Cinq jours pour comprendre la politique énergétique américaine (5/5): le schiste, “gaz de la liberté”

Rick Perry, secrétaire d'Etat américain à l'Energie. © belgaimage

Entre l’été 2018 et l’été 2019, l’Europe a considérablement augmenté ses importations de gaz de schiste américain. Le projet américain de tailler des croupières à la Russie en prenant des parts de marché à Gazprom est en marche…

Le génie commercial porte parfois l’inventivité sémantique à des niveaux stratosphériques.

Aux Etats-Unis, par exemple, le gaz naturel liquéfié est souvent nommé “clean energy” (énergie propre) par les entreprises du secteur. Il dégage certes moitié moins de CO2 que le charbon, mais l’exploitation du gaz de schiste, obtenu en fragmentant des roches schisteuses et qui est aujourd’hui le principal gaz exploité aux Etats-Unis, mobilise d’énormes quantités d’eau et de solvants. De plus, la production de gaz en général dégage une quantité non négligeable de méthane dans l’atmosphère, nettement pire pour l’environnement que le CO2…

Freedom gaz

Le GNL américain a également été baptisé en mai dernier “gaz de la liberté” (freedom gas) par le secrétaire d’Etat américain à l’Energie, Rick Perry. “Les États-Unis offrent à nouveau une forme de liberté au continent européen et plutôt que sous la forme de jeunes soldats américains, c’est sous la forme de gaz naturel liquéfié”, avait-il déclaré en marge d’une rencontre entre la Commission européenne et les Etats-Unis sur l’énergie. On voit l’idée : condamner Gazprom et le gaz russe, grand compétiteur des producteurs américains, sur base une base politique.

Ces efforts marketing ne font pas toujours dans la finesse, mais ils témoignent en tout cas d’une chose : l’importance cruciale, pour l’économie des Etats-Unis, d’exporter ce gaz qu’ils produisent en très grande quantité et le rôle clé de l’Union européenne dans ce processus.

Entre juillet 2018 et juillet 2019, l’Union européenne a en effet considérablement augmenté, de plus de 367%, ses importations GNL américain, une énergie qui tend à remplacer le charbon dans les centrales électriques d’Allemagne et d’Europe de l’Est et le fuel dans les systèmes de chauffage individuels. Cette année-ci, un tiers du GNL exporté par les États-Unis l’a été dans l’Union européenne. Les États-Unis sont le troisième fournisseur de GNL de l’Union, et l’Union est devenue la première destination des exportations américaines de GNL.

Et les capacités d’accueil de GNL en Europe continuent à se développer, avec des projets en Pologne, en Croatie, en Grèce, en Espagne, en Irlande, en Suède et à Chypre… Alors qu’en amont, aux Etats-Unis, les sociétés pétrolières indépendantes et les majors mondiaux de l’énergie financent des dizaines de milliards d’infrastructures pour exporter ce GNL.

Brûlé, faute de mieux…

Car les Etats-Unis produisent aujourd’hui trop de gaz, plus, tout cas que ce qu’ils peuvent consommer et exporter. Renée Pirrong, qui dirige la recherche du groupe gazier Tellurian, explique pourquoi en prenant l’exemple d’un des grands bassins de production de pétrole aux Etats-Unis, le bassin permien, qui s’étale entre le Texas et le Nouveau Mexique.

“Le bassin permien permet de produire du pétrole à très bas coûts : les exploitants sont à l’équilibre à 35 dollars le baril. Mais en produisant du pétrole, ils dégagent aussi une quantité substantielle de gaz, qu’ils brûlent parce que c’est plus économique pour eux. Sur le seul bassin permien, chaque jour, entre 0,5 et 1 milliard de “cubic feet” (un “pied cube” égale environ 0,028 mètre cube) finit en torchère parce que nous n’avons pas d’infrastructures suffisantes pour mettre ce gaz sur le marché, dit-elle.”

Les Etats-Unis vont-ils régler ce problème ? Qui achètera ce gaz ? Et quelle conséquence cela aura sur nous, consommateurs européens ? Nous tenterons de répondre à ces questions dans une analyse qui paraître dans le Trends Tendances du 25 septembre…

A suivre, donc.

Partner Content