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L’Afghanistan, victime du tempérament zappeur des Américains?

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Le départ précipité, pour ne pas dire débandade, des forces américaines d’Afghanistan est un camouflet pour l’Occident, sans doute le plus important depuis la crise du Canal de Suez en 1956…

Et à la veille de commémorer les 20 ans des attentats du 11 septembre 2001 à New York, c’est une image piteuse des Etats-Unis, et donc de l’Occident, qui est renvoyée au monde entier.

On a l’impression d’un retour à la case départ, alors que cette guerre en Afghanistan a été chiffrée à 800 milliards de dollars par le Pentagone. D’autres sources évoquent plutôt un coût réel double, si on tient compte des indemnités versées aux invalides de guerre et aux vétérans. Sachant tout cela, comment se fait-il que Joe Biden ait laissé tomber ce pays ?

D’autant que les dangers de laisser l’Afghanistan aux mains des Talibans sont bien connus : à court terme, c’est le risque d’un afflux de réfugiés en Europe, voilà une pression migratoire dont se serait bien passé notre Vieux Continent. Emmanuel Macron l’a bien compris et l’a dit clairement dans son dernier discours télévisé : c’est une décision américaine mais, à court terme, c’est surtout une conséquence néfaste pour l’Europe. A moyen terme, c’est aussi un danger pour l’image des Etats-Unis auprès de ses alliés. Les Chinois, qui veulent récupérer Taiwan, auront beau jeu de montrer les contradictions américaines aux autres nations : “ils abandonnent les femmes afghanes à leur sort, mais ils prétendent défendre Taiwan demain ?” diront les diplomates chinois à qui veut l’entendre.

La question, c’est pourquoi Joe Biden a maintenu la décision prise par Donald Trump de quitter unilatéralement l’Afghanistan, comment peut-on sacrifier autant de vies inutilement et aussi autant d’argent ? Réponse donnée par Dominique Moïsi, un spécialiste de la géopolitique : parce que l’Amérique est devenue une nation zappeuse. “Les Américains ont un tempérament zappeur. Ils changent de priorités comme les téléspectateurs changent de programme. A l’heure du Covid-19, du réchauffement climatique et de la montée en puissance de la Chine, le citoyen américain trouve que son armée n’a rien à faire à Kaboul”.

Joe Biden veut séduire et reconquérir les ouvriers de l’Amérique profonde. Or, ceux-ci ont été séduits par l’isolationnisme de Donald Trump. Car si c’est vrai que les progrès de l’armement ont permis de faire moins de morts en Afghanistan que durant la guerre du Vietnam, cette guerre a fait en revanche plus de mutilés. Or, c’est un spectacle de moins en moins bien supporté par les classes moyennes des petites villes américaines…

Autrement dit, l’Amérique vit au rythme des médias, donc du très court terme. La Chine, elle, garde sa vision longue des événements et apparait comme la seule victorieuse de ce départ sans gloire. Comme l’écrit Renaud Girard du Figaro : “si j’étais Taiwanais, je serais très inquiet”.

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