L’euro n’est pas encore à l’abri d’une nouvelle crise

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Malgré plusieurs indicateurs rassurants, l’inquiétude reste palpable chez les investisseurs. Explications.

D’abord et surtout, la bonne nouvelle : la zone euro est actuellement en bien meilleure santé qu’il y a cinq ans lorsque la monnaie unique était en pleine crise. En février, l’inflation est même remontée au-dessus de 2 % – un niveau supérieur à l’objectif de la Banque centrale européenne (BCE). Bien que ce regain d’inflation soit surtout la conséquence d’une hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, l’inflation de base (aujourd’hui à 0,9 %) devrait à son tour se redresser sous l’effet de la reprise économique. Cette accélération de la croissance économique est une bonne nouvelle pour les budgets publics : une hausse de l’activité économique, c’est aussi davantage de recettes fiscales et moins de dépenses (par exemple en allocations de chômage).

Péripéties électorales

Malgré ces indicateurs économiques relativement bons, l’inquiétude reste palpable chez les investisseurs. Ces derniers mois, le différentiel de taux entre l’Allemagne – le berceau de la stabilité de la zone euro – et des pays comme l’Italie et la France a de nouveau grandi. Dans le cas de l’Italie, il faut surtout y voir la conséquence des problèmes du secteur bancaire. Et concernant la France, ce sont les élections présidentielles de fin avril qui en angoissent plus d’un. Il n’est en effet pas impossible qu’elles soient remportées par Marine Le Pen et son Front National d’extrême droite. La populiste veut retirer la France de l’Union européenne et de la monnaie unique, ce qui entraînerait immédiatement un effondrement de la zone euro.

L'euro n'est pas encore à l'abri d'une nouvelle crise
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Mais il y aura d’abord les élections parlementaires aux Pays-Bas (le mercredi 15 mars). Le PVV d’extrême droite de Geert Wilders pourrait devenir le plus grand parti outre-Moerdijk, ce qui compliquerait la formation d’un gouvernement à La Haye. Ajoutons à la liste les Grecs, qui ont à nouveau eu besoin d’argent cet été pour refinancer des dettes échues, et tout est en place pour un nouvel acte du grand drame européen. Bien que l’éclatement de la zone euro reste un scénario peu réaliste, la cohésion de l’union monétaire sera à nouveau soumise à rude épreuve au cours des mois à venir.

Refuges

Comment pouvez-vous protéger votre portefeuille contre ces péripéties électorales ? Sachez avant tout que cette protection ne sera pas gratuite. Vous pouvez par exemple investir en obligations publiques allemandes. Si la zone euro éclatait, celles-ci seraient (sans doute, mais pas obligatoirement) converties en marks allemands – la devise gagnerait en valeur face au ” nouveau ” franc belge. Le problème est que ces obligations affichent aujourd’hui un rendement très faible. À dix ans, vous n’obtiendrez que 0,3 % brut. À cinq ans, le rendement est même négatif (-0,5 %). Si l’euro est préservé, comme lors de la dernière crise, vous vous retrouverez avec un investissement qui ne rapporte rien, voire sur lequel vous récupérerez moins que votre mise initiale.

L'euro n'est pas encore à l'abri d'une nouvelle crise
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Vous pouvez également investir dans d’autres monnaies que l’euro. Le franc suisse est traditionnellement une valeur refuge pour les investisseurs qui veulent échapper à la crise de l’euro, mais la monnaie alpine est très chère actuellement. La Banque nationale suisse (BNS) a tenté en vain de s’opposer à l’appréciation du franc (en maintenant la monnaie à 1,2 franc pour 1 euro), mais n’a pu résister au flux constant de capitaux. Pour affaiblir le franc, la BNS a donc ramené son taux à court terme à -0,75 %. Et elle pourrait poursuivre sur cette voie, puisqu’elle continue à se plaindre d’un franc ” nettement surévalué “.

