Ira? Ira pas? Le FMI entretient le suspense sur son aide à la Grèce

Christine Lagarde © Reuters

Les Européens réclament sa présence, Athènes s’y est résigné mais le suspense reste entier: le FMI n’a toujours pas décidé s’il participerait financièrement au troisième plan de sauvetage de la Grèce et continue de poser ses exigences.

“Nous n’avons rien décidé quant au cadre financier d’une éventuelle nouvelle participation”, a redit la patronne du Fonds monétaire international Christine Lagarde dans un entretien paru vendredi. En 2010 comme en 2012, l’institution financière avait pourtant été un acteur de poids des renflouements de la Grèce, au sein de feu la “troïka” formée avec la Commission européenne et la Banque centrale européenne. Redoutant un effondrement de la zone euro, le FMI avait même créé une clause spéciale “d’exception systémique” qui lui avait permis de promettre le plus grand prêt de son histoire à Athènes (près de 50 milliards d’euros au total). Mais les temps ont changé. Le FMI ne semble aujourd’hui plus aussi pressé de se joindre aux Européens qui ont accordé, à l’été dernier, un nouveau plan d’aide de 86 milliards d’euros à la Grèce, toujours engluée dans la récession.

Sous la pression des Allemands, les Européens ont pourtant fait de l’implication du FMI –garant de l’orthodoxie financière– une condition sine qua non. Et les Grecs, qui faisaient porter à l’institution une responsabilité “criminelle” dans les malheurs du pays, ont fini par céder. “La participation du FMI est prévue. Nous tenons à cet engagement”, a lâché jeudi le ministre grec des Finances Euclide Tsakalotos.

‘Crédibilité’

Le Fonds reste toutefois insensible à ces appels du pied et campe solidement sur sa position. Avant de s’engager, l’institution exige des Grecs des mesures d’économie drastiques, notamment sur les retraites, et réclame que les Européens allègent la dette du pays, qui atteint près de 200% de son produit intérieur brut. “Nous avons besoin de ces deux jambes”, a redit jeudi le porte-parole du FMI Gerry Rice. Le Fonds semble ainsi vouloir refermer un chapitre controversé de son histoire qui l’a conduit à contourner ses règles en prêtant à la Grèce sans avoir la certitude absolue que sa dette était “viable”. “Il y a beaucoup de gens au FMI, notamment les pays émergents, qui se disent: +qu’est-ce qui se passe ici? Le FMI a des règles très dures pour certains, mais quand ça touche l’Europe, ils se moquent de savoir si le pays réunit les conditions requises+”, affirme à l’AFP Desmond Lachman, un ancien responsable du FMI, qui y voit une question de “crédibilité” pour l’institution.

Le Fonds peut par ailleurs se permettre d’attendre: les Européens disposent désormais d’un fonds de secours pour pays en détresse et un effondrement de la Grèce fait moins peur aujourd’hui.

“Il y a maintenant cette idée que la Grèce n’emporterait pas l’Europe et l’économie mondiale dans sa chute”, précise M. Lachman. En jouant la montre, le Fonds peut par ailleurs espérer vaincre les fortes réticences de ses partenaires européens –et spécialement allemands– à alléger la dette grecque.

A terme, le Fonds pourra-t-il toutefois rester sur le bas-côté? La France n’y croit guère. En octobre, son ministre des Finances Michel Sapin avait dit ne “pas avoir de doute” que le FMI finirait par rejoindre le plan grec.

Sans aller jusque-là, le porte-parole du FMI a tenu à démentir jeudi les rumeurs d’un désengagement total. “Il n’y a rien de vrai là-dedans”, a dit M. Rice.

Le Fonds ne peut, de fait, pas totalement délaisser la Grèce. Le pays lui doit encore quelque 17,9 milliards d’euros et a créé un fâcheux précédent en juin 2015 en faisant brièvement défaut sur une partie de cette dette. Seul un risque accru de ne pas être remboursé devrait pousser le FMI à rejoindre le plan grec, assure d’ailleurs à l’AFP Ashoka Mody, un des architectes du plan d’aide du FMI à l’Irlande. Ce professeur à Princeton n’y est toutefois pas favorable. “Le Fonds devrait se désengager parce que je ne suis pas sûr qu’il ait joué un rôle très constructif en Grèce”, assure-t-il. “Il défend aujourd’hui un allègement de la dette mais son insistance sur l’austérité n’a pas vraiment aidé”.

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