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“Faut-il vraiment réindustrialiser?”

La pensée à la mode, c’est celle de la réindustrialisation. On pense à créer de toutes pièces de nouvelles industries dans notre pays, à racheter des friches industrielles abandonnées, à placer sous contrôle régional, national, voire européen certaines activités, pour ne pas devoir importer d’ailleurs et surtout de Chine…

On peut évidemment comprendre que les pouvoirs publics souhaitent rendre des emplois à nos nombreux chômeurs que le confinement aura sans doute multipliés. Tout de suite se posera tout de même la question de savoir dans quels domaines il faudra créer de nouvelles industries. Jusqu’à présent, on protégeait l’industrie nationale dans des domaines très peu nombreux, comme celui des armes. Mais comme nous sommes un pays heureusement pacifique, nous avons besoin de les vendre ailleurs. Et les clients qui veulent acheter des armes ont la fâcheuse tendance à les employer pour tuer, ou du moins pour maintenir un ordre souvent autoritaire et nous éprouvons de justes scrupules à leur en vendre.

On nous dira bien sûr, en cette période, qu’on ” n’a qu’à ” fabriquer des masques. Ce produit à très faible valeur ajoutée est de ceux dont nous avons, temporairement, un grand besoin. Mais il y a peu de chance, si nous ne les vendons pas ailleurs, que cela devienne une industrie de grande importance, surtout lorsque la pandémie dont nous souffrons sera terminée. A l’arrivée d’un prochain désastre mondial, c’est peut-être de tout autre chose que de masques dont nous aurons besoin… Faudrait-il alors se relancer dans le textile, qui a fait la gloire de la Belgique dans le passé ? On rappellera quand même que s’il en est ainsi, c’est parce que la tradition belge dans ce domaine est issue de sa créativité dans la conception de nouvelles machines et qu’il a fallu vaincre des réactions protectionnistes de pays voisins et leur faire accepter le libre-échange pour leur vendre notre production.

Nous pourrions revenir à la fabrication de trains et de trams, qu’aujourd’hui nous achetons ailleurs parce que la technologie se trouve ailleurs et parce que, comme pour pratiquement tout le reste, nos coûts de production sont trop élevés à cause des règles sociales, fiscales et environnementales. Et si nos productions redeviennent localement compétitives parce qu’on taxe les importations venant de l’étranger, il y a très peu de chances pour que nous vendions ce que nous fabriquons, puisque les autres se montreront aussi protectionnistes que nous. Il faut comprendre qu’il restera trop cher de fabriquer en Belgique et que personne, à l’étranger, n’achètera nos produits parce que les produits chinois seront toujours plus avantageux.

Nous pouvons évidemment étroitement protéger notre marché national par des droits de douane pour empêcher les importations. Dans tous les cas, ces nouveaux impôts ne seront pas payés par les Chinois, mais par les consommateurs belges, forcés de payer leurs achats à des prix plus élevés, qu’il s’agisse de produits nationaux, dont le prix de revient sera excessif, ou de produits étrangers, taxés. Si l’on prétend protéger étroitement le seul petit marché belge, cela implique de quitter l’Union européenne. Nos partisans de la réindustrialisation veulent-ils vraiment un Belxit ? Et s’il s’agit d’un nouveau protectionnisme européen, il n’est pas sûr que nos industries puissent être compétitives par rapport à celles de la Pologne ou de la Bulgarie…

Quant à nos industries existantes, qui parviennent à vendre aujourd’hui parce qu’elles ont recours à l’innovation industrielle ou commerciale, il est évident qu’elles éprouveront beaucoup de difficultés à continuer leur activité si, implantées dans un pays devenu protectionniste, elles doivent vendre à l’étranger et faire face à des mesures de rétorsion. Les pays qui n’importent pas finissent toujours par ne pas exporter non plus.

Il faut se rendre compte qu’il y a une seule manière de recréer des industries chez nous. Ce n’est certainement pas en recourant au ” repli sur soi ” justement dénoncé par beaucoup dans d’autres domaines. Il ne s’agit donc pas de travailler à l’abri de droits de douane, qui ne peuvent qu’appauvrir tout le monde. Il faut redevenir compétitifs dans le domaine industriel lui aussi, et pour cela, la seule solution, ce n’est pas l’étatisation ou l’investissement public, c’est la libéralisation qui, seule, peut rendre nos produits réellement attrayants et donner aux autres l’envie de les acheter. Cela veut dire qu’il faut renoncer à une partie de notre impressionnant arsenal de normes sociales, fiscales et environnementales. Sinon, nous en reviendrons à l’éternel système qui consiste à subventionner des canards boiteux et les pouvoirs publics investiront aujourd’hui dans les entreprises qui feront faillite dans 10 ans.

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