De Wever : “On peut économiser 15 milliards sans bain de sang social !”

© Image Globe/Julien Warnand

Alors que le pays attend avec impatience la note d’Elio Di Rupo, Bart De Wever plaide pour un véritable assainissement des finances publiques et une réforme institutionnelle qui incite tout le monde à se montrer économe.

Que souhaite trouver le président de la N-VA dans la note du président du PS ? “J’espère pouvoir y lire un revirement systémique, déclare Bart De Wever. L’approche institutionnelle et socioéconomique des années passées ne nous fera pas sortir de cette crise. Un véritable assainissement des finances publiques, des réformes dans la sécurité sociale, une réforme institutionnelle qui accroît l’efficacité et incite tout le monde à se montrer économe. Voilà ce que je veux lire dans cette note.”

Quant à la vitesse de ce revirement, le président de la N-VA dit pouvoir faire un compromis : “En dehors du maintien de l’impasse actuelle, je ne dispose pas de beaucoup d’alternatives parce que je ne parviens pas à réunir suffisamment de soutien flamand pour faire clairement comprendre aux francophones qu’il est exclu de conserver le système actuel. J’espère que la note satisfait à ces conditions. Il ne reste qu’à attendre en croisant les doigts.”

Comment peut-on sortir de l’impasse ?

Le gros problème est que nous n’avons pas de levier politique pour forcer le changement. Nous ne pouvons fermer le robinet financier car ce robinet se trouve au niveau fédéral. Et la partie adverse a tout intérêt au maintien du statu quo. Si vous pouvez donner à vos électeurs de l’argent payé par des gens qui ne votent pas pour vous, pourquoi changeriez-vous ce système ?

Si je devais céder et accepter une solution insuffisante, chaque jour que je passerais dans ce nouveau gouvernement serait un jour de frustration. Je me connais très bien, je ne suis pas Guy Verhofstadt. Je ne parviens pas à me faire croire que ce qui n’est pas bon est bon. Si tel était le cas, je mourrais d’une lente mort politique.

Le seul modèle qui puisse encore fonctionner dans ce pays est le modèle dans lequel les Etats fédérés font leur propre ménage et concluent un traité pour régler le financement de l’union fédérale. Chacun sera alors motivé pour veiller sur les sous et la solidarité sera sur la table au vu et au su de tous. Chacun saura combien lui coûte le mariage. Chacun pourra lire sur sa feuille d’impôt combien coûte la contribution au fonctionnement de l’Etat fédéral.

Supposons que le gouvernement fédéral se mette demain à mener une politique socioéconomique saine, comme le recommande l’Europe. Une réforme de l’Etat sera-t-elle encore nécessaire ?

Si Elio Di Rupo est d’accord pour exécuter dans une large mesure les recommandations de l’Europe, cette partie de l’accord gouvernemental est écrite. Cela réduit aussi la pression sur la réforme de l’Etat, mais je reste partisan du transfert d’un certain nombre de compétences parce qu’une bonne politique fédérale n’est pas une solution structurelle. Car il se peut que, demain, cette politique soit à nouveau différente.

Je ne veux pas rester dépendant du jugement d’une autre démocratie. Mais si je peux obtenir aujourd’hui une réforme de l’Etat dans laquelle les Etats fédérés sont responsables de leurs propres revenus et dépenses, et s’il est possible de transférer aux Etats fédérés une partie des compétences qui leur appartiennent de toute façon (comme la politique du marché de l’emploi), la soif que nous avons de voir se réaliser cette réforme de l’Etat sera assouvie. A condition que le gouvernement fédéral mène la bonne politique. Cela pourrait être un compromis. Je renoncerais alors à une partie de mon agenda institutionnel. Mais nous en sommes encore loin.

Comment envisagez-vous d’éliminer le déficit structurel d’environ 4 % du PIB ?

En tant que parti flamand, nous devons nous concentrer entièrement sur les économies car le PS se chargera automatiquement de se concentrer sur les recettes publiques. Nous faisons donc uniquement des propositions visant à réduire les dépenses, ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire du côté des recettes. Mais les meilleures recettes proviennent naturellement de l’accroissement de l’emploi.

Nous sommes disposés à examiner d’autres sources de recettes pour l’Etat mais en fonction d’une baisse des charges pour les revenus les plus bas. Alors seulement, je pourrais accepter certaines augmentations d’impôts. Une légère hausse de la TVA ou une harmonisation du précompte mobilier plus élevé peut se discuter moyennant les conditions précitées. Cette idée “créative” de ne pas accroître les charges sur le travail mais bien l’impôt sur les voitures d’entreprise est ridicule. Comme si la disposition d’un véhicule n’était pas une forme de salaire. Pourquoi y a-t-il tant de voitures d’entreprise ? Parce que les charges salariales sont tellement élevées.

Dans ce cas, nous avons encore toujours un déficit structurel de 4 %…

Nous ne comptons pas non plus sur les effets de retour financier. Et il vaut mieux ne pas accoler de chiffres à des postes comme la lutte contre la fraude fiscale car nous ne ferions que nous duper nous-mêmes. Nous plaidons pour une croissance zéro des dépenses publiques pendant un certain nombre d’années. En comparaison avec la situation d’avant la crise, les dépenses sociales augmenteront de 3,5 points de pourcentage du PIB d’ici 2015. Donc, si, à ce moment-là, on parvient à ramener les dépenses sociales au niveau d’avant la crise, on économisera environ 15 milliards d’euros et le budget sera en grande partie assaini.

Concrètement, dans le secteur des soins de santé, nous proposons un rythme de croissance réel qui s’élève à une fraction de la croissance économique. Les premières années, il peut même s’agir d’une croissance zéro pour compenser la croissance généreuse des années précédentes. L’exécution intégrale de l’indexation des prestations sociales liée à l’évolution du bien-être est un facteur de coûts qui pousse le budget structurellement sous zéro. Si le gouvernement suivant maintient le statu quo sur ce plan, on en arrivera à des chiffres dramatiques.

Les mesures dans le secteur des pensions ne généreront naturellement un return qu’à long terme. Mais dans la sécurité sociale, nous voulons qu’il y ait une corrélation plus claire entre ce que quelqu’un met dans le système et ce qu’il reçoit en retour. Cela implique la disparition progressive de toutes les formes de sortie anticipée du marché du travail. Une carrière complète (40 à 45 années de travail en fonction de la charge physique) donne lieu à une pension complète, donc une carrière brève donne lieu à une pension moins élevée et une carrière plus longue permet d’avoir une pension plus élevée. Or, ce lien n’existe plus.

Autre point sensible : la hausse liée au bien-être des pensions des fonctionnaires. Un fonctionnaire gagne-t-il encore toujours moins qu’un travailleur du secteur privé et doit-il bénéficier d’une compensation sous la forme d’une pension plus élevée ? C’était le cas auparavant mais ce n’est plus le cas pour ceux qui débutent leur carrière de fonctionnaire.

Propos recueillis par Daan Killemaes et Johan van Overtveldt

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