L’Ukraine s’apprête à ne pas payer sa dette à la Russie, avec quelles conséquences ?

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A quelques jours de l’échéance d’un prêt de trois milliards de dollars à la Russie, l’Ukraine reste déterminée à ne pas payer. Pour les analystes, Kiev se le permet car les conséquences devraient restées très limitées pour son économie.

Moscou et Kiev sont engagés dans un bras de fer concernant un crédit russe de trois milliards de dollars accordé au régime prorusse du président déchu Viktor Ianoukovitch, quelques semaines avant son renversement et sa fuite en Russie.

Les autorités ukrainiennes estiment qu’il ne s’agit pas d’une dette souveraine (d’État à État) mais commerciale car apportée via une opération sur les marchés financiers. Elles veulent donc lui appliquer l’accord obtenu avec leurs créanciers privés (banques, fonds d’investissements…) qui ont accepté un effacement de 20%.

La Russie clame de son côté que ce prêt, accordé en 2013 à l’ancien régime ukrainien et qui arrive à échéance ce dimanche, ne peut être considéré comme émanant du secteur privé.

Et si le FMI a finalement tranché mercredi en faveur de Moscou, après des mois de tergiversations, Kiev campe sur ses positions et ne semble pas sur la voie de payer.

“L’Ukraine ne risque pas grand chose, en ne payant pas sa dette à la Russie à temps”, explique Taras Kotovitch, analyste financier au sein du groupe Investment Capital Ukraine.

Pas un défaut ‘massif’

Le défaut “ne sera pas massif, ce sera un défaut sur une petite partie de la dette”, renchérit Olena Bilan, analyste de la société d’investissement Dragon Capital, coupant court à toute crainte de faillite généralisée dans le pays.

“Cela ne va en rien influencer la notation de l’Ukraine. De nombreuses agences ont déjà noté la dette russe comme étant en défaut. Tout le reste va bien”, ajoute-t-elle.

“Cela pourrait évidemment compliquer l’accès de l’Ukraine aux marchés financiers internationaux, mais il est difficile de dire actuellement à quel point”, tempère de son côté Oleg Kouzmine, économiste chez Renaissance Capital à Moscou.

Et les Ukrainiens semblent d’autant plus confiants que le désaccord sur le caractère de la dette ne devrait pas entraver la poursuite du plan d’aide financier de 17,5 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI).

Jusqu’à présent, le FMI était dans l’incapacité d’apporter son assistance financière à un pays ayant fait défaut vis-à-vis d’un autre Etat. Mais début décembre, le Fonds a changé cette règle, provoquant la fureur de Moscou qui y a vu une décision “politique” visant à éviter la banqueroute du gouvernement ukrainien pro-occidental.

Désormais, l’institution pourra continuer à renflouer un pays en défaut vis-à-vis d’un autre Etat à la condition notamment qu’il ait tenté de “bonne foi” de négocier avec son créancier.

Le ministère des Finances ukrainien s’est empressé mercredi de confirmer qu’il avait bien tenté de mener de telles négociations avec Moscou et s’est même dit prêt à poursuivre les tractations.

Lors du sommet du G20 d’Antalya en novembre, Vladimir Poutine avait proposé d’étaler le remboursement sur trois ans à condition de garanties des pays Occidentaux, sans envisager un quelconque effacement néanmoins. L’Ukraine avait alors campé sur ses positions.

Bataille judiciaire

La bataille autour de cette dette devrait se poursuivre désormais devant les tribunaux.

La Russie a menacé l’Ukraine de la poursuivre devant une cour d’arbitrage internationale, ce à quoi Kiev s’est dit prêt à faire face.

“Le pire scénario pour l’Ukraine ce serait que les paiements extérieurs soient bloqués par décision du tribunal. Mais les avocats travaillent sur ce risque et sur les actions à mener dans ce cas”, indique Olena Bilan.

Selon les normes internationales, une fois la date butoir du 20 décembre passée, l’Ukraine disposera encore de dix jours pour payer avant que la Russie ne puisse saisir une cour d’arbitrage international.

Ce dossier s’ajoutera donc au nombre croissant de sujets de discorde entre les deux pays voisins, engagés dans une crise sans précédent depuis la contestation pro-européenne du Maïdan, suivie de l’annexion de la Crimée par la Russie puis du conflit dans l’est de l’Ukraine avec les séparatistes prorusses. Cette guerre a fait plus de 9.000 morts depuis son déclenchement en avril 2014.

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