Jean-Claude Marcourt: “La Belgique a laissé la Wallonie s’enfoncer”

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Dans un ouvrage collectif initié par Guy Verhofstadt et présenté voici quelques jours, l’économiste et ancien sénateur VLD Paul De Grauwe observe que, en termes de dynamisme économique, le Wallonie dépasse la Flandre depuis 2007.

“Malgré, ajoute Paul De Grauwe, la succession des réformes de l’Etat censées donner davantage d’autonomie aux régions. Finalement, assène Paul De Grauwe, “ce que nous (Flamands) faisons nous-mêmes, nous ne le faisons certainement pas mieux”.

Entre 2008 et 2012, le produit brut régional a enregistré une croissance cumulée de 4,5% en Wallonie, contre seulement 1,6% en Flandre.

Pourquoi la Wallonie affiche depuis six ans une croissance supérieure à la Flandre ? C’est le sujet du dossier de tendances cette semaine. C’est aussi la question que nous avons posée au ministre wallon de l’économie, Jean-Claude Marcourt.

Alors, la Wallonie fait désormais jeu égal avec la Flandre sur le plan économique ?
Dans un environnement morose, la Wallonie se positionne en effet dans les régions qui s’en sortent relativement bien. C’est la conséquence d’une politique économique qui est menée depuis dix ans. La Wallonie soigne ses maux et va mieux. C’est clair.

Il reste un écart non négligeable avec la Flandre. Le PIB par habitant n’est que de 88% de la moyenne européenne, contre 118% en Flandre.
Le PIB par habitant était supérieur en Wallonie jusqu’en 1966. Ce n’est pas si lointain. La région n’a pas encore retrouvé le niveau d’activité de l’économie flamande. Mais nous avons mis en place un certains nombres d’options qui commencent à porter leurs fruits.

Nous avons orientés l’économie wallonne vers l’innovation. Et c’est cela qui explique cette amélioration. Je songe surtout aux pôles de compétitivité. Une grande partie de l’accroissement de valeur ajoutée que l’on observe en Wallonie provient de ces pôles. Ils sont en train de créer un véritable écosystème, mettant aux prises des PME, des centres de recherches, des universités, des centres de formation. C’est cette hybridation entre ces divers composants qui a donné une robustesse à l’économie wallonne. Et j’observe que désormais, les entreprises se sont appropriées le dispositif.

Certains disent qu’il existe deux modèles très différents : le modèle flamand, d’économie de marché ouverte et tournée vers l’international, et l’économie wallonne, mixte, davantage spécialisée dans des niches innovantes. Vous êtes d’accord ?
Mais ces deux modèles sont liés à une histoire. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la Flandre a été largement soutenue par la politique économique belge, au détriment de la Wallonie. Au lieu d’aider la Région wallonne à se redéployer, on l’a laissé s’enfoncer. Nous n’avons pu appliquer une telle politique que depuis la régionalisation.

Aujourd’hui, la puissance économique flamande a d’autres atouts que les nôtres. Toutefois, les analystes, mêmes en Flandre, regardent ce que nous faisons. Et lorsque la Flandre vit un drame social tel que celui de Ford Genk, j’observe qu’elle applique le remède que nous avons nous-mêmes appliqués en Wallonie.

Quel est aujourd’hui le principal défi que doit relever l’économie wallonne ?
Il faut aider à créer des PME structurantes, tournées vers l’international, qui deviennent des leaders de leur secteur. Il faut continuer à densifier les mailles du tissu industriel wallon. Le secteur des services est également important, mais on observe du côté francophone qu’il a tendance à se concentrer à Bruxelles.

Un obstacle n’est-il pas la trop grande fragilité financière des PME du Sud du pays ?
Si. Il est nécessaire de renforcer les fonds propres les entreprises wallonnes. Si l’on doit revoir le système des intérêts notionnels, il faut le corriger en favorisant la manière dont il pourrait soutenir les fonds propres des PME.

Nous en discutons avec Febelfin (l’association regroupant le secteur bancaire, NDLR), afin de mettre en place un système similaire au plan bancaire flamand (la Flandre a mis en place un système de financement des PME où les banques supportent le risque en première ligne, mais où un fonds doté d’un milliard d’euros permet d’accroître le volume du crédit. Des incitants permettant aux particuliers de financer des entreprises ont également été étendus, NDLR). Le projet devrait aboutir ces prochains mois. Peut-être à la fin de cette législature, plus vraisemblablement dans le courant de la deuxième partie de l’année.

Retrouvez un dossier complet sur ce sujet dans le magazine Trends-Tendances du 23 janvier.

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