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Elections: le futur (dis)simulé

L’évaluation par le Bureau du Plan d’une sélection de mesures des partis politiques est un pas important vers plus de rationalité des campagnes électorales.

Au terme de ce premier exercice d’évaluation, deux constats s’imposent néanmoins : primo, un gros travail de pédagogie sera encore nécessaire pour qu’au fil du temps, les électeurs s’approprient ce genre de simulations et que celles-ci deviennent un véritable outil de décision. Secundo, l’évolution économique à long terme d’un pays ne fait, au cours d’une campagne électorale, pas le poids face aux mirages du court terme.

Alors que les différents ” tests électoraux ” semblent avoir assez rapidement trouvé leur public, l’évaluation chiffrée de mesures politiques par des modèles économiques a plus de mal à faire partie du débat électoral. Pourtant, les simulations offrent la possibilité non seulement de comprendre l’opportunité de telle ou telle mesure, mais aussi de les comparer entre elles. Cela devrait éclairer l’électeur. Malheureusement, pour bien comprendre les chiffres publiés, de solides bases macroéconomiques sont nécessaires : au-delà des chiffres et des concepts utilisés dans les simulations, il faut aussi bien comprendre le fonctionnement des modèles et leurs limites pour se faire une idée précise de la qualité des mesures proposées.

Dans le cas des évaluations menées par le Bureau du Plan, l’exercice était rendu plus flou par le fait que les partis eux-mêmes ont sélectionné les mesures à évaluer.

Dans le cas des évaluations menées par le Bureau du Plan, l’exercice était rendu encore plus flou par le fait que les partis eux-mêmes ont sélectionné les mesures à évaluer. Connaissant les modèles utilisés (et donc leurs éventuelles faiblesses) ou prenant connaissance de résultats préliminaires, il leur était facile de sélectionner ce qui les intéressait et de laisser le reste sur le côté. Comment, dans un tel contexte, l’électeur peut-il se faire une idée précise de ce qui est réalisable ou de ce qui ne l’est pas. Plus de pédagogie et une évolution du processus d’évaluation lui-même seront probablement nécessaires si l’on veut que l’exercice devienne vraiment un outil de décision.

Il faut aussi souligner que si la majeure partie de l’exercice consistait à évaluer des mesures sur le court/moyen terme, une autre partie des simulations était consacrée aux mesures dites ” structurelles ” de long terme. La combinaison des deux types de mesures est essentielle : les mesures de court/moyen terme agissent en effet dans un cadre macroéconomique défini mais ne font pas évoluer fondamentalement les structures de fonctionnement de l’économie. Or, une telle évolution est indispensable parce que de nouvelles contraintes apparaissent : la structure de la population se modifie, l’innovation fait évoluer la production, la concurrence internationale peut être plus ou moins forte, etc.

Pourtant, cette partie cruciale de l’évaluation réalisée par le Bureau du Plan est passée presque totalement inaperçue : six des 13 partis n’ont pas jugé opportun de soumettre de telles mesures ; les mesures soumises par les autres partis restaient finalement assez classiques et floues ; et surtout, les résultats des simulations n’ont presque pas trouvé d’écho dans les médias.

On entend souvent que les partis politiques sont focalisés sur la prochaine législature, c’est-à-dire le court-terme, et qu’ils ne donnent pas de direction claire au pays. Mais l’électeur, lui, est-il vraiment davantage intéressé par la trajectoire à long terme de son pays ? Les mesures structurelles sont essentielles pour le développement du bien-être collectif. Pourtant, elles ont été reléguées dans un second rôle, tant au niveau des simulations que des commentaires dans les médias. Aujourd’hui, tout le monde sait probablement ce que chaque parti politique fera des voitures de société ou de la manne financière qu’elles représentent. Mais qui, aujourd’hui, peut dire quelles mesures structurelles chaque parti compte prendre pour maintenir la Belgique sur une trajectoire économique positive, dans un contexte de vieillissement de la population, d’innovations débordantes, de protectionnisme grandissant et de changements climatiques ? C’est pourtant là l’enjeu économique le plus important.

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