“Ça vaut le coup d’organiser des Jeux olympiques, malgré les coûts”

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Les JO, un modèle en crise ? Certes le nombre de villes candidates à l’organisation a baissé (de 11 pour les JO d’été de 2004 à 4 pour 2024), “mais il y encore un choix pour 2024, ce qui est fondamental pour le CIO”, répond Jean-Loup Chappelet, un universitaire suisse spécialiste du mouvement olympique.

Selon ce professeur à l’Institut de hautes études en administration publique de Lausanne (IDHEAP), qui vient de publier “Jeux Olympiques: raviver la flamme”, il faut expliquer aux populations concernées que “ça vaut le coup d’organiser les Jeux malgré les coûts de l’organisation”.

On l’a vu avec les JO de 2022 attribués à Pékin (face à un seul candidat Almaty), on pourrait aussi voir Rome se retirer de la course aux JO 2024. Le modèle des JO est-il en crise avec de moins en moins de candidatures, même si ce phénomène s’est déjà vu par le passé ?

“Oui, il y a beaucoup moins de candidatures pour les Jeux d’été (de 11 pour 2004 à 3 ou 4 pour 2024). Ceci dit il y a encore un choix pour 2024, ce qui est fondamental pour le CIO qui a assuré depuis plus de cent ans que les Jeux aient bien lieu tous les 4 ans (sauf pendant les deux guerres mondiales). Il faut expliquer aux populations des villes et régions concernées que ça vaut le coup de les organiser malgré les coûts de l’organisation (qu’il ne faut pas cacher mais mettre en relation avec d’autres coûts). Il faut insister sur le patrimoine laissé plus que sur l’héritage (“legacy”) qui est un concept vague et surtout peut-être négatif (on refuse parfois un héritage !)”.

Quelles sont les raisons de ce faible nombre de candidatures ? Est-ce le coût parfois exorbitant, comme ce fut le cas à Pékin et Sotchi ou le poids de plus en plus fort de la population qui peut dire non, comme à Hambourg ?

“Les coûts de Jeux de Pékin et Sotchi ont été exagérés comme autrefois ceux de Montréal en intégrant dans le coût total des choses qui n’avaient rien à y faire (comme des stations de métro, des autoroutes, des trains, etc.). Il faut convaincre les populations avec des arguments vrais et crédibles qui n’essayent pas de cacher des vérités incontournables mais explicables. On peut gagner une votation en Suisse (c’est ce que j’ai fait comme directeur de la candidature de Sion 2006 première phase avec 67% de “oui”), mais il ne faut pas faire de fausses promesses.

Rio, qui organise coup sur coup le Mondial de foot et les JO, rencontre de grosses difficultés financières et subit un retournement de l’économie qui n’était certes pas prévisible. Pour éviter cela, la tentation du CIO n’est-elle pas de revenir vers des économies plus stables et plus fortes, comme la Chine pour 2022, les USA ou la France pour 2024 ?

“Oui, bien sûr. Mais rien n’est garanti sept ans à l’avance puisque les Jeux sont attribués sept ans à l’avance. Je crois qu’il faut prendre en compte des facteurs géopolitiques et culturels lors des choix, par exemple l’état de corruption du pays, les droits de l’homme et des travailleurs, etc. Mais les grandes économies ont plus de chance. Le CIO ne peut toutefois s’y résoudre s’il veut préserver l’universalité du Système olympique.”

L’agenda 2020 répond-il à ces problèmes ou n’est-ce que cosmétique ?

“L’agenda 2020 répond en partie au problème en encourageant les candidatures à utiliser des sites existants (déjà payés et déjà prêts, ce qui évite les critiques traditionnelles pré-jeux). Mais il faut mieux communiquer et ne pas brandir l’agenda comme la panacée à toutes les questions qui se posent.”

Comment voyez-vous l’avenir du mouvement olympique ? L’âge d’or avec des droits TV et marketing énormes n’est-il pas révolu ? Ne faut-il pas revenir à des Jeux à taille humaine ?

“Ce sera difficile car toutes les parties prenantes attendent plus des Jeux. Les gens regarderont de plus en plus les Jeux sur internet et facebook. Il faut donc trouver un modèle économique pour travailler avec ces médias. Il apparaît également que le trafic internet augmente l’audience TV (écran double). Les chaînes de télévision voudraient donc toujours acheter les droits de retransmission. Même chose pour les sponsors qui n’ont pas beaucoup d’autres véhicules universels pour passer leur message. Des Jeux plus petits seraient plus faciles à organiser pour les villes/régions mais peut-être moins attractifs pour les TV et sponsors. Il faut trouver un équilibre.”

Propos recueillis par Eric BERNAUDEAU

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