Après les élections françaises et allemandes, un regain d’optimisme européen

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Depuis la réélection d’Angela Merkel et l’élection d’Emmanuel Macron, la confiance est au beau fixe dans l’Union européenne. Mais gare aux trouble-fêtes de l’Est.

Pour la première fois depuis une décennie, l’Union européenne accueillera la nouvelle année avec optimisme. Plusieurs facteurs expliquent ce moral en hausse : une croissance économique qui dépasse celle des Etats-Unis, une crise des migrants qui s’estompe dans les mémoires et la présence rassurante d’Angela Merkel, qui se lance dans son quatrième et probablement dernier mandat de chancelière. Et peut-être plus important encore : l’élection d’Emmanuel Macron, le président français farouchement pro-européen, et le sentiment que le populisme eurosceptique a atteint son point culminant. Pour la première fois depuis des années, de nouvelles perspectives semblent s’offrir à l’Union européenne (UE).

Elles se manifesteront sous deux formes : un ordre du jour résolument axé sur l’intégration et la croissance, et, sous la houlette d’Emmanuel Macron, des mesures de protection pour contrer les forces populistes. Sur le plan commercial, l’UE négociera – et dans certains cas conclura – des accords plus ou moins ambitieux avec des partenaires comme le Japon, le Mexique, le Mercosur (marché qui regroupe plusieurs pays d’Amérique latine) et l’Australie. Mais cet esprit d’ouverture sera tempéré par ce que les eurocrates appellent des mesures réalistes, telles qu’une sélection des investissements étrangers et des sanctions contre les pays – en l’occurrence la Chine – qui font preuve de discrimination avec les entreprises européennes. Des négociations commerciales s’ouvriront également avec le Royaume-Uni, qui se prépare à quitter l’UE.

Le nombre de migrants et de réfugiés qui traversent la Méditerranée a diminué et, après les traumatismes de 2015 et 2016, les dirigeants de l’UE veilleront à ce qu’il ne remonte pas. Avec leur soutien, l’Italie continuera de négocier avec les milices libyennes qui ont endigué l’afflux. Le désaccord qui oppose les membres de l’UE sur la répartition interne des migrants pourrait être réglé si les pays récalcitrants acceptent de réinstaller un nombre négligeable de réfugiés. Mais le calme relatif régnant sur ce front ne parviendra pas à apaiser certains des clivages les plus profonds de l’UE. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, ira de plus en plus loin dans son discours illibéral et xénophobe et dans ses invectives contre Bruxelles à la veille des élections législatives prévues au printemps. Les manoeuvres du gouvernement polonais pour réformer les institutions judiciaires risquent de conduire la Commission européenne à lancer une procédure en vue de suspendre les droits de vote de la Pologne au sein de l’UE. Le nouveau Premier ministre de la République tchèque, Andrej Babis, un milliardaire controversé, pourrait décider de se ranger du côté de la Hongrie et de la Pologne.

Projet 2020-2027

Au printemps, les Etats membres commenceront à débattre du projet de budget de la Commission pour les années 2020-2027. La bataille devrait être particulièrement rude : non seulement le départ du Royaume-Uni va créer un trou dans le budget de 9 à 10 milliards d’euros par an, mais certains contributeurs souhaitent revoir la distribution des dépenses et en consacrer davantage à des priorités communes comme la migration et la défense plutôt qu’aux autoroutes et aux réseaux d’égouts de l’Europe de l’Est.

Ces discussions engendreront un débat plus vaste sur l’organisation de la zone euro. L’objectif prioritaire sera de mener à son terme l’union bancaire, qui n’a toujours pas de soutien budgétaire commun pour les banques en difficulté ni de système européen d’assurance des dépôts.

Sauf en cas de crise externe, la situation économique restera stable, ce qui permettra à la BCE de mettre un terme à sa politique monétaire de relance.

Au cours de ces négociations, les Etats membres seront amenés à se pencher sur la question du successeur de Mario Draghi à la tête de la Banque centrale européenne (BCE). Le mandat de Mario Draghi doit s’achever à la fin de 2019. L’Allemagne pourrait appuyer la candidature de Jens Weidmann, le président de la Bundesbank qui suit une ligne ordolibérale (déficits restreints, prix stables, réglementations strictes). D’autres s’y opposeront farouchement.

Sauf en cas de crise externe, la situation économique restera stable, ce qui permettra à la BCE de mettre un terme à sa politique monétaire de relance. Le maillon faible de la zone euro est l’Italie, où la croissance reste faible, mais sa plus grande menace est de nature politique : le Mouvement 5 étoiles, un parti populiste, pourrait rafler la plupart des sièges aux élections législatives du printemps.

A l’extérieur, des voisins irascibles de la zone euro – la Russie, mais aussi les pays de l’ouest des Balkans, où la tension monte et où des puissances externes se livrent à un jeu géopolitique complexe – demeurent de potentielles sources d’instabilité. La Turquie, avec la dérive autoritaire du président Recep Tayyip Erdogan, pose un problème épineux pour l’UE, qui pourrait rompre les négociations d’adhésion, déjà au point mort. Cependant, les conflits régionaux et la menace terroriste avec l’UE devraient favoriser les discussions sur une coopération dans le domaine du renseignement et de la défense.

Un retour de la Grèce ?

La période la plus marquante de l’année sera le mois d’août si la Grèce parvient au terme de son troisième plan d’aide. C’est la mauvaise gestion de la situation grecque en 2010 qui a engendré la crise de la zone euro et les années de misère qui ont suivi. Rien ne garantit que la Grèce va réussir son retour sur les marchés des capitaux, et on peut s’attendre à de difficiles négociations sur la dette du pays. Mais quel meilleur moyen pour l’UE de montrer qu’elle est sortie d’affaire que de rendre sa liberté à son membre le plus en difficulté ?

Par Tom Nuttall.

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