Budget : l’injustice au c½ur de l’Europe ?

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A peine adoptées, les nouvelles règles budgétaires de l’UE sont mises à mal. Au coeur du dossier : les différences de traitement envers la Hongrie et l’Espagne, qui rappellent douloureusement les tensions de 2003, lorsque l’Allemagne et la France avaient arraché certaines largesses…

A peine adoptées, les nouvelles règles européennes de discipline budgétaire ont été mises à mal mardi lors d’un débat difficile entre les ministres des Finances sur les cas de l’Espagne et de la Hongrie. La perception d’une certaine clémence à l’égard de Madrid contraste avec le gel des fonds de cohésion infligé à Budapest, provoquant déjà une remise en cause de la cohérence de l’ensemble.

Confrontée à une crise de la dette sans précédent, l’Union européenne a considérablement serré la vis budgétaire l’an dernier, afin de rassurer les marchés sur la viabilité de ses finances publiques. Les 27 ont adopté une législation (six pack) qui prévoit des sanctions pour les pays en déficit persistant, dont la dette ne se réduit pas assez vite ou ne remédiant pas à leurs problèmes de compétitivité. Un traité de discipline budgétaire, plus sévère encore, est en voie d’adoption.

L’Europe sévère envers la Hongrie

Placée au coeur du processus de surveillance, la Commission européenne a promis qu’elle veillerait scrupuleusement au respect des règles. Après avoir prévenu cinq pays, dont la Belgique, qu’ils risquaient de ne pas atteindre leur objectif en 2012, elle est passée à l’action en proposant des sanctions financières contre l’un d’entre eux, la Hongrie, accusée de n’avoir pas suffisamment réduit son déficit.

Selon les dernières estimations, la Hongrie devrait enregistrer un déficit de 3 % cette année, un demi-point au dessus de l’objectif convenu au niveau européen. La Commission la presse de respecter l’engagement, d’autant plus que le gouvernement hongrois a largement recouru aux mesures non récurrentes.

Le gel proposé d’un demi-milliard d’euros de fonds européens a été approuvé mardi par les ministres des Finances des 27, après de longues discussions qui ont permis à la Hongrie d’obtenir quelques mois supplémentaires pour se mettre en règle et éviter la sanction in extremis.

Espagne vs Hongrie : deux poids, deux mesures en Europe ?

C’est surtout la comparaison avec l’Espagne qui suscite les interrogations, cependant. Lundi soir, les Européens ont en effet donné à Madrid une certaine latitude pour atteindre ses objectifs en 2012 (4,4 % du PIB), après un dérapage catastrophique à – 8,5 % en 2011. Pour autant que l’Espagne respecte l’échéance de 2013 pour ramener le déficit sous la barre des 3 %, les ministres lui ont donné implicitement le feu vert pour violer l’objectif de 2012.

Steven Vanackere, ministre belge des Finances, explique cette clémence par “l’effort olympique” demandé à l’Espagne dans un contexte de récession et d’explosion du chômage. L’assouplissement accordé est “quelque chose d’unique, d’assez exceptionnel”, a-t-il dit : “On ne doit pas arriver à la conclusion que le schéma global est relativisé.”

Ce point de vue n’est pas partagé par tous. “Nous devons traiter tous les pays de la même façon, a déclaré la ministre autrichienne Maria Fekter. Or, nous n’avons pas adopté de sanctions contre l’Espagne. Par rapport à la pression mise sur la Hongrie, j’ai l’impression qu’il y a deux poids, deux mesures.”

Espagne/Hongrie, France/Allemagne : même combat ?

La situation n’est pas sans rappeler les tensions qu’a connues l’UE en 2003, lorsque la France et l’Allemagne ont obtenu un assouplissement du pacte de stabilité pour mener des politiques déficitaires. Cette réforme taillée sur mesure pour les deux plus grands pays de la zone euro avait fait grincer les dents des petits Etats, soumis quant à eux à une application plus inflexible. Elle a surtout été accusée d’avoir entraîné le laxisme à l’origine de la crise de la dette souveraine.

Le renforcement de la discipline décidé l’an dernier devait précisément permettre d’éviter de tels arbitrages politiques.

Ces tensions préfigurent les difficultés à venir pour l’UE

Les tensions survenues mardi préfigurent les difficultés à venir pour les Européens, qui devront répondre de la cohérence de leurs engagements. L’an prochain, la Commission devra veiller au respect des engagements de la France, l’Allemagne, l’Italie et du Royaume-Uni, des grands pays qui ont pour objectif de faire passer leur déficit sous les 3 % en 2013.

Les promesses de rigueur budgétaire seront alors véritablement mises à l’épreuve de la “realpolitik”.

Trends.be, avec Belga

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