État islamique: ces braises qui attendent d’être soufflées…

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La dissolution de l’Etat islamique et la dispersion de ses combattants laissent présager la formation de nouveaux foyers d’affrontements.

Dans l’histoire du Moyen-Orient, 1917 fut une année tumultueuse. Les puissances occidentales ont repoussé l’Empire ottoman jusqu’à la Palestine, la Syrie, l’Irak et le Yémen, laissant la région sous le contrôle de groupes religieux qui obéissaient jusqu’alors à Istanbul et qui coexistaient dans une harmonie plutôt relative. Depuis, les guerres de territoire n’ont cessé de se multiplier.

Il y a une chose dont on peut être sûr, c’est qu’en 2017 les conflits sectaires du Moyen-Orient seront loin d’être résolus. Le plus grave sera la transformation de cette force territoriale prédominante qu’est l’Etat islamique en une guérilla extraterritoriale. Repoussés par les bombardements occidentaux et les groupes armés locaux, ses combattants se disperseront dans toute la région et même au-delà, redynamisant ainsi la stratégie globale d’Al-Qaida, celle de combattre ” l’ennemi lointain “. Le vide qu’ils laisseront derrière eux provoquera de nouvelles guerres de territoire.

Après avoir essayé de stopper leur fuite en 2014, l’armée irakienne tentera avec difficulté d’empêcher la pléthore de milices armées de s’emparer de la région. Les peshmergas, qui affirment être soutenus par les communautés chrétienne, shabak et yézidie, revendiqueront la plaine de Ninive et ses lucratifs gisements de pétrole situés non loin d’Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan. Sans personne pour les retenir, ils se heurteront aux milices chiites qui longent le Tigre vers le nord dans le but de s’emparer de la deuxième ville d’Irak, Mossoul. Divisées depuis la nuit des temps, les tribus arabes sunnites aspireront sûrement à établir leur propre enclave. Elles essaieront en vain et ne réussiront qu’à monter leurs chefs les uns contre les autres.

Nouvelles guerres de territoire

Autrefois catalyseur des querelles régionales, le conflit israélo-palestinien n’apparaît désormais plus comme une priorité. Il semble qu’il y ait beaucoup trop d’autres affaires urgentes à régler.

La guerre en Syrie, qui dure depuis déjà cinq ans, continuera de faire rage. Les puissances régionales se rallieront aux puissances mondiales et imagineront un monde sans le président Bachar El-Assad. Du côté de Damas, la capitale, les poches de résistance sunnites tomberont une à une face au président syrien. Les groupes armés sunnites se retrancheront vers les régions frontalières avec la Jordanie et la Turquie. Soucieux d’empêcher un exode de réfugiés (et un afflux de djihadistes), les deux pays tenteront de se servir de ces groupes armés pour faire tampon. Les forces iraniennes et du Hezbollah, alliées de Bachar El-Assad, approcheront les forces israéliennes et essayeront d’affaiblir les milices islamistes sunnites qui encerclent le Golan, occupé par Israël.

La possibilité d’une confrontation sur le sol syrien entre Israël et le Hezbollah est bien réelle. Aucun des deux n’a jamais vraiment enterré la hache de guerre depuis le conflit qui les opposa en 2006 au Liban. L’armée turque ne verra pas d’un bon oeil la présence des forces kurdes dans le nord de la Syrie – oeuvre des Américains – et pourrait diriger contre celles-ci de violentes attaques, qui rappellent la répression dont sont victimes les Kurdes nationalistes en Turquie.

Faute d’avoir trouvé une solution qui permettrait d’y mettre un terme, la guerre continuera entre le Yémen et l’Arabie saoudite, l’Etat arabe le plus pauvre et l’Etat arabe le plus riche. Les tensions entre le Yémen du Sud et le Yémen du Nord s’accentueront. Il se pourrait qu’Al-Qaida étende son influence dans le sud-est, le long des routes de la contrebande en direction d’Oman, qui essaye de lutter contre les infiltrations en construisant un mur.

Augmentation du déficit budgétaire

Conséquence du coût de la guerre au Yémen et de la réticence des Etats-Unis à autoriser l’Iran à réintégrer le système financier international, le déficit budgétaire a considérablement augmenté dans les Etats du Golfe. Ceux-ci tenteront de faire oublier leurs crises intestines en multipliant les critiques qu’ils s’adressent les uns aux autres. La campagne pour l’élection du président iranien qui aura lieu en mai 2017 – et qui opposera d’intransigeants idéologues au pragmatique Hassan Rohani – réduira les possibilités de compromis. Les rivalités entre l’Arabie Saoudite et l’Iran creuseront davantage le gouffre qui existe entre les sunnites et les chiites de la région. Les deux géants réussissent toutefois à s’affronter à travers plusieurs intermédiaires sans entrer en guerre frontale.

Le conflit israélo-palestinien, qu’on pensait voir causer de nombreux dégâts il y a encore quelques années, ne semble désormais plus constituer une menace majeure. L’année 2017 marque le centenaire de la déclaration Balfour, qui promet la création en Palestine d’un foyer national juif, ainsi que les 50 ans de la conquête par Israël du reste de la Palestine avec l’annexion de Jérusalem-est, de la Cisjordanie et de Gaza. Autrefois catalyseur des querelles régionales, le conflit israélo-palestinien n’apparaît désormais plus comme une priorité. Il semble qu’il y ait tout simplement beaucoup trop d’autres affaires urgentes à régler.

Par Nicolas Pelham, correspondant au Moyen-Orient pour “The Economist”.

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