La hausse du yen, un fléau de plus pour le Japon

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La dernière chose dont le Japon a besoin pour remettre son économie sur pied, c’est d’une monnaie forte. Or, le yen reste désespérément surévalué. Cinq jours après la catastrophe qui a frappé le nord-est de l’Archipel, la monnaie nippone atteignait le niveau record de 76 yens pour un dollar.

“Cette anomalie s’explique par l’importance des avoirs nippons à l’étranger”, souligne l’économiste Marc Touati. En effet, ces derniers sont régulièrement rapatriés vers l’Archipel. Du coup, le yen s’apprécie mécaniquement. La catastrophe humanitaire et nucléaire qui vient de toucher le Japon a simplement porté ce paradoxe à son paroxysme. Les compagnies d’assurances risquent de devoir rapatrier des capitaux à des fins d’indemnisation. Les entreprises feront sans doute de même pour renforcer leur fonds de roulement et mener à bien la reconstruction.

En 1995, le tremblement de terre de Kobé avait donné lieu, lui aussi, à une forte appréciation du yen. Trois mois après la catastrophe, la monnaie japonaise avait progressé de 20 % par rapport au dollar. Ce scénario est bien parti pour se répéter. D’autant que la spéculation s’en mêle. Selon Kaoru Yosano, ministre délégué à la Politique économique et budgétaire, c’est elle qui pousse actuellement le yen à la hausse, par anticipation. Des opérateurs achètent des yens en grandes quantités, en espérant pouvoir les revendre plus chers ultérieurement.

Problème pour les autorités japonaises : il est très difficile de lutter contre cette tendance du marché. Le 15 mars dernier, la Banque du Japon a vendu 18,5 milliards d’euros de titres – un montant record – pour tenter de faire plier le yen. Mais après avoir baissé dans un premier temps, la devise japonaise est rapidement revenue à ses niveaux d’avant l’intervention. Le week-end dernier, la Réserve fédérale américaine a vendu des yens elle aussi, pour un montant total de 50 milliards de dollars. Mais la monnaie nippone s’apprécie de nouveau.

Sa vigueur aura un coût pour l’économie japonaise. Notamment pour le secteur automobile, qui exporte 30 % à 70 % de sa production. Une hausse d’un yen du taux de change par rapport au dollar réduit le résultat d’exploitation annuel de Toyota de 260 millions d’euros, note la presse locale. Et l’effet est d’environ 130 millions d’euros sur les comptes de Honda et Nissan.

Certes, avec la hausse du yen, le prix des composants importés diminue. Cela permet de réduire l’impact négatif sur le PIB. Mais, de l’avis des économistes, la monnaie japonaise est fortement surévaluée. Et elle constitue un handicap pour le Japon, qui compte avant tout sur les exportations pour sortir de l’ornière.

Pour retrouver le chemin de la croissance et sortir de la spirale de la déflation, le Japon a tout simplement besoin d’une valorisation normale du yen au regard de la parité des pouvoirs d’achat, en l’occurrence 120 yens pour un dollar, estime Marc Touati. On est loin du compte.

Sébastien Julian, L’Expansion.com

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