France Masai

Comment organiser une mobilité durable à la campagne? (carte blanche)

France Masai Sénatrice cheffe de groupe Ecolo

C’est reparti pour une nouvelle semaine de la mobilité, avec spots publicitaires, émissions thématiques, actions militantes inspirantes et bonnes résolutions.

Il se fait que, comme plus de 20 % de wallon.ne.s, j’habite en zone rurale où la voiture reste le maître incontesté des modes de transport, les modes alternatifs sont difficiles à rendre attractifs, les routes sont progressivement saturées et les impacts environnementaux suivent cette croissance. Or, selon les objectifs du Gouvernement wallon en lien avec l’urgence climatique, la part modale de la voiture devrait passer de 83% (chiffres de 2017) à 60% (objectif pour 2030). Alors, comment faire évoluer nos modes de déplacements à la campagne pour atteindre ces objectifs écologiques et solidaires ?

Rapprocher logements et services

Des améliorations sensibles sont et devront encore être faites, pour que chaque ménage puisse vivre correctement, si pas sans, avec une seule voiture (et en l’utilisant moins). Mais le plus grand et urgent changement réside indéniablement dans la manière de repenser l’aménagement du territoire dans le but de garantir un accès aux services (loisir, emploi, écoles, santé, commerce, noeuds de mobilité) au plus proche des lieux de logement. Dans ma belle campagne, où règne l’étalement urbain, ces services sont complètement éclatés et ne permettent pas aux jeunes, personnes âgées, personnes à mobilité réduite, personnes en situation de pauvreté… de pouvoir en bénéficier facilement, et surtout pas sans voiture. Clairement, le manque d’alternatives à la voiture pénalise directement les populations rurales, et la mobilité est une clé dans la lutte contre la pauvreté et la précarité. Revitaliser les centres de villages en y ramenant les activités et les commerces et en réduisant la pression automobile sur ces zones pour en faire des lieux de convivialité, c’est tentant, non ?

Un autre levier d’action serait de revoir les conditions de travail en proposant des horaires plus souples et des possibilités de télétravail : ce mouvement s’est peut-être enclenché suite aux dispositions prises dans la lutte contre le coronavirus. Affaire à suivre.

Rendre les alternatives attractives

Et puis, évidemment, bus, trains, covoiturage, voitures partages, vélo,… les modes alternatifs de déplacement doivent devenir plus attractifs ! L’offre doit s’élargir encore, au moins en renforçant les fréquences et les amplitudes d’horaire. A ce propos, les récents ré-investissements dans le rail, ou la création et le renforcement de lignes Express des TEC vont dans le bons sens. Combiner plusieurs modes de transport sur un même trajet doit devenir plus simple, les gares wallonnes doivent devenir des mobi-pôles qui encouragent la multimodalité. Et, puisque l’usage du vélo (électrique) à la campagne est tout à fait pertinent pour des trajets quotidiens de courte distance, encourageons intensément le vélo ! Les projets ‘Wallonie cyclable’ se succèdent et répondent aux besoins des communes en la matière. 54% des déplacements des ménages en Belgique font moins de 5 km et 63 % moins de 10 km[1]. 5 km, c’est moins de 15 minutes de trajet en vélo électrique, qu’on se le dise !

Femmes en milieu rural : La double peine ?

Les femmes sont davantage impactées par les problèmes de mobilité puisque, comme pour le partage des charges domestiques et du care, elles prennent davantage en charge la mobilité des familles[2]. Ainsi, les femmes assument plus régulièrement que les hommes les trajets vers et depuis l’école et/ou la crèche. Elles sont aussi un peu plus nombreuses (35%) à déclarer enchaîner les trajets (crèche, école, travail, courses, soins de santé, … ) de tous les jours que les hommes. Cette charge de la mobilité domestique et de l’aménagement du territoire mal pensé amènent davantage de femmes que d’hommes à renoncer à une offre d’emploi pour des raisons de mobilité (lieu de travail inaccessible, pas de véhicule personnel,… ) ou force certaines femmes à trouver des alternatives pour pouvoir assurer la “double journée de travail”. Et il est clair que les familles monoparentales font face à des problèmes de mobilité encore plus accrus.

L’enquête “Mobilité des parents, Tais-toi et rame” publiée en décembre 2019 par La ligue des Familles, et dont 4 répondant·e·s sur 5 étaient des femmes, illustre qu’un changement de mentalité est en marche : plus de 3 parents sur 4 seraient prêts à prendre (davantage) les transports en commun si leur performances, leur fréquence et leur desserte étaient améliorées. 7 parents sur 10 seraient prêts à se déplacer davantage à vélo si la sécurité et le nombre de pistes cyclables étaient améliorées.

Alors, oui ! Pour donner à chacun.e la liberté de choisir sa mobilité responsable en milieu rural, nous en vouons plus. Plus d’intermodalité entre vélo et train, entre bus et train, entre voiture et train. Et des horaires adaptés, et plus de place pour vélos dans les trains, et puis aussi un seul ticket pour un trajet quel que soit le moyen utilisé !Plus de pistes cyclables vers les centres et les gares, et des routes de transit entre villages marquées pour vélo ! Plus de centrales de mobilité et de transport à la demande ! Plus de véhicules partagés (genre Cambio) même dans les zones peu denses, et de services de partages et location de voiture entre voisins, avec les véhicules de la commune le week-end… ! Et plus de rues scolaires aux abords des écoles ! On y va ?

[1] Enquête Monitor 2020 (SPF Mobilité)

[2] “La mobilité des familles : une affaire de genre ?” Ligue des familles, 2018

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