Accord sur une directive européenne pour des “salaires minimaux adéquats”

Un accord provisoire a été dégagé en trilogue, durant la nuit de lundi à mardi, sur une future directive européenne pour des “salaires minimaux adéquats” dans l’UE. Négociateurs du Parlement européen et du Conseil (États membres) se sont accordés pour encourager les États membres à favoriser la négociation collective sur la rémunération des travailleurs, avec pour but final de tirer vers le haut les salaires minimaux à travers l’Europe.

La proposition avait été mise sur la table par la Commission en octobre 2020. Le texte ne propose pas d’instaurer un salaire minimum européen, ce qui serait d’ailleurs hors des compétences de l’UE. Mais il instaure un cadre pour que les États membres favorisent la concertation sociale à ce sujet, dans le but entre autres que les salaires minimaux existants soient rehaussés pour assurer, dans chaque État, un niveau de vie considéré comme décent.

Là où les négociations collectives (sectorielles et interprofessionnelles) ne couvrent que moins de 80% des travailleurs, l’État devra établir et publier un plan d’action pour tendre vers ce seuil, et donc encourager les discussions entre autorités, employeurs et représentants syndicaux au sujet des rémunérations.

Les États membres ayant un salaire minimum fixé par la loi “sont invités à mettre en place un cadre procédural” pour l’établir, l’évaluer et le mettre à jour régulièrement “selon un ensemble de critères clairs”, “au moins tous les deux ans (ou au plus tous les quatre ans pour les pays qui utilisent un mécanisme d’indexation automatique)”, communique le Conseil mardi. Un mécanisme qui devra associer, là aussi, les partenaires sociaux.

Le texte propose donc des critères qui serviront à vérifier, État par État, si le salaire minimum qui y vaut est bien “décent” ou “adéquat”. “Nous voulons que les pays de l’UE évaluent leurs salaires minimaux à l’aune de standards utilisés au niveau international, comme le seuil d’au moins 50% du salaire moyen brut ou 60% du salaire médian brut”, explique mardi une des négociatrices du Parlement, la travailliste néerlandaise Agnes Jongerius (S&D), dans un communiqué. “Actuellement, 18 États de l’UE ne rencontrent pas ces critères”, ajoute-t-elle.

Des conventions collectives de travail sont le meilleur outil pour lutter contre le phénomène de travailleurs à temps plein vivant dans la pauvreté, par manque de salaire suffisant, reconnaissent les différentes parties.

Le texte doit encore être formellement adopté aussi bien par le Conseil que par le Parlement européen, avant d’être transposé en droit national (dans les deux ans) dans chacun des États membres. Cela se ferait en ce mois de juin au niveau du Conseil, et en plénière en septembre, au Parlement européen. Pour la Belgique, où le système des conventions collectives de travail est bien ancré pour fixer des niveaux minimaux de rémunération, le texte ne devrait pas bouleverser les choses.

L’élue CD&V Cindy Franssen (PPE) rapporte mardi des chiffres 2018 d’Eurostat, constatant que plus de 20 millions de travailleurs européens étaient à risque de pauvreté. Un des constats ayant poussé la Commission à proposer le texte est l’énorme disparité en matière de salaire minimum parmi les 27. “Dans dix pays européens, le salaire minimum est de moins de 642 euros (Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Lettonie, Croatie, Estonie, Tchéquie, Pologne, Slovaquie, Lituanie)”, indique Cindy Franssen. La Belgique est quant à elle bien au-dessus, “en quatrième place”, assure-t-elle.

Actuellement, la base fixée en Belgique (le revenu minimum mensuel moyen garanti, ou RMMMG, du Conseil national du travail), pour les prestations normales à temps plein sous contrat de travail, est de 1.806,16 euros.

La socialiste flamande Kathleen Van Brempt (S&D) souligne quant à elle que le rôle des syndicats se verra davantage protégé à travers l’UE avec la directive. Les États membres vont être obligés d’agir pour protéger les représentants participant à des négociations collectives, et de garantir un droit de recours aux travailleurs dont les droits ont été violés.

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