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Budget: “Le gouvernement Michel a tendu le bâton pour se faire battre”

La Belgique glisse-t-elle lentement sur une pente budgétaire verglacée ? Les bulletins européens successifs provoquent en tout cas une certaine inquiétude quant à un possible dérapage des finances publiques.

D’après les prévisions d’hiver de la Commission, le déficit continuerait à flirter avec le seuil des 3 % du PIB, s’éloignant de plus en plus nettement des trajectoires de retour à l’équilibre pour 2018. Les instances européennes sont loin de partager l’optimisme du gouvernement Michel, qui tablait sur un déficit limité à 2,1 % du PIB cette année. L’écart entre les deux projections s’élève à 3 milliards d’euros. Et à près de 5 milliards si l’on s’en tient au seul déficit structurel (deux fois plus élevé dans le scénario européen ! ), c’est-à-dire en éliminant de l’analyse les aspects ponctuels et conjoncturels.

On pourrait ergoter à l’infini sur le calcul des uns et des autres à propos de chaque poste, afin de raboter les divergences d’interprétation. Posons-nous plutôt cette question : pourquoi la Commission européenne adopte-t-elle systématiquement la vision la plus pessimiste possible à l’égard de la Belgique ? Le fait qu’il soit plus facile de taper sur les petits pays pour imposer son autorité a sans doute joué. Mais le gouvernement Michel a aussi gentiment tendu le bâton pour se faire battre, en laissant d’importantes zones d’ombre dans ses propres tableaux budgétaires.

Le gouvernement Michel a tendu le bâton pour se faire battre

Au départ, l’intention gouvernementale est pourtant louable : les trajectoires sont dressées jusqu’en 2020, au-delà de la courte vue d’un budget annuel et même au-delà de la législature. Le problème, c’est que cette trajectoire intègre 750 millions d’économies (100 en 2016) grâce à “un re-design” de l’administration, concept flou pour lequel aucun élément n’est connu à ce jour ; qu’elle affiche un milliard d’euros de “mesures d’économie à définir” (sic ! ) en 2018 ; qu’elle intensifie les sous-utilisations de crédits, par nature imprécises ; qu’elle table sur 900 millions d’effets-retours du tax-shift à l’horizon 2020 ; et qu’elle aboutit malgré tout à un trou de 3,1 milliards à combler en 2019 (saluons quand même le choix très honnête et transparent d’avoir inscrit ce chiffre dans les tableaux budgétaires soumis au Parlement).

Cela fait un peu beaucoup de déclarations d’intentions et de plans tirés sur la comète, comme l’avait déjà pointé la Cour des comptes. Dans ces circonstances, pour mériter la confiance de la Commission, il eût fallu bien bétonner le travail en amont. Cela semble le cas pour le budget de la sécurité sociale, qui affiche un résultat 2015 supérieur aux attentes. En revanche, du côté des recettes fiscales, l’imprécision et les reculades restent de mise : absence manifeste de volonté politique de mettre en oeuvre la taxe sur la spéculation ; doute sur la possibilité d’engranger 250 millions par une nouvelle DLU faute de négociations préalables avec les Régions ; rulings et recours en pagaille contre la taxation des intercommunales ; incertitudes répétées de la Cour des comptes quant à la multiplication par quatre du rendement de la taxe Caïman…

Tous ces éléments font tache dans le bilan belge et n’incitent évidemment pas à relayer sans broncher les engagements de réduction des dépenses. D’autant que les dégâts des économies trop linéaires éclatent au grand jour : il faut déjà refinancer les forces de sécurité (les 400 millions sont déjà inclus dans l’analyse de la Commission) et débloquer de nouveaux moyens pour le RER après avoir mis la SNCB à la diète. D’où viendra donc tout cet argent, quand on peine déjà à rester dans les clous budgétaires ? Allez, bon amusement mesdames et messieurs les ministres, il y a un joli contrôle budgétaire qui se profile pour le mois de mars.

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