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Conjoncture internationale: “Quand la musique s’arrêtera-t-elle?”

Une des questions qui agitent les responsables économiques en ce moment, qu’ils soient dans les gouvernements, dans les banques centrales ou dans les entreprises, est de savoir si la décélération économique que nous vivons est le signe avant-coureur d’une récession imminente, ou une respiration supplémentaire dans un cycle économique toujours haussier ? Autrement dit, la douce musique de la croissance économique va-t-elle (temporairement) s’arrêter bientôt ?

On pourrait d’abord se demander s’il est possible d’empêcher qu’elle ne s’arrête. La réponse est clairement non. Si entre les années 1990 et la fin des années 2000, les cycles économiques ont eu tendance à se lisser (des récessions moins profondes et plus courtes, des périodes plus longues de croissance économique), la très grave crise de 2008-2009 nous a rappelé que le cycle économique existe toujours, et n’est pas prêt de disparaître. De plus, les variables, paramètres et contraintes qui fondent le cycle sont tellement complexes qu’à elle seule, la politique économique n’aurait pas la capacité de neutraliser le cycle. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui en zone euro que les gouvernements peinent à trouver le consensus politique et les moyens financiers nécessaires à des politiques budgétaires ambitieuses. Quant à la politique monétaire, force est de constater qu’elle arrive petit à petit à ses limites. Il ne faut donc pas en demander de trop à la politique économique.

Ceci nous ramène à notre question de base. Va-t-on rentrer en phase de récession ? Imaginons d’abord qu’aucun choc majeur ne viennent impacter les principales économies mondiales. Dans le contexte du Brexit, des tensions commerciales et politiques et des fragilités financières, c’est une hypothèse assez lourde. Mais soit : imaginons un monde sans choc. Même dans ce cadre, on sent bien que l’économie américaine approche ses limites. Pour preuve, les récents chiffres de créations d’emplois sont un peu décevants. Certes, l’économie américaine a encore créé 135.000 emplois en août, mais ce rythme est clairement en ralentissement. On ne peut en être surpris, dans la mesure où le marché du travail est proche du plein emploi. Et on peut imaginer que les nouveaux emplois ne sont pas les plus qualifiés. Si l’on y ajoute que les entreprises américaines sont déjà très endettées, et donc que leur capacité à augmenter encore et encore leurs investissements est de plus en plus limitée, il semble de plus en plus clair que la note finale se situe quelque part en 2020.

Dans le cas de la zone euro, l’image est un peu différente. A la faveur de l’amélioration conjoncturelle, le niveau actuel du taux de chômage n’est pas si éloigné du minimum atteint lors du cycle précédent (7,3% début 2008). Il ne faut donc pas se leurrer, la marge de diminution de ce taux est limitée en raison d’un chômage structurel important, lui-même notamment lié à l’inadéquation entre les qualifications offertes et demandées. Néanmoins, on peut considérer que le marché du travail est encore capable de fournir des travailleurs compétents, ce qui est une condition importante de la poursuite de la croissance. Par ailleurs, l’investissement des entreprises, autre pilier important de l’activité économique, peut encore progresser, alors que les conditions financières restent très favorables. L’économie de la zone euro a donc encore une petite marge de progression, avant que le cycle ne se retourne naturellement.

Bref, cela sent clairement la fin du cycle. Mais je l’ai dit, ce serait sans compter avec les chocs possibles. A commencer par le fait que ce calendrier ne convient pas du tout au président Trump qui fera tout pour donner l’impulsion nécessaire à l’économie américaine afin qu’elle termine l’année 2020 en beauté. Ce serait parfait pour sa réélection. Les banques centrales semblent également préoccupées par la situation et décidées à agir vigoureusement.

Résumons donc la situation conjoncturelle actuelle comme ceci. Partant de l’idée que (1) les impulsions budgétaires et monétaires se matérialisent aux Etats-Unis, mais aussi en zone euro, (2) que la zone euro arrive en même temps à garder le cap en matière d’emplois, (3) qu’un Brexit dur n’ait pas lieu et (4) qu’aucune vraie guerre commerciale n’éclate, le cycle actuel de croissance pourrait être prolongé jusqu’en fin d’année 2020.

Gardons néanmoins à l’esprit que s’il est possible de prolonger le cycle, on ne peut l’éliminer et qu’un tel scénario peut être balayé d’un simple tweet. Telle est la dure réalité de la prévision économique.

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