Comité de concertation: les leçons d’un gigantesque couac

Alexander De Croo, lors du dernier Comité de concertation. © Belga
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Cinémas et théâtres rouvrent leurs portes après l’intervention du Conseil d’Etat. Les politiques ont “foiré”. Les conséquences dépassent le simple retour aux mesures d’avant le 22 décembre.

Un Comité de concertation électronique confirmera ce mercredi 29 décembre le terrible couac politique de la semaine écoulée: après intervention du Conseil d’Etat, les théâtres et les cinémas peuvent rouvrir leurs portes, avec des jauges maximales de 200 personnes. Pour ce secteur culturel et économique, c’est un soulagement. Mais l’incroyable enchaînement des faits, depuis mercredi dernier, crée un précédent, à plusieurs titres. Dont les conséquences risquent d’être importantes pour la gestion à venir de la pandémie.

Un dangereux précédent juridique

Ce pourrait, en effet, constituer un précédent dont l’onde de choc risque d’être très concrète. “Le Conseil d’Etat suspend les disposions relatives au secteur culturel car il n’est pas établi que ce sont des lieux de contamination, constate Georges-Louis Bouchez, président du MR. Le MR avait réclamé des évidences scientifiques il y a un an lorsque les métiers de contact ont été fermés. Nous n’avions pas été suivis…”

Les termes du conseil d’Etat pourraient servir de jurisprudence pour d’autres secteurs, à l’avenir: “Il ressort que l’acte attaqué ne démontre pas en quoi les salles de spectacle seraient des lieux particulièrement dangereux pour la santé et la vie des personnes en tant qu’ils favoriseraient la propagation du virus, au point qu’il soit nécessaire d’en ordonner la fermeture.”

Le fonctionnement du Comité de concertation remis en cause

La grand-messe, devenue régulière, qui réunit le gouvernement fédéral et ceux des entités fédérées, sort en outre meurtrie de ce bras de fer perdu avec la justice, précédé par une “désobéissance civile” d’envergure. “Le gouvernement précédent, malgré les difficultés, travaillait avec MÉTHODE dans la CONCERTATION et avec PÉDAGOGIE, souligne Denis Ducarme (MR), député fédéral et ancien ministre des PME et Indépendants. S’écartant de ces principes le Codeco s’est mis en échec, le mode de décision et de gestion de la crise sanitaire doit être revu et corrigé!”

Organe de concertation obligé entre les différents niveaux de pouvoir, le Codeco avait déjà souffert de négociations complexes, de tensions communautaires et de demi-mesures imposées par le compromis. A l’issue de cette séquence-ci, marquée par un principe de précaution bien maladroit pour anticiper le déploiement du variant Omicron, le terme de “marchandages politiques” est devenu une injure, en ce compris… dans les milieux politiques qui ont pourtant aposé leur signature au bas des décisions imposant la fermeture de la culture.

Le fonctionnement même du Codeco pourrait être grippé ou devra être repensé.

Les mesures des secteurs “on-off” illégitimes, une nouvelle gestion nécessaire

Le constat d’échec, cuisant, pourrait mettre un terme à cette habitude ancrée depuis le début de la crise: quand une menace épidémiologique se présente, on appuie sur le bouton “on/off” de certains secteurs pour limiter les contacts. Cette fois, la proportionnalité de la mesure concernant la culture et son manque de justification scientifique ont eu raison des décisions.

De nombreuses voix s’élèvent désormais pour revoir la gestion des mesures. Paul Magnette, président du PS, est sorti ce week-end dans L’Echo pour s’exprimer une nouvelle fois en faveur de la vaccination obligatoire – que le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), n’exclut plus. Le socialiste ajoute: “Pour mieux gérer la crise, je propose plusieurs mesures, en particulier le baromètre une objectivation et des mesures déterminées à l’avance. L’articulation entre le rapport du GEMS et les décisions politiques doit être revu.” C’est le retour à cette idée de baromètre… qui avait été évoquée au début de la crise et abandonnée rapidement.”

Le monde politique décrédibilisé

La rupture entre le monde politique et les citoyens semble, cette fois, profonde. L’impact risque d’être immédiat au niveau de la crédibilité des mesures à prendre, alors que l’incertitude demeure au sujet de la diffusion du variant Omicron – beaucoup plus contagieux, mais moins sévère, apparaît-il.

L’impact risque aussi d’être furieux dans la perspective des prochaines échéances électorales, avec des extrêmes qui ne cessent de monter dans les sondages. Bien sûr, mai 2024, c’est encore loin, mais la Vivaldi vient de connaître un hiver compliqué, entre gestion sanitaire chaotique et accord boîteux sur l’énergie, dont les prix explosent.

Les dégâts sont encore importants, à de nombreux niveaux. L’intransigeance de Frank Vandenbroucke (Vooruit), ministre fédéral de la Santé, a joué un rôle important dans cette séquence et sa position est fragilisée: à quelques heures du couperet du Conseil d’Etat, il continuait à justifier la fermeture de la culture devant un secteur incrédule. Certains estiment qu’il devrait démissionner.

Le “bal des hypocrites”, pour reprendre les termes de l’éditorial de La Libre ce mercredi matin, marque aussi les esprits. Durant des jours, les écologistes et les socialistes francophones ont dénoncé les décisions du Codeco dands tous les médias, sans pour autant demander que l’on convoque une nouvelle réunion. Une cacophonie sans nom. Le MR, lui, tentait le grand écart: soit on change les mesures, soit on les respecte.

De façon générale, le politique ne sort pas grandi de cette volte-face imposée. Et le Premier ministre, en première instance, devra s’employer à recoudre les fils au début 2022. Ce n’est pas gagné.

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