Deux milliards, l’incroyable dérapage budgétaire

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Le contrôle budgétaire s’annonçait difficile, il sera sanglant. Le gouvernement Michel doit en effet affronter un trou de deux milliards d’euros par rapport aux prévisions initiales.

Dès l’origine, le budget 2016 vacillait. La Cour des comptes avait d’ailleurs pointé quelques imprécisions ou excès d’optimismes dans les prévisions de recettes et la Commission européenne avait largement repris l’analyse dans ces dernières prévisions. Malheureusement pour le gouvernement fédéral, tout se confirme au point d’arriver à une aggravation du déficit de deux milliards d’euros. Ce chiffre devrait être affiné par le comité de monitoring dont le rapport est attendu pour mardi prochain.

Comment expliquer un tel dérapage ? Procédons par ordre et commençons par le mauvais résultat de 2015 : l’année s’est achevée avec un déficit dépassant les estimations de 900 millions d’euros. Cela affecte évidemment la base de départ et tous les calculs pour 2016.

La toute grosse tuile concerne le rendement des versements anticipés des entreprises. Il manquerait ici un milliards d’euros. Cela ne provient heureusement pas d’un ralentissement de l’activité et des bénéfices attendus des entreprises mais plutôt de leur stratégie fiscale en cette période de taux plancher, comme nous l’expliquons dans le Trends-Tendances de cette semaine: les pénalités pour insuffisance de versements anticipés étant liées aux taux de la BCE, elles sont aujourd’hui quasiment nulles. Les entreprises préfèrent donc conserver leur trésorerie et payer leurs impôts l’an prochain, lors de l’enrôlement. D’où une année difficile pour l’Etat, qui a priori ne récupèrera ce milliard manquant qu’en 2017. Cela dit, la faiblesse des taux n’a pas que des inconvénients pour les gestionnaires publics : les charges de la dette baissent de 300 millions par rapport aux estimations initiales.

L’autre gros problème provient de la sécurité sociale. Le budget dérape de 441 millions en raison de l’indexation des allocations prévue cet été (et oui, l’inflation a repris en Belgique contrairement à ce qui se passe dans le reste de l’Europe).

Comme si cela ne suffisait pas, il y a apparemment un coup de mou dans les recettes de TVA, du retard dans le lancement des fonds immobiliers institutionnels (ils ne sont toujours pas validés par la FSMA, ce qui hypothèque une recette de 220 millions) et un re-calcul de la part régionale de l’impôt des personnes physiques, cette fois favorable aux entités fédérées (500 millions).

A cette addition de mauvaises nouvelles, il faut encore ajouter les 400 millions annoncés en décembre pour le renforcement de la sécurité ainsi qu’un budget complémentaire pour le financement du RER.

Les habitués des négociations budgétaires tenteront de se rassurer en rappelant que le tableau se noircit systématiquement à l’approche d’un contrôle budgétaire et que la hauteur de l’effort à accomplir baisse “miraculeusement” lors des premières réunions.

Même si la note devait être divisée par deux, on s’attend à de solides passes d’armes entre la N-VA, qui entend concentrer les mesures dans la sécurité sociales, et ses trois partenaires qui estiment qu’on ne peut plus y économiser grand-chose sans toucher directement le pouvoir d’achat des plus faibles. Le vice-Premier ministre Didier Reynders (MR) n’exclut pas un report de l’objectif d’équilibre budgétaire (actuellement 2018) pour garder une trajectoire socialement acceptable.

Estimations fiscales “fantaisistes”

“Cet échec n’est pas une surprise, a commenté le président du parti socialiste Elio Di Rupo. Nos députés dénoncent depuis longtemps les estimations fiscales fantaisistes du gouvernement, ainsi que les choix inefficaces et injustes de la majorité de droite.” Il invite le gouvernement Michel à “changer de cap” économique et fiscal. “Par son aveuglement idéologique et ses choix austères, dit-il, le gouvernement rate non seulement les buts qu’il s’est lui-même fixés, mais dégrade en plus structurellement les éléments qui ont toujours constitué la force de notre pays : la sécurité sociale, la concertation sociale et la réduction des inégalités.”

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