Chine VS USA: la drôle de guerre

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La guerre commerciale livrée par Washington à Pékin n’est que le symptôme d’une confrontation plus profonde qui vise à empêcher la Chine d’émerger comme superpuissance.

Quels que soient les dangers et les revers auxquels Xi Jinping et le Parti communiste chinois seront confrontés en 2019, ils pourront se flatter d’un remarquable tour de force : avoir réussi à unir des élites américaines antagonistes autour du besoin de faire face à la Chine.

Cette unité américaine masquera cependant de profonds désaccords. Un camp – formé de la plupart des collaborateurs du président Donald Trump en matière de sécurité nationale, de ses généraux, de ses chefs du renseignement et d’élus des deux partis au Congrès – désignera la Chine comme la principale menace pour les normes et les règles internationales. L’appareil de sécurité nationale américain accusera Pékin de profiter de la richesse et de la puissance d’un Etat à parti unique pour enfreindre les règles du commerce mondial, voler des secrets, intimider des alliés asiatiques des Etats-Unis et opprimer les Chinois sur leur sol et à l’étranger lorsqu’ils s’expatrient pour travailler ou étudier.

Le second camp sera composé d’un seul homme : Donald Trump. On peut s’attendre à ce que ce président américain sans précédent dans l’histoire exprime une admiration mêlée de cynisme aux dirigeants chinois pour avoir rompu avec leur vieille habitude de violer les règles. Il les félicitera d’avoir privilégié les intérêts chinois, puis laissera entendre que les Etats-Unis pourraient bien jouer le même jeu mercantiliste et protectionniste et le gagner. En 2019, comme souvent jusque-là, Donald Trump décrira ses alliés comme des parasites qui devraient payer eux-mêmes leur défense. Il dénigrera les normes mondiales ainsi que le débat sur les droits universels. Les violences de la Chine à l’encontre des Ouïgours, une minorité musulmane de la région du Xinjiang, au nord-ouest du pays, en seront un exemple. Il est probable que le Congrès américain tienne des auditions pour étudier les preuves de l’internement de centaines de milliers d’Ouïgours dans des camps de rééducation, mais il faut aussi se préparer à ce que Donald Trump adhère aux déclarations de Pékin justifiant sa poigne de fer par la nécessité de prévenir le terrorisme islamique.

Des actions pour ralentir les ambitions chinoises

Pourtant, Donald Trump et son équipe s’uniront autour d’une idée toute simple, à savoir que la Chine ne cache plus son jeu et qu’elle entend devenir une superpuissance économique, technologique et militaire aux dépens des Etats-Unis. Ils chercheront des moyens d’action rapides pour stopper ou ralentir les ambitions chinoises. Ils pourront par exemple proposer des lois pour durcir la sélection des acheteurs chinois d’entreprises ou de biens américains. Le Congrès pourra menacer de réduire les subventions fédérales versées aux universités américaines qui ouvrent leur campus aux instituts Confucius financés par le gouvernement chinois. Les services de renseignement américains pourront également faire fuiter ou révéler des informations inédites sur l’espionnage et le cyberpiratage chinois, alors même que le gouvernement Trump appuiera le Congrès dans ses pressions pour amener les entreprises technologiques américaines à retirer de Chine leurs installations de production les plus sensibles.

Les autorités chinoises ne chercheront pas à riposter à Donald Trump par une forte augmentation des droits de douane.

La réaction de Pékin pourrait nous surprendre. Même si 2019 commence dans un climat de guerre tarifaire entre les Etats-Unis et la Chine, elle finira tout autrement. L’année ne sera guère favorable aux dirigeants chinois. La croissance économique du pays ralentira. A l’étranger, le mécontentement montera contre la ” diplomatie de l’endettement “, certains pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ayant de plus en plus de difficultés à rembourser les prêts consentis par la Chine pour financer de grands projets d’infrastructure. Les pays musulmans protesteront davantage contre la répression dans le Xinjiang. Pour préserver la stabilité intérieure, Pékin pourrait se montrer plus conciliant que beaucoup ne le pensent.

Les autorités chinoises ne chercheront pas à riposter à Donald Trump par une forte augmentation des droits de douane. Elles ouvriront des secteurs jusque-là fermés aux entreprises occidentales, relèveront les plafonds d’investissement dans les joint-ventures et, plus simplement, ouvriront leur carnet de chèques pour acquérir des milliards de dollars de marchandises américaines. La Chine a de bonnes raisons de ne pas multiplier les contrôles douaniers, fiscaux ou autres en guise de représailles contre les entreprises américaines, car toutes les sociétés étrangères risqueraient de peser les risques d’un investissement. Quoi qu’il advienne, certaines entreprises américaines accéléreront le rythme de diversification de leur production en dehors de la Chine. Le régime communiste invitera activement les entreprises européennes, japonaises et sud-coréennes à entrer dans le marché chinois tout en pressant ses chercheurs et scientifiques à rendre le pays autonome dans le secteur des technologies avancées.

Une concurrence tout autre

Ces calculs chinois donnent à penser qu’en 2019 les tensions commerciales avec les Etats-Unis continueront à couver mais n’exploseront pas. Les chaînes d’approvisionnement américaines en Chine seront moins importantes mais toujours présentes.

A court terme, la concurrence entre la Chine et les Etats-Unis s’exercera dans des secteurs différents. Alors que l’équipe de Trump poursuivra des négociations peu satisfaisantes avec la Corée du Nord sur le programme nucléaire de ce régime staliniste, la Chine agira de moins en moins dans ce domaine, allégeant les sanctions existantes et refusant d’en envisager de nouvelles. Pékin prendra plus de risques en mer de Chine méridionale, en installant de nouveaux systèmes d’armes sur des récifs revendiqués par d’autres pays. Les dangers d’un affrontement entre des navires et des avions américains et chinois seront importants. Les diplomates chinois mettront davantage leur veto aux Nations unies et, dans d’autres rencontres internationales, souvent aux côtés de la Russie.

Le monde doit se préparer à une confrontation d’un nouveau genre entre les Etats-Unis et la Chine. Ce ne sera ni une guerre commerciale ni un choc des valeurs de type guerre froide (Donald Trump est trop amoral pour l’une comme pour l’autre). Il s’agira plutôt d’un endiguement réciproque : une grande muraille de méfiance.

Par David Rennie.

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