Deux fois par an, la frontière s’ouvre et les Népalais peuvent commercer avec la Chine

Kagbeni, dans le Mustang au Népal. © AFP

Il n’y a jamais personne à ce poste-frontière perdu dans les solitudes désertiques du plateau tibétain. Sauf quand il ouvre deux fois par an, pour permettre aux Népalais d’aller enfin commercer chez leur riche et puissant voisin chinois.

C’est une foire semestrielle au Tibet qui offre aux marchands de l’ancien royaume bouddhiste du Mustang, au Népal, cette occasion tant attendue de franchir la frontière avec la Chine, en temps normal fermée pour d’historiques raisons de sécurité.

Or beaucoup de Népalais rêvent d’un accès illimité à la Chine, et le Népal cherche à s’ouvrir de plus en plus vers la Chine pour contrebalancer la dépendance envers l’Inde, son autre écrasant voisin.

“Cette possibilité de faire du commerce est très importante pour nous car nous vivons dans une région tellement isolée”, explique Pasang Gurung, un chauffeur de camion en route pour la foire en Chine.

“Notre vie est beaucoup plus simple quand nous avons accès aux clients et aux produits chinois”, soupire-t-il. “Si seulement la frontière pouvait rester ouverte !”

Mais il y a encore beaucoup à faire. Le commerce bilatéral avec l’Inde totalisait 4 milliards d’euros entre juillet 2014 et juin 2015 contre moins de 800 millions d’euros avec la Chine.

Efficacité chinoise

En mars, un accord entre Katmandou et Pékin a mis un terme au monopole de New Delhi sur la fourniture de pétrole et de gaz domestique au Népal. L’Inde reste tout de même le premier fournisseur du pays himalayen.

Cet accord était une parade au blocage pendant plusieurs mois par une minorité ethnique népalaise d’un point de passage frontalier clé avec l’Inde, qui avait entraîné la suspension des approvisionnements indiens et de dramatiques pénuries.

L’affaire a tendu les relations indo-népalaises, Katmandou accusant New Delhi d’orchestrer un “blocus officieux” pour soutenir les revendications de la minorité des Madhesis.

L’Inde a rejeté ces accusations, mais sa réputation au Népal en a été ternie.

Avant même ce contentieux, “l’Inde avait de toute façon la réputation d’être lente”, observe Sujeev Shakya, président du Forum économique népalais, un think tank. Plusieurs projets indiens de centrales hydroélectriques sont au point mort, alors que la Chine, elle, avance ses pions et développe ses projets énergétiques sans tergiverser.

“Le sentiment est que les Chinois tiennent leurs engagements alors que les Indiens discutent”, explique-t-il à l’AFP. “La Chine a gagné en crédibilité au Népal en raison du rythme auquel ses projets d’infrastructure avancent”.

A Lo Manthang, capitale du Mustang, une centrale solaire financée par la Chine a vu le jour l’année dernière, ce qui permet aux habitants d’avoir désormais le courant pendant la saison sèche, quand l’hydroélectrique fait défaut.

“Si la frontière ouvre, Lo Manthang peut devenir un noeud commercial, religieux et touristique”, espère Kunga Dorje Gurung, un commerçant.

Ex-bastion des résistants tibétains

Pendant la foire au Tibet, un millier de personnes franchissent chaque jour le poste-frontière de Korala pour aller vendre des tapis, des vêtements, du thé ou des biscuits.

Le voyage a été facilité par l’aménagement cette année d’une nouvelle route et les Népalais espèrent qu’elle incitera les Chinois à ouvrir davantage la frontière.

“Avant, tout devait être transporté par des chevaux”, rappelle Tshering Phuntsok Gurung, un commerçant népalais. “Le coup de la location des bêtes et de leur nourriture faisait grimper le prix de nos produits”.

L’essor du commerce transfrontalier est particulièrement remarquable quand on pense que le Mustang fut un temps la base arrière d’une guérilla financée par la CIA pour tenter de chasser les forces chinoises du Tibet après l’échec du soulèvement de 1959.

Thutop Dadhul, un réfugié tibétain, n’avait que 17 ans quand lui et sa famille de bergers nomades se sont enfuis au Mustang pour échapper aux troupes chinoises.

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