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Faut-il vraiment appliquer des exceptions à l’âge de la pension pour les “métiers lourds” ?

Le débat concernant les critères pour une pension anticipée fera sans aucun doute beaucoup de bruit dans les jours (voire semaines) à venir et tout le monde formulera des revendications, légitimes ou non, pour encore sauver sa peau.

Nous devons tous travailler plus longtemps. Ce message a été répété et expliqué au cours des dernières années. Maintenant que l’âge légal de la pension en Belgique (avec toute une série de mesures transitoires et d’exception) est passé à 67 ans, la question se pose à nouveau : qui doit travailler plus longtemps ? Car, en effet, certaines professions ne sont-elles pas plus pénibles que d’autres ? Cet aspect ne doit-il pas être pris en compte ?

En effet, quels critères vont être retenus : les conditions de travail physiques et mentales, le degré d’autonomie et de capacité de gestion qu’offre le métier ou également la charge émotionnelle de celui-ci, la charge de travail ou encore une combinaison de toutes ces variables ? Et qui sera impliqué dans ce débat ? Comment veiller à ce que chaque profession soit prise en compte ? Toutes ces interrogations promettent déjà une tâche difficile aux décideurs politiques.

Faut-il vraiment appliquer des exceptions à l’âge de la pension pour les “métiers lourds” ?

J’aimerais également ajouter mes réflexions sur le sujet.

– La notion de “métier lourd” concerne-t-elle l’expérience moyenne ou y a-t-il des moments moins “lourds” dans un “métier lourd” ? Le président d’un syndicat a en effet récemment déclaré que même dans une rivière d’une profondeur moyenne d’à peine 20 cm, on pouvait se noyer…

– À l’heure actuelle, des mesures de récupération et des congés supplémentaires n’existent-ils pas déjà dans les “métiers lourds” pour garantir le rétablissement nécessaire ? Ces dispositions sont-elles correctement utilisées ?

– Le fait qu’une personne opte à un moment donné pour un “métier lourd” ne signifie-t-il pas – surtout en ce qui concerne les personnes hautement qualifiées – qu’elle peut y renoncer et faire autre chose ? Et qu’en est-il des indépendants qui exercent un “métier lourd” ? Ont-ils eux aussi droit à une pension anticipée ?

– Un “métier lourd” ne peut-il pas partiellement être adapté aux possibilités d’une personne par le biais du job crafting, de la rotation d’emplois, du job design (travail sur mesure), voire des i-deals ?

– Une liste des “métiers lourds” risque non seulement d’être restrictive (qu’en est-il des cas limites ?), mais également d’avoir une durée de vie très réduite dans notre monde VICA (volatil, incertain, complexe et ambigu). En effet, les fonctions et leur contenu évoluent bien souvent.

À mes yeux, le plus préoccupant dans ce débat, c’est que ce sont ceux qui font le plus de bruit qui obtiendront le plus. Non seulement ce n’est pas juste, mais cela peut en outre mener à une classification finale des métiers éventuellement reconnus comme “lourds” qui ne reposera pas suffisamment sur des critères objectifs. Selon moi, ces critères ne sont pas liés à une profession, mais plutôt aux conditions de travail et au contenu du travail, quel que soit le métier.

Le fait qu’il existe encore des “métiers lourds” doit nous faire réfléchir en tant que société. Comment faire en sorte que ces métiers restent réalisables du point de vue de leur contenu et des conditions de travail ? Cette responsabilité est partagée par les travailleurs (les syndicats), les employeurs (et leurs fédérations) ainsi que par les autorités.

En d’autres termes, nous ne pouvons pas, en tant que société, accepter que des personnes exercent un “métier lourd” qui n’est supportable que pour un nombre limité d’années et que les employeurs, avec le consentement des syndicats, contrebalancent cela par l’octroi de compensations financières et de primes. Tout cela pour finalement devoir constater que les travailleurs en question doivent pouvoir partir à la retraite beaucoup plus tôt et être à la charge de la communauté… C’est pour ces raisons que je frémis à l’idée d’une liste de métiers dits “lourds”.

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