Chypre: le jour où la panique n’a pas eu lieu

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Les banques ont rouvert ce jeudi à Chypre après douze jours de fermeture au cours desquels un plan de sauvetage international aux conditions draconiennes à été imposé à l’île. Ce qu’il faut retenir d’une journée très particulière.

Ce jeudi était très attendue par les Chypriotes et les marchés boursiers. Fermées depuis douze jours, les banques de l’île devaient rouvrir. Nombreux sont ceux qui craignaient une panique. Finalement, la ruée vers les guichets ne s’est pas confirmée. Ouf ! Retour sur cette journée en quatre points clefs.

Les banques ont rouvert dans le calme

Les agences des banques chypriotes, notamment celles de la Bank of Cyprius et la Laïki rouvraient leurs portes à midi pour six heures. Des personnes patientaient calmement à l’extérieur en attendant leur tour. Seuls huit clients à la fois étaient autorisés à entrer pour éviter tout débordement. Des gardes de sécurité ont même été mobilisés, certains armés, pour éviter toute panique. Laquelle n’a pas eu lieu.

Les restrictions sur les mouvements de capitaux y sont pour beaucoup, estime Christopher Vecchio, analyste du courtier DailyFX. En effet, selon un décret ministériel, les paiements et virements à l’étranger sont limités à 5000 euros par mois, par personne et par banque. De même que les retraits en espèces aux guichets et aux distributeurs sont limités à 300 euros par jour, par personne et par banque.

Mais dans les files d’attente, la colère se mêlait à la résignation. “J’ai 5 enfants, qu’est-ce que je peux faire avec 300 euros? Rien! Qu’est-ce que Chypre peut faire? Rien! Tout le monde est en colère mais on ne peut rien faire”, s’indigne un cinquantenaire au visage buriné. En fin d’après-midi, le flot des clients s’était tari, et les banques ont fermé à 16H00 GMT sans incident. “Je ne dirais pas que ça été une journée difficile, c’est la situation dans son ensemble qui est difficile”, a commenté Pambos Michael, directeur d’une agence de la Laïki située dans le vieux Nicosie, sans pouvoir évaluer si le nombre de clients a été supérieur à la moyenne.

Les marchés se sont rassurés

Les marchés financiers ont été plutôt rassuré par cette absence de “bank run”. A Paris, par exemple, le Cac 40 a terminé sur une petite hausse (+0,53%), comme Londres (+0,38%) ou Francfort (+0,08%). Les valeurs bancaires française ont grimpé, à l’image de BNP Paribas (+0,93% à 40,04 euros), Crédit Agricole (+2,39% à 6,43 euros) et Société Générale (+0,61% à 25,63 euros). L’agence Standard and Poor’s a contribué à rassurer les investisseurs en estimant que l’accord sur Chypre ne devrait pas avoir d’impact immédiat sur les notations des banques de la zone euro.

De son côté, l’euro s’est également repris, remontant au dessus d’1,28 dollar. Mais la prudence reste de mise. Le marché continue “de digérer les futures implications de ce plan de sauvetage chypriote pour le reste de la zone euro, et les craintes d’une contagion pèsent clairement sur la monnaie unique”, avertit ainsi Phil McHugh, analyste du courtier Currencies Direct.

Le FMI tente d’appaiser les craintes…

Les investissseurs redoutent en effet surtout de voir se répéter ailleurs en zone euro les conditions imposées à Chypre, à savoir une restructuration drastique du secteur bancaire et une ponction importantes sur les dépôts non garantis (au-delà de 100.000 euros) des deux principales banques. Or le FMI a jugé jeudi “difficile” d’étendre la solution appliquée à l’île. “Le cas de Chypre était très complexe et par nature unique. Il serait difficile d’étendre ce cas au reste de l’Europe ou dans le monde”, a déclaré un porte-parole du Fonds monétaire international, Gerry Rice, refusant toutefois de préciser si le FMI jugeait souhaitable une telle généralisation.

… quand le lobby bancaire les attise

L’Institut de la Finance internationale, qui regroupe les grandes banques mondiales, a pour sa part mis en garde les investisseurs jeudi en estimant que cette nouvelle approche pourrait bien préfigurer la manière “dont les futures tensions” dans la zone euro seront gérées. Il a assuré que l’économie du pays allait connaître une “chute libre” avec une récession qui pourrait atteindre 20% dans les deux prochaines années. De son côté, le porte-parole du FMI a reconnu que la mise en oeuvre du plan d’aide ouvrait une période “difficile pour les chypriotes pendant un certain temps”.”Nous en sommes conscients mais cela débouchera au final sur un modèle économique qui sera plus viable et plus porté sur la croissance”, a précisé M. Rice, ajoutant que la solution adoptée n’allait pas peser de “manière excessive” sur les contribuables chypriotes.

Le président chypriote fait un geste…

Le président de Chypre, Nicos Anastasiades, a annoncé qu’il allait réduire son salaire d’un quart alors que l’île traverse une grave crise économique et financière. Le président “a déjà autorisé le comptable général à réduire son propre salaire de 25%”, a-t-il indiqué à la presse. Les ministres seront également mis à la diète. Leurs rémunérations baisseront de 20%. Et tous, renonceront au 13e mois. Le gouvernement montre l’exemple mais pas sans mal : l’Europe a imposé un prix “trop élevé” à Chypre, alimentant “amertume” et “colère”, a affirmé le ministre chypriote des Affaires étrangères Ioannis Kasoulides. “Nous devons recommencer à zéro”, comme après l’invasion turque du nord du pays en 1974.

… et ouvre une enquête sur la crise bancaire
Le gouvernement chypriote passe à l’action. Il a nommé ce jeudi une commission pour enquêter sur d’éventuels actes criminels ayant entraîné la crise bancaire. L’objectif est de déterminer s’il y a des responsabilités criminelles, civiles ou politiques à l’origine de cette débâcle. La commission sera composée de trois anciens juges de la Cour suprême : George Pikis, Panayiotis Kallis et Yiannakis Constantinides.

Audrey Avesque

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