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‘La dictature du court terme menace les vraies réformes’

Nos politiques sont partis en vacances. La plupart d’entre eux l’ont bien mérité, car leur fonction est épuisante. Et c’est d’ailleurs cela le problème: l’épuisement des politiques est aujourd’hui la norme.

Michel Rocard, l’ancien premier ministre français, sait de quoi il parle lorsqu’il écrit dans son dernier livre “nous ne pouvons plus être gouvernés que par des gens épuisés et mentalement menacés par le harcèlement qui saccage aussi bien leur vie privée que celle de leurs proches. Réformer un État en difficulté prend quelques années. Il n’y a plus un seul gouvernement démocratique qui dispose de ce temps de continuité et de sérénité”.

La dictature du court terme menace les vraies réformes

Michel Rocard a mille fois raison. Le temps pour vraiment réformer sera, j’en ai bien peur, de plus en plus rare. La faute aux nouvelles technologies, la faute à la concurrence entre les médias d’information, la faute également aux citoyens qui vivent en temps réel leur sphère privée et publique.

” Tout est exigé, désiré, consommé de manière quasi immédiate, du fast-food au film à la demande, du téléphone portable à la rencontre amoureuse”, fait remarquer Thierry Malleret, auteur d’un livre sur le déséquilibre du monde. Le meilleur exemple de cette compression du temps a été donné par la zone euro entre 2010 et 2012. “Durant ces deux années-là, nous avons subi 14 crises aiguës qui ont toutes été réglées sur le coup de 5 heures 30 du matin par des chefs d’État ou des ministres des Finances dans un état d’épuisement total, parce qu’il fallait parvenir à une décision avant l’ouverture des marchés financiers “, précise encore Thierry Malleret.

À quoi sert-il donc encore de blâmer la lenteur des politiques ? Leur horizon de temps est à plusieurs mois – ne serait-ce que parce qu’ils doivent valider leurs décisions auprès de leurs parlements – alors que le temps des marchés financiers est celui de la… microseconde ! Le résultat est simple: sous la pression des marchés financiers, et de leur temps court, les politiques ne décident pas de manière optimale.

La dernière rustine trouvée pour garder à flot la Grèce montre que les propos de Thierry Malleret sont prophétiques. N’a-t-on pas signé le énième plan de la “dernière chance” le 13 juillet à l’aube, après toute une nuit de négociations ? Et l’annonce d’un accord définitif – à quelques détails près – entre la Grèce et ses créanciers n’a-t-elle pas été faite ce mardi 11 août, encore à l’aube ? La dictature du court terme a donc encore de beaux jours devant elle.

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