Même sur des échéances plus longues, le taux suisse reste négatif. Ainsi les obligations publiques suisses à dix ans affichent-elles un rendement annuel de -0,2 %. Non seulement vous vous exposez à un risque de change (si l’euro se renforce face au franc, vous perdrez de l’argent lorsque vous convertirez à nouveau vos francs suisses en euros), mais en outre, vos obligations en franc suisse ne rapportent rien ; pire encore, elles présentent un rendement négatif.

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Il en va de même pour les monnaies scandinaves. Les obligations en couronnes norvégienne et suédoise ne rapportent presque rien. De plus, ces deux monnaies ne sont pas dénuées de risques. La valeur de la couronne norvégienne présente une étroite corrélation avec le cours du pétrole (le pays est un important producteur d’or noir). De son côté, l’économie exportatrice suédoise est très sensible à un ralentissement économique de la zone euro, qui ne manquerait pas de se produire en cas de nouvelle crise de l’euro.

Le dollar aussi

Enfin, il reste bien entendu le dollar américain. La monnaie de la plus grande économie au monde est toujours considérée comme une valeur refuge en période troublée. De plus, les obligations en dollar américain proposent un rendement relativement attrayant par rapport à leurs pendantes européennes. Et leur rendement devrait encore augmenter au cours des années à venir puisque la Réserve fédérale compte relever ses taux directeurs. C’est pourquoi il est préférable d’opter pour des échéances courtes, inférieures à cinq ans, afin de pouvoir profiter de la hausse des taux.

Obligations de la semaine

Nestlé Holdings 2,375 % 18/01/2022 USD- Nestlé Holdings appartient au groupe agroalimentaire suisse Nestlé, qui garantit les obligations émises par sa filiale. Nestlé a connu une petite révolution de palais récemment, puisque le Belge Paul Bulcke a rejoint le conseil d’administration et a été remplacé en tant que CEO par l’Allemand Mark Schneider. Sous Schneider, le groupe a abandonné son objectif d’une croissance du chiffre d’affaires (CA) de 5 à 6 % par an. Après un millésime 2016 décevant, durant lequel le CA a enregistré sa plus faible augmentation en dix ans, Nestlé prévoit pour cette année une croissance du CA de 2 à 4 %. Sur les marchés occidentaux, Nestlé subit la pression de concurrents qui l’empêchent d’augmenter ses prix de vente. De plus, les goûts des consommateurs occidentaux évoluent au profit de produits alimentaires sains. La priorité du CEO est pour l’instant la restructuration des activités les moins performantes. Il entend également investir davantage sur les marchés émergents, où Nestlé a déjà réalisé l’an dernier plus de 40 % de son CA.

– Malgré les défis auxquels est confronté Nestlé, les détenteurs d’obligations peuvent dormir sur leurs deux oreilles. L’entreprise est en très bonne santé financière et bénéficie même d’une note “AA” chez l’évaluateur de crédit Standard & Poor’s. La dette financière totale s’élève à 23,2 milliards de francs suisses, contre des fonds propres de 66 milliards de francs. Nestlé a également généré des cash-flows opérationnels (y compris 758 millions de francs de charges d’intérêts) de 15,6 milliards de francs en 2016, qui couvriront largement les investissements (6,1 milliards de francs) et le dividende (7,4 milliards de francs).

– Émise cette année, l’obligation Nestlé Holdings de la sélection présente une échéance résiduelle de quatre ans et dix mois (jusqu’au 18/01/2022). Libellée en dollar américain, elle se négocie autour du pair (100 %) pour un rendement brut de 2,4 %. Il est possible d’y investir à partir de 2000 dollars.

Quoique la politique floue et le style agressif de Donald Trump suscitent moult inquiétudes – encore que ses projets économiques ont porté les marchés d’actions à de nouveaux records -, il est peu probable que le dollar dilapide son statut de monnaie de réserve internationale et de valeur refuge au cours des années à venir.

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