Ils montent en politique: la Belgique compte sept ministres de moins de 40 ans, dont cinq femmes

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Tout va beaucoup plus vite et les carrières politiques aussi. On se frotte les yeux en voyant un informateur royal de 33 ans, un président des socialistes flamands de 26 ans ou une coprésidente d’Ecolo de 30 ans.

Sept ministres et secrétaires d’Etat (*) ont moins de 40 ans (deux vont atteindre ce seuil dans les prochaines semaines). La benjamine est Nawal Ben Hamou, 32 ans, secrétaire d’Etat bruxelloise en charge du Logement (PS). ” Est-ce vraiment si neuf ? interroge, un brin provocatrice, la politologue de l’UCLouvain Caroline Van Wynsberghe. Il y a 20 ans, Jean-Marc Nollet et Charles Michel devenaient aussi de très jeunes ministres. Et Caroline Gennez avait à peine 30 ans quand elle a été élue à la présidence du sp.a. ”

La politologue convient cependant que le sang neuf se remarque peut-être un peu plus aujourd’hui parce que la politique est très polarisée et que des personnalités atypiques comme Georges-Louis Bouchez ont émergé. ” Nous voyons arriver des gens qui se sont faits eux-mêmes, un peu comme dans la sphère économique, poursuit Caroline Van Wynsberghe. Cela colle assez bien à l’image d’Emmanuel Macron en France. ” ” Un peu partout, on est sorti de la construction d’une carrière politique des échelons les plus bas vers les cabinets ministériels, ajoute Pascal Delwit, politologue à l’ULB. On accède beaucoup plus vite à des fonctions importantes, parfois presque du jour au lendemain. Le 26 mai, c’était la première élection de Conner Rousseau. Aujourd’hui, il est président du sp.a. ” Les ascensions rapides sont d’autant plus visibles que, dans le même temps, une brochette de personnalités qui occupaient le paysage politique depuis 20 ans ont pris du recul (Laurette Onkelinx, Joëlle Milquet) ou sont partis vers les cieux européens (Charles Michel, Didier Reynders, Benoît Lutgen). Notons enfin que parmi nos sept ministres trentenaires, cinq sont des femmes. L’atten- tion à la parité a sans doute accéléré le renouvellement et le rajeunissement des dirigeants.

Ce passage de témoin correspond à une évolution dans les profils de fonction. ” Avant, un président de parti était jugé sur sa capacité à négocier des dossiers et sa gestion interne du parti, explique Pascal Delwit. Il ou elle doit de plus en plus incarner son parti, être une figure innovante en termes d’image et de communication. Beaucoup de partis empruntent cette voie. Pas tous: Joachim Coens, le président du CD&V, ce n’est assurément pas un modèle du genre. ”

Les responsables politiques doivent de plus en plus travailler dans l’urgence et la réaction à chaud, en fonction des petites phrases qui tourneront sur les réseaux sociaux. Cela convient à certains, moins à d’autres et les équipes doivent se construire en fonction. ” Les négociations au long cours durant lesquelles rien ne filtre, c’est terminé, dit Pascal Delwit. Aujourd’hui, on tweete en direct depuis le kern. Cela rend évidemment les négociations plus complexes et les partis moins enclins à être audacieux dans un compromis. Tester une idée est devenu beaucoup plus compliqué car elle fuitera tout de suite. ” Les débats feutrés et un peu moins centrés sur la communication avaient aussi permis à des adversaires politiques de nouer dans la durée des relations de confiance. Cela a permis à des gens comme Jean-Luc Dehaene et Philippe Moureaux de conclure ensuite d’importants compromis. Aujourd’hui, l’accélération du tempo ne facilite pas de tels rapprochements. ” On peut observer les choses dans l’autre sens, objecte Thomas Dermine, le directeur de l’institut Emile Vandervelde. C’est mathématique : quand on est plus jeune, on a accumulé moins de passif, nos relations ne sont pas abîmées par d’anciens différends. ” Il a aussi l’impression que le fait d’avoir grandi dans une société dépilarisée a ouvert les esprits.

Au-delà des personnalités qui émergent, il y a un mode de fonctionnement à la recherche, au mieux, d’un second souffle. ” Le renouvellement des partis demande plus qu’une opération de façade, estime Caroline Van Wynsberghe. Le système a besoin d’idées nouvelles. Les chefs d’entreprise se posent des questions sur les jeunes qu’ils engagent, sur leurs attentes, sur leur envie de mieux concilier les vies professionnelle et privée. Cette génération arrive en politique également et cela fera évoluer les codes. ”

(*) Au gouvernement bruxellois : Elke Van den Brandt (39 ans), Barbara Trachte (38) et Nawal Ben Hamou (32) ; au gouvernement wallon : Céline Tellier (35) ; au gouvernement flamand : Benjamin Dalle (37) et Zuhal Demir (39) ; au gouvernement germanophone : Antonio Antoniadis (34).

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