Fisc : les 4 obstacles à une vraie lutte contre la fraude

© Image Globe/Herwig Vergult

“Doit mieux faire” : tel pourrait être le commentaire de Marco Van Hees, à la fois fonctionnaire des Finances et incisif observateur de son ministère, apporté aux mesures du secrétaire d’Etat Crombez pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale. Le “trublion des Finances” livre son analyse. Forcément décapante.

Les mesures contre la fraude fiscale annoncées par le secrétaire d’Etat John Crombez constituent un pas dans la bonne direction… mais un pas minuscule et qui est contredit par d’autres mesures du gouvernement, dénonce Marco Van Hees, fonctionnaire au ministère des Finances et délégué syndical CGSP, sur le site Internet du PTB.

Obstacle n° 1 : le SPF Finances n’a pas les moyens de ses ambitions

“La première chose que ferait un exécutif réellement désireux de combattre la fraude fiscale serait d’augmenter le nombre de contrôleurs, pointe-t-il. Or, on annonce l’engagement d’un peu plus de 200 agents alors que des milliers d’emplois ont été perdus au SPF Finances !” Ainsi, rappelle ce salarié dudit ministère, “depuis une vingtaine d’années, tous les services de terrain du SPF Finances (contributions, TVA, recherches, douanes, cadastre, enregistrement, etc.) ont vu leurs effectifs fondre de 50 % et même bien plus dans certains cas”. Bref, “ces services ne sont plus capables d’effectuer un contrôle digne de ce nom”.

Le nombre de dossiers à contrôler par agent a explosé, dénonce encore le “trublion des Finances” : “Beaucoup de services (comme les inspections de recherches ou le cadastre) n’ont même plus les moyens d’envoyer des agents sur le terrain pour vérifier, par exemple, si un nouveau bâtiment correspond au plan qui a été livré. En matière de droits de succession, les services d’enregistrement effectuent à peine 200 enquêtes en banque par an, soit 0,2 % des décès. De plus, ils n’ont pas les moyens de contrôler autre chose que les droits de succession sur les biens immobiliers, les plus riches – dont les fortunes sont essentiellement financières – échappant ainsi à cette taxation.”

Les fonctionnaires contrôleurs seraient en outre victimes de “véritables formes de sabotage interne” de leur travail. “Par exemple dans le timing de leur plan de travail établi en dépit des délais de prescriptions. Par exemple dans la sélection centralisée des dossiers (programmes Datamining et autres du même acabit) qui est imposée aux agents en dépit de toute logique : le contrôleur le plus incompétent de tout le SPF Finances sélectionnerait mieux les dossiers à vérifier que le programme Datamining !”

Obstacle n° 2 : le gouvernement veut confier la centralisation des comptes bancaires à l’étranger à la BNB, non au fisc

Parmi les nouvelles mesures annoncées, Marco Van Hees cite également la centralisation des comptes bancaires que des résidents belges détiennent à l’étranger.

“Le gouvernement avait demandé que cette tâche soit accomplie par la Banque nationale (qui a, entre-temps, refusé) à l’instar de la centralisation que cette institution doit assurer dans le cadre de la cotisation supplémentaire de 4 % sur les revenus supérieurs à 20.000 euros. Or, comment interpréter la volonté du gouvernement de confier cette tâche à la Banque nationale et non au fisc, si ce n’est comme une garantie d’opacité des données à l’égard de ce dernier ?”

Le gouvernement Di Rupo Ier, “qui prétend faire de la lutte contre la fraude une priorité refuse donc cette démarche élémentaire : fournir aux services fiscaux les données nécessaires pour combattre la fraude”.

Obstacle n° 3 : Di Rupo Ier abandonne l’idée d’un impôt sur la fortune

L’abandon du gouvernement du projet d’impôt sur la fortune participe de la même logique, selon Marco Van Hees : “Un tel impôt implique la création d’un cadastre des fortunes. Ce cadastre représenterait la Rolls de la lutte contre la fraude puisqu’il permettrait non seulement de contrôler la taxation des patrimoines, mais également la taxation des revenus et des successions.”

Obstacle n° 4 : le secret bancaire est préservé par l’excès de démarches et obligations imposées aux agents du fisc

Plus encore, “toutes les démarches et obligations à respecter par les agents du fisc qui voudraient lever le secret bancaire ne sont pas dignes d’un gouvernement affirmant vouloir lutter contre la fraude”, dénonce le fonctionnaire des Finances. “Pourquoi en France les pouvoirs d’investigation du fisc à l’égard des banques sont-ils les mêmes qu’envers n’importe quelle autre société alors qu’en Belgique, elles gardent pour l’essentiel leur statut de forteresses imprenables ?”

Chez nous, un agent du fisc doit faire état d’indices de fraude avant de pouvoir obtenir, de la part des banques et à l’issue d’une procédure que Marco Van Hees juge “laborieuse”, des éléments qui pourraient être… des indices de fraude. “C’est comme si un agent de police devait démontrer l’état d’ivresse d’un conducteur avant de pouvoir lui faire souffler dans le ballon !”, s’indigne le délégué CGSLB.

Trends.be

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