compilé par l’institut de sondage américain Gallup, si les tendances actuelles persistent, en 2018, le monde sera plus sombre qu’il y a une décennie. Un autre indicateur du bien-être, qui évalue le degré de satisfaction des gens dans leur vie, est un peu plus optimiste. Au cours des 10 dernières années, les pays ayant enregistré une progression sont plus nombreux que ceux ayant connu une baisse, indique Gallup. Les progrès sont cependant inégaux. Alors que les Chinois sont de plus en plus heureux, les citoyens des Etats-Unis, du Japon et de 11 pays d’Europe de l’Ouest sont, en moyenne, de plus en plus insatisfaits par leur vie.

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Ceux qui cherchent à tirer des leçons politiques de l’avalanche de recherches sur le bien-être ont de quoi se mettre sous la dent. Certains faits sont évidents : les gens accordent beaucoup de valeur à la santé et à la richesse, même si les fluctuations du PIB par habitant n’expliquent qu’environ 12 % des variations dans le niveau de satisfaction à l’égard de la vie depuis 2005-2007. D’autres sont plus surprenants. Une étude a ainsi révélé que les Jeux olympiques avaient significativement augmenté le niveau de bonheur des Londoniens par rapport à celui des Parisiens ou des Berlinois. Un an après les JO, toutefois, les effets s’étaient estompés.

Les futurs leaders peuvent tirer un certain réconfort de la résistance de leurs citoyens. D’après une recherche menée par Carol Graham, du groupe de réflexion Brookings Institution, une fois le pire de la grande récession passé, le bonheur moyen avait retrouvé son niveau d’avant crise beaucoup plus rapidement que les indicateurs des marchés boursiers. Selon les Nations unies, la survenue d’une grave crise économique pourrait même accroître le bien-être d’une nation en favorisant l’entraide et la solidarité. (Il n’est cependant pas recommandé de fonder des politiques sur ce principe. Celui-ci s’applique en effet seulement là où les institutions sont solides. Et les gouvernements peuvent être chassés du pouvoir avant que les effets de leurs politiques se fassent sentir.) Les politiciens avisés feraient bien d’être attentifs aux indicateurs de bonheur en 2018. Une étude réalisée en 2015 par George Ward, du MIT (le Massachusetts Institute of Technology), révèle que les électeurs heureux ont tendance à réélire le candidat sortant et qu’à cet égard, la variable du bonheur est encore plus importante que le taux de chômage ou l’inflation. Seuls les idiots pensent que la politique c’est seulement de l’économie !

Par Soumaya Keynes.

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