Trends Tendances

John McCain: “Nos valeurs méritent d’être défendues”

Il y a 70 ans lorsqu’il avait annoncé le lancement du plan Marshall – l’aide financière offerte par les Etats-Unis pour aider à reconstruire l’Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale -, son auteur, George Marshall, avait ouvert son discours par une phrase très simple.

Cette phrase est la suivante : ” La situation mondiale est extrêmement préoccupante “. Aujourd’hui, ces mots sonnent plus juste que jamais. La planète est confrontée aux défis les plus complexes et inquiétants qu’elle ait connus au cours des sept dernières décennies.

Au moment où les leaders mondiaux tracent notre avenir, nous aurions peut-être intérêt à nous pencher sur notre passé commun. Les dirigeants de l’après-guerre ont assisté à l’effondrement de l’ordre mondial. Ils ont vu l’ouverture des marchés céder la place au protectionnisme et à la pauvreté, les sentiments ethniques et nationalistes engendrer violences et misère, et les ambitions belliqueuses de grandes puissances antagonistes provoquer des guerres et des génocides. Après ces temps tragiques, ils ont mis en place un ordre mondial libéral qui a marqué l’avènement d’une période de stabilité, de sécurité et de prospérité sans précédent. Ce nouvel ordre rejetait les principes qui avaient causé l’échec de son prédécesseur. Il reposait non pas sur un nationalisme ethnique, des sphères d’influence et un impérialisme dans lequel la force prime sur le droit, mais sur des valeurs universelles, les droits de l’homme, l’Etat de droit, l’ouverture commerciale et la souveraineté nationale. Cet ordre libéral n’a pas émergé par hasard. C’était le résultat d’efforts incessants pour promouvoir, défendre et préserver les valeurs sur lesquelles il reposait. Aujourd’hui, la même tâche incombe à ceux d’entre nous pour qui un monde libéral et démocrate demeure la meilleure chance de maintenir la stabilité, garantir la sécurité et accroître la prospérité.

Dans de nombreux pays, les citoyens se sont détournés des valeurs universelles pour revenir aux vieilles attaches de l’appartenance ethnique, de la race et du sectarisme.

Dans de nombreux pays, les citoyens se sont détournés des valeurs universelles pour revenir aux vieilles attaches de l’appartenance ethnique, de la race et du sectarisme. Ils manifestent une hostilité de plus en plus marquée aux migrants, aux réfugiés et aux minorités ethniques. Sur le plan économique, ils sont favorables à un repli du pays sur lui-même et font passer le protectionnisme avant l’intégration. En politique, ils aiment l’autoritarisme et la manière forte. Plus inquiétant encore, ils semblent avoir renoncé à l’idée même du libéralisme, n’affichant plus la volonté requise pour préserver l’ordre mondial.

Dans le monde entier, les résultats de cette tendance se sont manifestés dans les urnes, qu’il s’agisse du vote du Brexit au Royaume-Uni, de la montée de mouvements et de partis populistes en Allemagne, en France, en Pologne et en Hongrie, ou, bien sûr, de la politique extérieure de l'” America First ” (l’Amérique d’abord), ancrée dans le nationalisme et le protectionnisme, pour laquelle les électeurs se sont prononcés aux Etats-Unis. Nous avons une large part de responsabilité dans cette évolution. Dans notre rôle de défenseurs de l’ordre libéral, nous avons fait preuve de suffisance et avons commis des erreurs. Dans certains cas, nous voulions en faire trop, dans d’autres, nous n’en faisions pas assez. Nous avons perdu de vue beaucoup de nos citoyens et avons trop tardé à admettre leurs difficultés et à réagir. Aujourd’hui, nous devons reconnaître ces réalités. Mais cela ne doit pas nous faire perdre espoir ni battre en retraite. Ceux qui continueront, en 2018, à croire en l’ordre mondial libéral doivent choisir entre accepter son déclin et lui donner un nouvel élan. Dans l’intérêt des générations futures, nous ne devons pas baisser les bras.

Pour ce qui concerne les Etats-Unis, je sais que beaucoup de nos alliés étrangers craignent qu’ils ne renoncent à leur leadership mondial. En des temps comme le nôtre, nul ne devrait commettre l’erreur de miser contre les Etats-Unis. Ce pays demeure la plus grande démocratie du monde, dotée de l’armée la plus puissante de la planète, et il repose toujours sur les valeurs universelles qui ont fait de nous un symbole d’espoir pour les peuples en quête de liberté.

Nous avons la possibilité de définir les tendances politiques de 2018. Pour cela, les défenseurs de l’ordre mondial libéral que nous sommes doivent persister dans leur tâche et se montrer vigilants. Nous devons donner un nouveau souffle à notre dessein moral commun. Et nous persuader que nos valeurs méritent d’être défendues.

Par John McCain, avocat, sénateur républicain de l’Arizona, président de la Commission des forces armées du Sénat ancien candidat à la fonction suprême des Etats-Unis

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content